L’Encyclopédie/1re édition/SICILIA

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SICILIA, (Géog. anc.) île de la mer Méditerranée, près de la côte d’Italie, dont elle n’est séparée que par un détroit auquel elle donnoit son nom, & qu’on appelle aujourd’hui le phare de Messine.

Elle est si voisine de l’Italie, que plusieurs des anciens ont cru qu’elle avoit été jointe au continent, & que quelques tremblemens de terre, ou l’effort des deux mers l’en avoient séparée : Sicilia, ut ferunt, aliquando continens, & agro Bruttio adnexa, dit Pomponius Méla. Virgile, Æneid. lib. III. v. 414. se sert aussi de la même expression, ferunt :

Hæc loca vi quondam, & vastâ convulsa ruinâ,
Dissiluisse ferunt, quum protinus utraque tellus
Una foret. Venit medio vi Pontus, & undis
Hesperium siculo latus abscidit. Arvaque & urbes
Littore diductas angusto interluit æstu.

« On dit qu’autrefois l’Italie & la Sicile jointes par un isthme, ne formoient qu’un même continent. Une violente tempête brisa l’isthme, sépara les deux régions, & ouvrit aux flots un passage étroit entre l’une & l’autre ».

Silius Italicus, liv. XIV. v. 11. assure si positivement que la Sicile a été anciennement jointe au continent, qu’on jureroit qu’il en a été témoin. Pline, liv. III. ch. viij. en parle sur le même ton que Silius Italicus : Sicilia quondam Bruttio agro cohoerens, mox interfuso mari avulsa. Ce qu’il y a de sûr, c’est que cette proximité étoit si grande, qu’on entendoit des deux côtés le chant des coqs & le cri des chiens. Pline donne quinze cens pas de largeur au détroit qui sépare l’Italie de la Sicile. Agathamere, liv. I. ch. v. dit que le trajet du promontoire Pelorum en Italie, étoit d’onze stades.

Cette île a été connue sous différens noms qui lui ont été donnés, ou à raison de sa situation, ou à cause des peuples qui l’ont habitée. Les noms les plus usités sont ceux de Trinacria, Triquetra, Sicania, Sicilia. Ce dernier nom a été employé par divers auteurs, entr’autres par Pline, liv. III. chap. viij. qui préféroit la Sicile à toutes les îles : ante omnes insulas est claritate Sicilia. Elle est appellée Sicania par Thucydide ; & par plusieurs auteurs Trinacria ou Triquetra, à cause de sa figure triangulaire, ou à cause de ses trois principaux promontoires. Le nom Trinacria est cependant plus usité chez les poëtes que chez les historiens.

Les Sicani, peuples d’Espagne, en passant dans cette île, lui donnerent le nom de Sicania ; & les Siculi, peuples d’Italie, en se retirant dans cette même île occasionnerent le nom de Sicilia. On compte aussi parmi ses anciens habitans, les Lestrigons, peuples d’Italie. Enfin il est certain que la Sicile a encore été peuplée en différens tems par diverses colonies grecques venues de Naxos, de Chalcidie, de Corinthe, & d’autres endroits. Les Carthaginois même occuperent la plus grande partie de l’île. Ce mélange de peuples a été cause qu’Apulée appelle les Siciliens Trilingues, parce qu’il se parloit trois différentes langues chez eux ; savoir, la grecque, la carthaginoise & la langue latine. Ptolomée, liv. III. c. jv. a fait une description de la Sicile telle qu’elle étoit de son tems ; on peut la consulter.

C’est assez pour moi de remarquer qu’aucun prince n’a eu l’île entiere sous son obéissance avant la domination des Romains, qui furent appellés par les Mammertins contre Hiéron roi de Syracuse, & les Carthaginois ses alliés. Après plusieurs combats, les Romains demeurerent maîtres de ce friand morceau, dont ils tirerent dans la suite de grands avantages. Ils firent de la Sicile le grenier de l’Italie. Cette île leur donna le moyen de former des armées navales, & de se rendre maîtres des mers Adriatique & Méditerranée.

D’un autre côté, les arts & les sciences fleurirent dans cette île sous l’autorité des tyrans qui la gouvernoient. Gorgias, sicilien, se distingua dans l’art oratoire, & fut le maître d’Isocrate. Il fleurissoit vers la 80e olympiade. Epicharme, son compatriote & son contemporain, se distingua par ses écrits sur la Philosophie. Dinolochus, sicilien, se montra un des premiers poëtes comiques. Timée, sicilien, qui florissoit du tems ds Ptolomée Philadelphe, écrivit l’histoire de la Sicile, de l’Italie & de la Grece avec beaucoup d’éloquence, suivant le témoignage de Cicéron. Je tais les hommes illustres qui fleurirent à Syracuse, à Agrigente, à Panorme, &c. parce qu’on les nommera en parlant de leur patrie.

Pour ce qui regarde la Sicile moderne, voyez Sicile. (Le chevalier de Jaucourt.)