L’Encyclopédie/1re édition/SARANNE

La bibliothèque libre.
◄  SARAMANE
SARANGAE  ►

SARANNE, (Hist. nat. Bot.) espece de lys, mais qui ne se trouve qu’en Sibérie, & dans la péninsule de Kamtschatka. M. Steller la nomme lilium flore atro rubente : ce lys croît à la hauteur d’environ un demi-pié ; sa tige est de la grosseur d’une plume de cygne ; elle est rouge par le bas & verte par en haut ; elle est garnie de deux rangées de feuilles ovales ; la rangée inférieure a trois feuilles, & la rangée supérieure en a quatre. La fleur est d’une couleur de cerise foncée, un peu moins grande que le lys ordinaire ; elle est divisée en six parties égales ; le pistil est triangulaire, & applati par le haut, & contient dans trois capsules distinguées des graines rougeâtres & plates. On voit au-tour du pistil six étamines jaunes par le bout. La racine est aussi grosse que celle de l’ail ; elle est composée de plusieurs gousses, ce qui lui donne une forme ronde. Cette plante fleurit au mois de Juin, & elle croît alors en si grande abondance, que l’on ne voit point d’autres fleurs.

Les femmes du pays en font une sorte de confiture fort agréable, qui, selon M. Steller, pourroit en cas de besoin suppléer au défaut du pain, si l’on en avoit une quantité suffisante. Ce naturaliste en compte cinq especes ; 1°. le kimtchiga, qui ressemble aux pois sucrés, & qui en a à-peu-près le goût ; 2°. la saranne ronde, qui vient d’être décrite ; 3°. l’onsenka, qui croît dans toutes les parties de la Sibérie ; 4°. le titichpa ; 5°. le matista sladka travo, ou la douce plante dont on fait non-seulement des confitures, mais encore dont les Russes ont trouvé le secret de distiller une liqueur forte. La racine de cette plante est jaunâtre à l’extérieur, & blanche à l’intérieur ; son goût est amer & piquant ; sa tige est charnue, remplie de jointures, & s’éleve de la hauteur d’un homme ; sa feuille est d’un rouge verdâtre ; la tige est garnie depuis six jusqu’à dix feuilles ; les fleurs sont blanches, fort petites, & ressemblent à du fenouil ; prises ensemble elles présentent la forme d’une assiette, ou forment un parasol. Cette plante a un goût qui a du rapport avec celui de la reglisse. On ne la recueille qu’avec des gants, vu que le jus qui en sort est si caustique, qu’il fait venir des ampoules aux mains. La maniere d’en obtenir une liqueur spiritueuse consiste à verser de l’eau bouillante sur cette plante liée en paquets ; pour faciliter la fermentation on y joint quelques baies de myrtille, ou des prunelles ; on met le tout dans un vaisseau bien bouché, que l’on place dans un lieu chaud, où la liqueur demeure jusqu’à ce qu’elle cesse de fermenter, ce qui se fait avec grand bruit ; on distille ensuite le mélange, & l’on obtint une liqueur aussi forte que l’eau-de-vie ; par une seconde distillation elle devient, dit-on, assez forte pour mordre sur le fer. Deux puds ou 80 livres de cette plante donnent un vedro ou 25 pintes de liqueur forte. Lorsqu’on n’a pas eu la précaution d’ôter la peau de la plante avant la distillation, elle cause une espece de folie à ceux qui en boivent ; d’ailleurs cette liqueur enivre, rend stupide, fait que le visage devient tout noir, & procure des rêves effrayans. M. Steller dit avoir vu des gens qui, après en avoir bû la veille, s’enivroient de nouveau en bûvant un verre d’eau.