L’Encyclopédie/1re édition/SAINFOIN

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SAINFOIN, s. m. (Hist. nat. Botan.) onobrycis, genre de plante à fleur papilionacée. Le pistil sort du calice, & devient dans la suite une silique découpée comme une crête de coq, & hérissée de pointes dans quelques especes : cette silique renferme une semence qui a la forme d’un rein. Ajoutez aux caracteres de ce genre, que les fleurs sont disposées en épi fort serré. Tournefort, inst. rei herb. Voyez Plante.

Tournefort en distingue six especes, dont la principale est à fleurs rouges, & à gousses taillées en crête de coq ; onobrychis major foliis viciæ, fructu echimato, en anglois, the great vetch leav’d cocks head, with an ochinated fruit.

Sa racine est longue, médiocrement grosse, dure, vivace, garnie de quelques fibres, noire en-dehors, blanche en-dedans. Elle pousse plusieurs tiges longues d’environ un pié, droites, fermes, d’un verd rougeâtre ; ses feuilles sont assez semblables à celles de la vesce ou du dalega, mais plus petites, vertes en-dessus, blanches & velues en-dessous, pointues, attachées par paires sur une côte, qui se termine par une seule feuille, d’un goût amer, & d’une odeur légerement bitumineuse. Ses fleurs sont légumineuses, disposées en épis longs & fort serrés, qui sortent des aisselles des feuilles ordinairement rouges, soutenues par des calices velus. Quand les fleurs sont passées, il leur succede de petites gousses taillées en crête de coq, hérissées de pointes rudes. Ces gousses renferment chacune une semence qui a la figure d’un petit rein, grosse comme une lentille, & d’assez bon gout dans sa verdeur. (D. J.)

Sainfoin, (Agricult.) cette plante est nommée onobrychis par les Botanistes, sainfoin en françois, & de même en anglois the wholesome hay, parce qu’elle est fort saine, & qu’elle convient merveilleusement fraîche ou seche à tous les bestiaux. Quelques-uns l’appellent l’herbe éternelle, à cause qu’elle dure long-tems dans une même terre. Dans quelques provinces on l’appelle l’esparcette.

Si l’on cultive cette excellente plante suivant la nouvelle méthode de M. Tull, on en aura des brins qui s’éleveront jusqu’à cinq piés de haut, avec des touffes de fleurs rouges, de trois, quatre & cinq pouces de long ; enfin par cette méthode un arpent de sain-foin vient à produire autant d’herbe que trente ou quarante arpens de prés ordinaire. Il est donc important d’entrer dans les détails de la culture de cette plante utile.

La grande fertilité du sainfoin procede principalement de la prodigieuse quantité de racines qu’il produit. Son pivot s’étend quelquefois à 15 ou 20 piés de profondeur en terre, & de plus il est pourvu de plusieurs racines latérales, qui s’étendent surtout vers la superficie dans la bonne terre.

C’est une erreur de croire que pour que le sainfoin réussisse bien, il faut qu’il y ait, à une certaine profondeur, un banc de tuf, de pierre, ou de craie qui arrête le progrès de ses racines. Au contraire, plus la terre a de fond, plus les racines s’étendent & plus cette plante est vigoureuse.

Comme assez souvent il y a une partie de la semence qui n’est pas propre à germer, il ne faut pas manquer d’en semer à part une petite quantité pour l’éprouver.

On ne doit pas semer cette graine à plus d’un demi-pouce de profondeur, surtout dans les terres fortes ; car comme les lobes de la semence, qui est grosse, doivent percer la terre pour former les feuilles similaires, que d’autres nomment feuilles séminales, il arrive souvent qu’ils ont trop de peine à se dégager de la terre. Alors il n’y a que la tige qui se montre en forme d’anneau, & la plante périt.

Comme le sainfoin est plusieurs années avant de donner un produit considérable, on a coutume pour tirer un profit de la terre, de semer avec la graine de sainfoin, du trefle, de l’orge, de l’avoine, &c. L’orge & l’avoine n’occupant pas longtems la terre, ces grains font peu de tort au sainfoin ; mais les plantes vivaces, comme le trefle, lui en font beaucoup.

Dans les années seches, il arrive souvent, que quand on a fauché l’orge ou l’avoine, on n’apperçoit pas de sainfoin. Néanmoins en y regardant de près, on voit ordinairement des filets blancs qui indiquent que le sainfoin a levé, mais que les feuilles qui étoient fort menues, ont été fauchées avec l’orge ou l’avoine.

