L’Encyclopédie/1re édition/SANTOLINE
SANTOLINE, (Botan.) voyez Garde-robe. Tournefort compte quatorze especes de ce genre de plante, dont on peut voir les caracteres au mot Garde-robe ; c’est le nom vulgaire de la santoline ; les Anglois l’appellent female southernwood.
La plus commune espece est la santolina foliis terestibus I. R. H. 460. C’est une plante qui pousse comme un petit arbrisseau à la hauteur d’environ deux piés, des verges grêles, couvertes d’un léger duvet blanc. Ses feuilles sont crenélées, blanchâtres ; ses rameaux ont chacun au sommet une fleur, qui est un bouquet de plusieurs fleurons jaunes, ramassés en boules, évasés en étoile, portés sur un embryon, séparés les uns des autres par des feuilles pliées en gouttiere, & soutenus par un calice écailleux : lorsque la fleur est passée, chaque embryon devient une graine un peu longue, rayée & de couleur obscure ; toute la plante a une odeur forte, assez agréable, & un goût âcre tirant sur l’amer. On la cultive dans les jardins. (D. J.)
Santoline, (Mat. méd.) petit cyprès, garde-robe, aurone femelle ; on fait rarement usage de cette plante en médecine ; c’est pourtant un très-puissant fébrifuge capable de chasser les vers & les autres insectes par la seule odeur. C’est à cause de cette derniere propriété qu’on met ses feuilles parmi les étoffes de laine pour les préserver des teignes ; & c’est cet usage qui lui a fait donner le nom de garde-robe.
On convient d’ailleurs assez généralement que la santoline possede les mêmes vertus que l’aurone mâle. Voyez Aurone. (b)
Santoline, (Hist. des drog. exot.) poudre qu’on nomme encore poudre aux vers, barbotine & sémentine : on l’appelle dans les boutiques santolina, sementina, semen contra vermes. C’est une poudre grossiere, composée de petites têtes oblongues, écailleuses, d’un verd jaunâtre ; d’un goût désagréable, amer, mêlé d’acrimonie, d’une odeur aromatique, dégoûtante, & qui cause des nausées. Cette poudre nous parvient avec de petites feuilles, de petits rejettons, ou de petites branches cannelées.
Quoiqu’elle soit d’usage, son origine nous est inconnue. On doute si c’est une graine, ou une capsule séminale ; ou des germes de feuilles & de fleurs. On ignore quelle est la plante qui la porte, si c’est la zédoaire ou l’absynthe, ou une espece d’aurone, ou le petit cyprès ; on est incertain si elle vient dans la Palestine, dans l’Egypte, dans la Perse, ou seulement dans le royaume de Boutan, à l’extrémité des Indes orientales. Rauwolf, qui a parcouru les pays orientaux, dit que c’est une espece d’absynthe, que les Arabes appellent schelia, qui croît auprès de Bethléem, & qui est semblable à notre absynthe ; mais les feuilles que l’on trouve parmi cette graine, sont toutes différentes de celle de notre absynthe. De plus, il n’est pas vraissemblable que Prosper Alpin & Weslingius, qui ont recherché avec tant de soin les plantes d’Egypte, & qui ont demeuré l’un & l’autre quelques années dans ce pays, n’en eussent fait aucune mention ; eux qui savoient mieux que personne qu’on étoit fort curieux en Europe de connoître l’origine de cette graine, auroient-ils oubliés de nous l’apprendre ?
P. Herman croit que c’est une espece d’aurone qui se trouve dans la Perse, & dans quelques pays de l’Orient ; il prétend que ce ne sont pas tant de vraies graines, que des enveloppes écailleuses de graines qui ne sont pas encore parfaites ; Tavernier confirme le sentiment de ce savant botaniste, car il raconte que la santoline croît dans le royaume de Boutan, situé sur le bord septentrional du Mogol, d’où l’on nous apporte aussi le musc & la rhubarbe avec cette graine. Il ajoute qu’elle croît encore dans la Caramanie, province septentrionale de la Perse, mais en si petite quantité qu’à peine suffit-elle pour l’usage des habitans du lieu ; enfin, il raconte que cette graine est emportée par le vent : les peuples du pays, ajoute-t-il, se sont mis dans la tête que cette graine se corrompt lorsqu’on la touche avec les doigts, de sorte que pour en avoir, ils portent des gants à leurs mains ; dans les prairies où cette plante abonde, sa graine étant mûre, ils agitent leurs vans de tous côtés pour en attraper les sommités qui en sont remplies, & qui s’en détachent par l’agitation de l’air. Il ne faut pas faire beaucoup de fond sur ce récit d’un voyageur qui ne parle que par oui-dire ; car aucun européen n’a pénétré dans ces contrées reculées de la Perse.
Au reste, l’ignorance où l’on est du pays natal de cette graine, n’empêche point que l’on ne l’emploie quelquefois contre les lombrics ; elle est utile dans cette maladie quand on la donne avec l’aquila alba, ou quelqu’autre préparation de mercure ; mais c’est qu’alors la vertu du remede dépend du mercure bien plus que de la santoline : aussi les bons médecins ne connoissent point de meilleurs vermifuges que les préparations mercurielles. (D. J.)