L’Encyclopédie/1re édition/SCYLLA

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SCYLLA, s. f. (Mythol.) Homere & Virgile ont exercé leur esprit à faire d’un rocher d’Italie vis à-vis du phare de Messine, un monstre terrible, dont l’aspect, dit le poëte grec, feroit frémir un dieu même. Ses cris affreux ressemblent aux rugissemens du lion ; il a douze piés épouvantables, six longs cols, six têtes énormes, & dans chaque tête trois rangs de dents, qui recelent la mort. Virgile n’a pas cru devoir en tracer un portrait aussi hideux : selon lui, Scylla habite le creux d’un rocher ; & lorsqu’elle voit passer des vaisseaux dans le détroit de Sicile, elle avance la tête hors de son antre, & les attire à elle pour les faire périr. Depuis la tête jusqu’à la ceinture, c’est une fille d’une beauté séduisante, poisson énorme dans le reste du corps, avec une queue de dauphin, & un ventre de loup ; elle est toujours environnée de chiens, dont les affreux hurlemens font retentir les rochers d’alentour, Et cæruleis canibus resonantia saxa. Ænéid. lib. III. v. 432. (D. J.)

Scylla, (Géog. anc.) 1°. écueil que Pline, l. III. c. viij. met dans le détroit qui sépare l’Italie de la Sicile. Pomponius Méla, qui en parle aussi-bien que Pline, ne marque pas plus que lui, si ce rocher, cet écueil, est tout environné de la mer, ou attaché à la côte. Mais Strabon, liv. VI. p. 256. qui au lieu de Scylla, écrit Scyllæum saxum, dit que c’est un rocher élevé, presque tout entouré de la mer, & qui tenoit seulement au continent d’Italie, par un isthme assez bas, lequel de côté & d’autre, offroit une retraite aux vaisseaux ; cependant si l’on étoit à l’abri quand on étoit dans ces ports, il n’y avoit pas la même sûreté à en approcher ; ce qui a fait dire à Virgile, Ænéid. III. v. 432. en parlant de ce rocher :

Ora exertantem, & naves in saxa trahentem.


& un peu plus bas :

Scyllam, & cærulœis canibus resonantia saxa.

Ces chiens qui aboyoient sans cesse, sont de l’imagination des Poëtes ; les Historiens plus sages, parloient autrement : mais le tems qui contribue à autoriser les fables, se sert de l’art des Poëtes pour les consacrer. Ainsi, parce que les habitans de Corfou appellerent autrefois tête de chien, le promontoire de cette île qui est du côté de l’orient, on a dit qu’il y avoit dans cet endroit des hommes qui avoient la tête semblable à celle des chiens.

Le nom moderne de Scylla, est Sciglio ; c’est un courant sur les côtes de la Calabre méridionale en Italie, qui entraîne les vaisseaux contre un rocher du cap Sciglio, où ils risquent de se fracasser. Charybde, aujourd’hui Galofaro, mais que la Poésie joint communément à Scylla, est un gouffre dans le détroit de Sicile, à l’entrée du port de Messine. La fable a métamorphosé ces deux écueils en deux nymphes cruelles, dont Homere & Virgile se sont amusé à faire la peinture. La morale prend à son tour les deux écueils de Scylla & Charybde dans un sens métaphorique pour un pas fâcheux dont il est difficile de se sauver. Horace lui-même, Ode xxvij. liv. I. s’en sert dans ce dernier sens, en disant au frere de Mégille, quanta laboras in Charybdi ! pour lui donner à entendre qu’il risque de se perdre par l’engagement indigne où il s’est imprudemment livré.

2°. Scylla, ville des Brutiens, selon Pomponius Méla, l. II. c. iv. Cette ville est appellée Scyllæum par Pline, l. III. c. v. elle étoit apparemment près du rocher de Scylla, dans l’endroit où est aujourd’hui la petite ville de Sciglio.

3°. Scylla, nom d’une île deserte, voisine de la Chersonnese de Thrace, selon Pline, liv. IV. c. xij. (Le chevalier de Jaucourt.)