Si les grains qu’on seme avec le sainfoin sont drus, s’ils ont poussé avec vigueur, & surtout s’ils ont versé, il arrive ordinairement que le sainfoin est étouffé : mais cet accident arrivera rarement, si on le seme suivant la nouvelle méthode de Tull ; car comme on seme le sainfoin dans des rangées séparées de celles du blé, de l’orge, &c. il court moins de risque d’être étouffé. Il faut cependant convenir qu’il réussit toujours mieux quand il est semé seul.

Quand M. Tull commença à cultiver du sain-foin, suivant sa méthode, il employoit 2 galons de semence, ou un peu plus de 2 tiers de notre boisseau de Paris, pour un acre de terre. Mais étant arrivé par accident, que presque toute la semence qu’il avoit mise en terre étoit périe dans un acre ou deux de terrain, qu’il avoit semé trop tard, il fut agréablement surpris de voir au bout de trois ans quelques piés de sainfoin d’une grosseur extraordinaire, qui étoient restés çà & là à une telle distance, qu’il n’y en avoit qu’environ quatre piés dans une verge de terre quarrée : de sorte que cette partie de son champ lui fournit le double d’herbe, que le reste où le semence n’avoit pas péri, & où le sainfoin étoit beaucoup meilleur que dans les terres qui avoient été semées à l’ordinaire.

M. Tull conclut de-là, qu’il est avantageux de semer le sainfoin fort clair, pour que les racines d’un pié ne nuisent pas à celles d’un autre ; & il pense que ceux-là se trompent qui sement leur sainfoin fort dru, dans l’espérance de se procurer une abondante récolte, puisqu’ils réduisent leur sainfoin dans le même état où il est sur les hauteurs de la Calabre auprès de Croto, où cette plante vient naturellement sans aucune culture, mais où elle est si basse & si chétive, qu’on a peine à s’imaginer ce qui a pu déterminer à la cultiver.

M. Tull appuie son sentiment sur une observation qu’il est bon de rapporter. Il dit qu’un champ de sainfoin aboutissant sur une terre qu’on labouroit pour la mettre en blé, avoit été fort endommagée par les charrues, qui ayant çà & là entamé sur le sainfoin, en avoit beaucoup arraché ; mais que le dommage n’étoit qu’apparent, puisque cette partie du champ avoit dans la suite produit plus d’herbe que les autres.

Il paroît que notre auteur pense qu’un gallon, ou très-peu plus du tiers de notre boisseau de Paris, de bonne semence suffit pour un acre de terre ; mais il faut que cette semence soit bien également distribuée partout, de sorte qu’il reste entre chaque pié de sainfoin, des espaces à-peu-près égaux : c’est ce qu’on peut faire avec le nouveau semoir de son invention, & non autrement. Il ne faut pas craindre de diminuer la récolte en diminuant le nombre des plantes ; car le produit d’une seule plante bien cultivée passera une demi-livre. Ainsi, lorsqu’il y aura 112 plantes dans une perche quarrée, quand on supposeroit que chaque plante, l’une portant l’autre, ne produiroit qu’un quart de livre de foin, on aura néanmoins 28 livres de foin par perche quarrée. On ne s’attendroit pas à une recolte aussi considérable ; quand les plantes sont encore jeunes & petites, elles ne couvrent pas la terre, & il semble que la plus grande partie du champ reste inutile ; mais quand les plantes sont parvenues à leur grandeur, elles couvrent toute la terre. Il y a encore un avantage qu’on retire de la nouvelle culture ; c’est que si le sainfoin cultivé a été semé de bonne heure, il commencera dès la seconde année à fournir une petite recolte qui égale celle de la troisieme année du sainfoin ordinaire.

De plus, M. Tull assure que le sainfoin, cultivé suivant ses principes, plaît aux bestiaux, parce que les bestiaux mangent par préférence les herbes qui sont crues avec plus de force & de vigueur. Il est pourtant avéré que les bestiaux préferent l’herbe fine à celle qui est grosse : or le sainfoin qui est cultivé suivant la nouvelle méthode, doit être fort gros.

Quoi qu’il en soit, l’auteur conclut de ses expériences, 1°. que si l’on seme du sainfoin dans le dessein de le cultiver avec la nouvelle charrue, la façon la plus convenable est de le semer en deux rangées paralleles, qui soient éloignées l’une de l’autre de 8 pouces, & de donner 30 ou 32 pouces de largeur aux plates-bandes : de sorte qu’il doit y avoir quatre piés du milieu d’un sillon au milieu d’un autre.

2°. Si l’on seme du sainfoin dans l’intention de le cultiver à main avec la houe, il convient de mettre 16 pouces d’intervalle entre les rangs, & qu’il y ait dans les rangs au-moins 8 pouces de distance, d’un pié à l’autre.

