L’Encyclopédie/1re édition/SALANKEMEN

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SALANKEMEN, (Géog. mod.) & par les Hongrois, Zalonkemen, qui est la bonne orthographe ; ville de la Hongrie, dans l’Esclavonie, sur le Danube, au confluent de la Teisse, à 12 milles au nord-ouest de Belgrade. On dispute si l’Acumincum d’Ammien Marcellin, est Salankemen, Cametz, ou Peterwaradin. Long. 37. 43. lat. 45. 17.

Ce fut devant cette ville que se donna, en 1691, une fameuse bataille entre les Turcs & les Impériaux, qui furent plus heureux que sages. Les Turcs avoient à leur tête, Mustapha Cuprogli, fils, petit-fils de grand visir, & parvenu lui-même à cette premiere dignité : il ne respiroit que la guerre, blâmant toute proposition de paix. Il avoit commencé par réformer les abus d’une mauvaise administration de sept ans, & par le rétablissement des finances. En ouvrant la campagne sous le regne d’Achmet III, il employa la religion & la sevérité des mœurs ; toutes les mosquées de Constantinople & les pavillons du camp, retentirent de prieres ; une foule de jeunes garçons qui suivoient l’armée, affreux instrumens de débauche & de dépense, furent chassés sous peine de mort, s’ils reparoissoient ; il ne s’agissoit plus que de rendre le courage aux troupes ; le visir s’en chargeoit, en leur traçant la route de Vienne avec le sabre de son pere Cuprogli.

Il avoit déja remporté une victoire complette sur les Impériaux, soumis l’Albanie, la Bulgarie, & repris toute la Servie, Belgrade même, malgré une garnison de six mille hommes ; enfin l’année suivante il vint camper devant Salankemen, sur les bords du Danube. Le prince Louis de Bade, général des Impériaux, fut à peine arrivé pour le combattre, qu’il sembla n’avoir plus que le parti de la retraite. Les Turcs l’attaquerent avec tant de fureur & de conduite, que sa perte paroissoit inévitable ; le champ de bataille étoit déja couvert de chrétiens expirans ; mais la fortune de Léopold voulut qu’un boulet emportât le visir, qui n’avoit guere joui de sa haute fortune, il périt dans le moment où il étoit le plus glorieux & le plus nécessaire. L’aga des janissaires auroit pu le remplacer : un autre boulet l’étendit mort, & les infideles consternés abandonnerent la victoire, qui n’eut cependant d’autre suite que la prise de Lippa, ville infortunée, sans cesse prise & reprise, également maltraitée par les amis & par les ennemis. Les sauvages dans les forêts sont plus heureux. L’abbé Coyer. (D. J.)