L’Encyclopédie/1re édition/SILPHIUM
SILPHIUM, s. m. (Botan. anc.) σίλφιον, racine de Libye, aux environs de Cyrène, dont on faisoit un cas tout particulier, tant à cause de ses propriétés médicinales, que par son usage dans les ragouts. Les naturels du pays l’appelloient d’abord sirphi, ensuite silphi, d’où vint le mot grec σίλφιον. Les Latins nommerent la serpitium, le suc de la racine silphium.
Le suc ou la gomme de celle de Cyrène étoit tellement estimé, que les Romains déposoient dans le trésor public tout ce qu’ils en pouvoient acquérir ; & Jules César ne manqua pas de s’en emparer dans le tems de sa dictature. Les Grecs appelloient aussi proverbialement tout ce qui étoit rare, Βάττου σίλφιον, silphium de Battus, c’est-à-dire, silphium de Cyrène, colonie dont Battus étoit fondateur. Mais nous apprenons de Pline, que long-tems avant qu’il écrivit, la connoissance du silphium de Cyrène étoit perdue ; les Romains tiroient alors leur silphium, ou le suc de cette plante d’Arménie, de Médie, & de Perse ; celui de Cyrène étoit entierement inconnu à Rome.
Je sais que quelquelques savans & botanistes modernes, comme le docteur Bentley, MM. Evelin, Laurence, & Geoffroy, imaginent reconnoître le silphium de Cyrène dans notre assa fœtida ; mais je crois qu’ils auroient bien de la peine à démontrer leur opinion ; car sans parler des médailles qui leur sont contraires, & dont le docteur Mead a fait usage contre le docteur Bentley, il nous suffira de remarquer que Théophraste, Dioscoride, & l’ancien scholiaste d’Aristophane, donnent au silphium de Cyrene une odeur douce, odoriférante, & très-agréable ; ce qui ne convient certainement pas à l’odeur fétide, forte, & desagréable de notre assa fœtida. (D. J.)