3°. Si l’on seme du sainfoin dans l’intention de ne point le labourer, il faut mettre les rangées à 8 pouces les unes des autres ; & faire ensorte de ne pas employer plus de semence, que quand on laisse 16 pouces entre les rangs ; car il faut que chaque pié de sainfoin ait assez d’espace autour de lui, pour étendre ses racines, & tirer la substance qui lui est nécessaire, sans être incommodé par les piés voisins.

Le sainfoin s’accommode de presque toutes sortes de terres, excepté des marécageuses ; mais il vient mieux dans les bonnes terres que dans les maigres, & il se plaît singulierement dans les terres qui ont beaucoup de fond.

Quoique cette plante ne soit pas délicate, il ne faut pas s’imaginer qu’on soit dispensé de bien labourer la terre où on doit la semer. Au contraire, comme immédiatement après sa germination elle jette quantité de racines en terre, il est bon qu’elle la trouve bien labourée, & le plus profondément qu’il est possible.

On peut semer le sainfoin dans toutes les saisons de l’année ; mais quand on le seme en automne, il y a à craindre qu’il ne soit endommagé par les gelées. Si on le seme l’été, il arrive souvent que la graine reste longtems en terre sans germer ; ou si elle leve, la sécheresse ordinaire dans cette saison, fait languir les jeunes plantes. Ainsi, le mieux est de semer le sainfoin au printems, quand les grandes gelées ne sont plus à craindre.

Nous avons dit qu’il convenoit de semer le sainfoin par rangées, deux à deux, qui soient écartées les unes des autres de 8 pouces, & de laisser 30 ou 32 pouces d’intervalle entre chaque deux rangées ; enfin qu’il convenoit de faire ensorte que dans la longueur des rangées, les piés du sainfoin fussent éloignés les uns des autres de huit pouces. Il seroit difficile de remplir toutes ces vues en grand, sans le secours du nouveau semoir.

On peut encore, au moyen de cet instrument, placer les grains dans le fond des petits sillons qui sont ouverts par les socs du semoir, & ne les recouvrir que de la petite quantité de terre qu’on sait être convenable. Par ce moyen la jeune plante se trouve au fond d’une petite rigole, ce qui est fort avantageux, non-seulement à cause de l’eau qui s’y ramasse ; mais encore, parce que cette rigole se remplissant dans la suite, la plante se trouve rehaussée par de nouvelle terre.

Il ne sera pas nécessaire de labourer tous les intervalles à la fois, mais tantôt les uns, tantôt les autres ; de cette façon l’on ne laboureroit qu’une cinquieme partie de terrein, ensorte que le sainfoin pourra subsister trente ans dans une même terre, ce qui la rendra bien plus propre à recevoir les autres grains qu’on y voudra mettre dans la suite.

Le sainfoin mérite bien qu’on donne des soins à sa culture, car c’est assurément une des plus profitables plantes qu’on puisse cultiver. La luzerne ne peut venir que dans les terres fraîches, humides, & très substantielles. Le trefle ne réussit que dans les bonnes terres : au lieu que le sainfoin s’accommode de toutes sortes de terres ; & quoiqu’il vienne mieux dans les unes que les autres, il subsiste dans les plus mauvaises.

Le sainfoin a cet avantage sur les prés ordinaires, qu’il fournit beaucoup plus d’herbe. Outre cela, on parvient plus fréquemment à le fanner à-propos ; car le pois de brebis, la vesse, la luzerne, le trefle, & même les foins ordinaires, doivent être fauchés, quand ces différentes plantes sont parvenues à leur maturité ; si l’on différoit, on courroit risque de tout perdre : que le tems soit à la pluie ou non, il faut les faucher, au risque de voir l’herbe pourrir sur le champ, si la pluie continue. Il n’en est pas de même du sainfoin ; car on peut le faucher en différens états avec un profit presqu’égal.

1°. On peut faucher le sainfoin avant que les fleurs soient du tout épanouies. Alors on a un fourrage fin qui est admirable pour les bêtes à cornes ; & ces sainfoins fauchés de bonne heure, fournissent un beau regain qui dédommage amplement de ce qu’on a perdu, en ne laissant pas parvenir la plante à toute sa longueur.

M. Tull prétend même que ce fourrage est si bon, qu’on peut se dispenser de donner de l’avoine aux chevaux, quand on leur fournit de cette nourriture. Il assure qu’il a entretenu pendant toute une année un attelage de chevaux en bon état, en ne leur donnant que de ce foin, quoiqu’ils fussent occupés à des travaux pénibles. Il ajoute qu’il a engraissé des moutons avec la même nourriture, plus promptement que ceux qu’on nourrissoit avec du grain. Mais on ne peut avoir de ce bon foin, que quand on le cultive suivant sa méthode : l’autre monte en fleur presqu’au sortir de terre.

