L’Encyclopédie/1re édition/SATYRE DRAMATIQUE

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Satyre dramatique, (Art dramat.) genre de drame particulier aux anciens. Les satyres dramatiques, ou si l’on veut, les drames satyriques, se nommoient en latin satyri, au-lieu que les satyres telles que celles d’Horace & de Juvenal, s’appelloient saturæ. Il ne nous reste de drame satyrique qu’une seule piece de l’antiquité ; c’est le cyclope d’Euripide. Les personnages de cette piece sont Polyphème, Ulysse, un sylène & un chœur de satyres. L’action est le danger que court Ulysse dans l’antre du cyclope, & la maniere dont il s’en tire. Le caractere du cyclope est l’insolence, & une cruauté digne des bêtes féroces. Le sylène est badin à sa maniere, mauvais plaisant, quelquefois ordurier. Ulysse est grave & sérieux, de maniere cependant qu’il y a quelques endroits où il paroît se prêter un peu à l’humeur bouffonne des sylènes. Le chœur des satyres a une gravité burlesque, quelquefois il devient aussi mauvais plaisant que le sylène. Ce que le pere Brumoi en a traduit suffit pour convaincre ceux qui auront quelque doute.

Peu importe après cela, de remonter à l’origine de ce spectacle, qui fut, dit-on, d’abord très-sérieux. il est certain que du tems d’Euripide, c’étoit un mélange du haut & du bas, du sérieux & du bouffon. Les Romains ayant connu le théâtre grec, introduisirent chez eux cette sorte de spectacle pour réjouir non-seulement le peuple & les acheteurs de noix, mais quelquefois même les philosophes, à qui le contraste quoiqu’outré, peut fournir matiere à réflexion.

Horace a prescrit dans son Art poétique, le goût qui doit régner dans ce genre de poëme ; & ce qu’il en dit revient à ceci. Si l’on veut composer des drames satyriques, il ne faut pas prendre dans la partie que font les satires la couleur ni le ton de la tragédie, il ne faut pas prendre non-plus le ton de la comédie : Davus est trop rusé ; une courtisane qui excroque un talent à un vieil avare, tout fin qu’il est, est trop subtile. Ce caractere de finesse ne peut convenir à un Sylène qui sort des forêts, qui n’a jamais été que le serviteur & le gardien d’un dieu en nourrice. Il doit être naïf, simple, du familier le plus commun. Tout le monde croira pouvoir faire parler de même les satyres, parce que leur élocution semblera entierement négligée ; cependant il y aura un mérite secret, & que peu de gens pourront attraper, ce sera la suite & la liaison même des choses : il est aisé de dire quelques mots avec naïveté ; mais de soutenir long-tems ce ton sans être plat, sans laisser du vuide, sans faire d’écarts, sans liaisons forcées, c’est peut-être le chef-d’œuvre du goût & du génie.

Je crois qu’on retrouve chez nous, à peu de chose près, les satyres dramatiques des anciens dans certaines pieces italiennes ; du-moins on retrouve dans arlequin les caracteres d’un satyre. Qu’on sasse attention à son masque, à sa ceinture, à son habit collant, qui le fait paroître presque comme s’il étoit nud, à ses genoux couverts, & qu’on peut supposer rentrans ; il ne lui manque qu’un soulier fourchu. Ajoutez à cela sa façon mievre & déliée, son style, ses pointes souvent mauvaises, son ton de voix ; tout cela forme assurément une maniere de satyre. Le satyre des anciens approchoit du bouc ; l’arlequin d’aujourd’hui approche du chat ; c’est toujours l’homme déguisé en bête. Comment les satyres jouoient-ils, selon Horace ? avec un dieu, un héros qui parloit du haut ton. Arlequin de même paroît vis-à-vis Samson ; il figure en grotesque vis-à-vis d’un héros : il fait le héros lui-même ; il représente Thésée, &c. Cours de Belles-lettres. (D. J.)