L’Encyclopédie/1re édition/SAMNITES
SAMNITES, les, (Géog. anc.) ancien peuple d’Italie, dont le pays s’appelloit le Samnium ; on lisoit en latin Samnis au singulier, pour dire un samnite, & au pluriel Sammites. Ce nom est employé dans les auteurs en deux sens fort différens l’un de l’autre. Tantôt les Samnites se prennent pour un nom général à plusieurs peuples qui étoient distingués l’un de l’autre par un nom particulier, & qui néanmoins avoient tous une même origine, parce qu’ils venoient tous également des Sabins. Ces peuples étoient
1°. Picentes, dont le pays, nommé Picenum, comprenoit une partie de la marche d’Ancone, & une partie de l’Abruzze. On y ajoute l’ager Palmensis, le pays autour d’Ascoli ; le Prætutianus ager, le pays autour de Téramo ; & l’Adrianus ager, le pays autour d’Atri.
2°. Vestini, dont le pays répondoit à cette partie de l’Abruzze ultérieure, entre le fleuve de la Piomba & la Pescara.
3°. Marrucini ; leur pays est aujourd’hui le territoire de Chiéti, dans l’Abruzze citérieure.
4°. Trentani, leur pays est aujourd’hui une partie de l’Abruzze citérieure & une partie de la Capitanate. Leurs rivieres étoient le Sangro, le Triguo, le Tiferno & le Fortore.
5°. Peligni, dont le pays répondoit à la partie de l’Abruzze citérieure, qui est autour de Sermona entre la Pescara & le Sangro.
6°. Marsi, les Marses, dont le pays comprenoit une partie de l’Abruzze ultérieure, autour du lac de Célano, le Fucinus lacus des anciens.
7°. Hirpini, dont le pays répondoit à la principauté ultérieure.
8°. Enfin les Samnites proprement dits, dont nous allons parler.
Les Samnites proprement dits, ou les vrais Samnites, occupoient la partie de l’Abruzze supérieure, tout le comté de Molisse, avec des parties de la Capitanate & de la terre de Labour. Ils avoient les Peligni & les Trentani au nord, la Pouille daunienne au levant, les Hirpini & la Campanie au midi, & les Marsi au couchant.
Le pays situé entre ces peuples étoit le vrai Samnium, & étoit partagé entre les Caraceni, à qui Ptolomée, l. III. c. j. attribue la ville d’Aufidenæ & les Pentri au midi, dont parle Tite-Live, qui dit que leur capitale étoit nommée Bovianum, l. IX. c. xxxj. indè victor exercitus Bovianum ductus ; caput hoc erat Pentrorum Samnitium, longe ditissimum atque opulentissimum armis, virisque.
Les Samnites furent nommés Sabelli ; & Strabon dit formellement que les Picentes & les Samnites tiroient leur origine des Sabins : le corps de ceux-ci fut partagé en deux : la partie établie à l’occident garda le nom de Sabins : celle qui s’étendit à l’orient s’appella d’abord Σαβινῖται, ensuite Σαβνῖται, dont les Grecs firent Σαννῖται, sur quoi les Romains les ont appellés Samnites. Le nom de Sabelli a été employé par Tite-Live, par Virgile, par Horace, & par d’autres écrivains de la bonne latinité, qui ont tous entendu par ce mot les Samnites.
Ce peuple étoit extrèmement belliqueux, & l’un des plus braves d’Italie. Il défendit sa liberté contre les Romains avec le plus grand courage, & fit plus de résistance que les plus grands rois. Rome fut cinquante ans (Tite-Live dit soixante-dix) à les subjuguer ; mais elle fit un si grand ravage dans leur pays, elle leur démolit tant de villes, que le Samnium, si puissant autrefois, n’étoit plus reconnoissable du tems de Florus. Il fournit aux généraux de Rome la matiere de vingt-quatre triomphes.
Les Samnites descendoient des Lacédémoniens, & respiroient comme eux la liberté. Entre leurs usages particuliers, je ne puis m’empêcher d’en citer un qui, dans une petite république, & sur-tout dans la situation où étoit la leur, devoit produire d’admirables effets. On assembloit tous les jeunes gens, & on les jugeoit. Celui qui étoit déclaré le meilleur de tous, prenoit pour sa femme la fille qu’il vouloit : celui qui avoit les suffrages après lui, choisissoit encore, & ainsi de suite. Il étoit admirable de ne regarder entre les biens des garçons que les belles qualités & les services rendus à la patrie. Celui qui étoit le plus riche de ces sortes de biens, choisissoit une fille dans toute la nation. L’amour, la beauté, la chasteté, la vertu, la naissance, les richesses même, tout cela étoit, pour ainsi dire, la dot de la vertu. Il seroit difficile d’imaginer une récompense plus noble, plus grande, moins à charge à un petit état, plus capable d’agir sur l’un & l’autre sexe. C’est une réflexion de l’auteur de l’Esprit des lois.
Les villes des Samnites, selon le P. Briet, étoient Beneventum, aujourd’hui Benevent ; Ausidena, aujourd’hui Alfidena. Triventinum, aujourd’hui Trivento. Bovianum, aujourd’hui Boiano ; Triventum, aujourd’hui Molisse ; Œsernia, colonie, aujourd’hui Isernia ; Alifæ, aujourd’hui Alifi ; Telesia, colonie, aujourd’hui Telèse ; Claudium, aujourd’hui Acrola selon les uns, ou le village d’Arpain selon les autres.
Leurs montagnes étoient Tubernus, aujourd’hui Tabor ; Furcæ caudinæ entre Acrola & Ste Agathe.
Leurs rivieres étoient Sabatus, aujourd’hui le Sabato ; Calor, aujourd’hui le Calore ; Tamarus, aujourd’hui le Tamaro. (Le chevalier de Jaucourt.)
Samnites, s. m. plur. (Littérature.) sorte de gladiateurs, ainsi nommés à cause de leurs armes, & que les Romains emploient d’ordinaire à la fin de leur festin pour amuser leurs convives ; quod spectaculum inter epulas erat, dit Tite-Live. C’étoit un divertissement domestique des Romains de faire battre alors aux flambeaux des gladiateurs équipés en guerre, comme les anciens Samnites ; mais comme ils n’avoient pour armes offensives que des fleurets, ils ne pouvoient pas se faire grand mal, & ils se disputoient long-tems la victoire. C’est pourquoi Horace, epist. II. l. II. vers. 98. appelle cet exercice militaire lentum duellum. Il compare fort plaisamment les fausses louanges que les poëtes se donnoient à l’envi, aux coups sans effet que se portoient les gladiateurs samnites. (D. J.)