2°. Si le tems est disposé à la pluie, on peut différer à faucher le sainfoin quand il est en fleur. Ce fourrage est encore fort bon pour les vaches, mais il faut prendre garde en le fannant de faire tomber la fleur, car les bestiaux en son très-friands, & cette partie qui se détache aisément, les engage à manger le reste.

3°. Si la pluie continue, on peut laisser le sainfoin sur pied, jusqu’à ce qu’il soit entre fleur & graine. Alors la récolte est plus abondante ; non-seulement parce que la plante est parvenue à toute sa grandeur ; mais encore parce que l’herbe étant mieux formée, elle diminue moins en se séchant. Il est vrai que le fourrage n’est pas si délicat ; mais les chevaux s’en accommodent bien, parce qu’ils aiment à trouver sous la dent les graines de sainfoin qui commencent à se former.

4°. Si le tems continue à être à la pluie, plutôt que de s’exposer à voir pourrir sur terre son sainfoin, il vaut mieux le laisser sur pié. Car la graine mûrit & dédommage en bonne partie de la perte du fourrage ; non-seulement parce que cette graine peut se vendre à ceux qui veulent semer du sainfoin, mais encore parce que deux boisseaux de cette graine nourrissent aussi bien les chevaux, que trois boisseaux d’avoine : & généralement tous les bestiaux en sont très-friands, aussi bien que les volailles.

Lorsque la paille de ce sainfoin qui a fourni de la graine a été serrée à-propos, elle peut encore servir de fourrage au gros bétail. Ils la préferent au gros foin de prés-bas, & à la paille du froment ; mais pour qu’ils la mangent bien, il la faut hacher à-peu-près comme on fait la paille en Espagne, ou la battre avec des maillets, comme on fait le jonc marin dans quelques provinces.

Il nous reste à dire quelque chose de la façon de fanner le sainfoin. La faux le range par des especes de bandes, qu’on nomme des ondins, parce qu’on les compare aux ondes qui se forment sur l’eau. Dans le tems de hâle, le dessus des ondins est sec, un ou deux jours après qu’il a été fauché. Lorsqu’il est en cet état, le matin après que la rosée a été dissipée, on retourne les ondins l’un vers l’autre. Cette opération se fait assez vîte, en passant un bâton sous les ondins pour les renverser.

On les renverse l’un vers l’autre, pour que les deux ondins se trouvent sur la partie du champ qui n’a pas été labourée, & pour qu’il y ait moins de foin perdu ; parce que, quand on le ramasse, il suffit de faire passer le rateau, ou pour parler comme les fermiers, le faucher sur les espaces.

Sitôt que les ondins retournés sont secs, on les ramasse avant la rosée du soir en petits meulons, qu’on appelle des oisons, parce qu’étant ainsi disposés, ils ressemblent à un troupeau d’oies répandues dans un champ, & comme le sainfoin est en plus grosses masses, il craint moins la rosée, & même la pluie quand elle n’est pas abondante.

Si on laissoit le sainfoin répandu fort mince sur tout le champ pendant une huitaine de jours, quand même il ne tomberoit point d’eau, il perdroit beaucoup de sa qualité. C’est pourquoi, sitôt qu’il est suffisamment sec, il faut le mettre en grosses meules, ou le serrer dans les granges : & à cette occasion, il est bon de remarquer, que supposant le sainfoin & le foin ordinaire également secs, on peut faire les meules de sainfoin beaucoup plus grosses que celles de foin, sans craindre qu’il s’échauffe, parce que les brins se pressant moins exactement les uns contre les autres, il passe entre deux de l’air qui empêche la fermentation.

On a observé que le sainfoin n’est jamais meilleur que quand il a été desseché par le vent, & sans le secours du soleil. Outre cela, une pluie qui feroit noircir le foin ordinaire, le trefle, & même la luzerne, n’endommage pas le sainfoin ; il n’est véritablement altéré que quand il est pourri sur le champ.

Quand le tems est disposé à la pluie, si le sainfoin n’est pas encore sec, on peut le ramasser en petits meulons, & on ne craindra pas qu’il s’échauffe, si l’on met au milieu de chaque meulon une corbeille, ou un fagot qui permettre la circulation de l’air & l’évaporation des vapeurs ; mais sitôt que l’herbe est bien seche, il faut la serrer dans des granges, ou en former de grosses meules, & les couvrir avec du chaume.

Parlons à présent de la récolte du sainfoin qu’on a laissé mûrir pour la graine. Comme toutes les fleurs du sainfoin ne s’épanouissent que les unes après les autres, la graine ne mûrit pas non plus tout-à-la-fois. Si l’on coupoit le sainfoin lorsque les graines d’en bas sont mûres, on perdroit celles de la pointe. Si l’on attendoit pour faucher les sainfoins, que la graine de la pointe fût mûre, celle d’en bas seroit tombée & perdue. Ainsi il faut choisir un état moyen, & alors les graines qui sont encore vertes achevent de mûrir, & au bout de quelque tems, elles sont aussi bonnes que les autres.

Il faut bien se donner de garde de faucher, ni de ramasser ces sortes de sainfoins dans la chaleur du jour ; la plus grande partie de la graine seroit perdue. Le vrai tems pour ce travail, est le matin ou le soir, quand la rosée ou le serein rendent la plante plus souple.

S’il fait beau, le sainfoin se desseche assez en ondins, sans qu’il soit besoin de les retourner ; mais s’il a plû, & qu’on soit obligé de retourner les ondins, le mieux est pour ne point faire tomber la graine, de passer le bâton sous les épis & de renverser l’ondin de façon que les piés des sainfoins ne fassent que tourner comme sur un axe. Il ne faut pas attendre que le sainfoin soit fort sec pour le mettre en meules, car on courroit risque de perdre beaucoup de graines. Il y a des gens qui pour ne point courir ce risque, l’enlevent dans des draps ; alors on le peut serrer si sec qu’on veut, puisque la graine ne peut se perdre.

Mais si l’on veut battre le sainfoin dans le champ, il ne faut point faire de meules ; il suffit de ramasser le sainfoin en meulons, & pour lors il ne peut pas être trop sec. On prépare une aire à un coin d’un champ, ou bien l’on étend un grand drap par terre ; deux métiviers battent le sainfoin avec des fléaux, pendant que deux personnes leur en apportent de nouveau dans des draps, & deux autres nettoient grossierement avec un crible la graine qui est battue. La graine ainsi criblée, & mise dans des sacs, est portée à la maison. A l’égard de la paille, on la ramasse en grosses meules pour la nourriture du bétail ; mais il faut empêcher qu’elle ne soit mouillée, parce qu’elle ne seroit plus bonne à rien.

Un article très-important, & néanmoins très-difficile, est de conserver la semence qui a été battue dans le champ ; car il n’y a pas le même inconvénient pour celle qu’on engrange avec la paille ; elle se conserve à merveille.

Celle qui est dépouillée de sa paille, a une disposition très-grande à fermenter, de sorte qu’un petit tas est assez considérable pour que la graine du centre s’échauffe. Inutilement l’étendroit-on dans un grenier à sept ou huit pouces d’épaisseur ; si on ne la remuoit pas tous les jours, elle s’échaufferoit. Le meilleur moyen est de faire dans une grange un lit de paille, puis un lit fort mince de graine, un lit de paille & un lit de graine, & l’hiver on peut retirer cette graine, & la conserver dans un grenier ; car comme elle a perdu sa chaleur, elle ne court plus le même risque de se gâter.

Il faut terminer ce qui regarde le sainfoin, par avertir que si on ne faisoit pas paître les sainfoins par les bestiaux, ils seroient bien meilleurs qu’ils ne sont. M. Tull recommande surtout qu’on les défende du bétail la premiere & la seconde année & tous les ans au printems.

Enfin il prétend qu’il a rajeuni des pieces de sainfoin où le plant étoit languissant, en faisant labourer des plates-bandes de trois piés de largeur, & laissant alternativement des planches de sainfoin de même largeur. Il assure que ce sainfoin ayant étendu ses racines dans les plates-bandes labourées, avoit repris vigueur & fourni de très-bonne herbe. Voyez Tull, Horseboing Husbandry, p. 76 & suiv. ou le traité de M. du Hamel de la culture des terres, tom. I. (D. J.)

Sainfoin, saint-foin ou gros foin, (Mat. méd.) les anciens faisoient de cette plante beaucoup plus d’usage que nous. Dioscoride, Galien, Pline, &c. en parlent comme d’un remede usité, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur. Ils regardoient les feuilles de cette plante comme fortifiantes, résolutives, diaphorétiques & diurétiques : mais encore une fois, les modernes ne l’employent plus.

On a observé que les feuilles de sainfoin cueillies immédiatement avant l’apparition de la fleur, & séchées avec soin, prenoient la forme extérieure & l’odeur du thé verd : il ne seroit pas étonnant qu’elles eussent aussi la même vertu. Voyez Thé. (b)