L’Encyclopédie/1re édition/SOPHIE, Sainte
SOPHIE, Sainte, (Architect.) c’étoit anciennement l’église patriarchale de Constantinople, bâtie par Constantin, qui la nomma Sophie, parce qu’il la dédia à la Sagesse éternelle. Un tremblement de terre ayant endommagé, & en partie ruiné ce superbe temple, Justinien le rebâtit. Evagrius, liv. IV. ch. xxx. & Procope se sont attachés à le décrire.
Il faut descendre de quelque côté qu’on entre. Son portique a sept entrées. Il y en a cinq de face qui sont ordinairement fermées ; la largeur de ce portique est de 32 piés, & de-là on entre dans sainte Sophie par neuf grandes ouvertures ; celle du milieu a 18 piés de haut, & les portes sont de cuivre rouge. Quatre pilastres larges de 47 piés, soutiennent le dôme qui en a 86 de diametre, & qui cependant est tellement écrasé, qu’il n’a de hauteur que la concavité d’un demi-globe parfait.
Les galeries qui regnent tout-au-tour ont 53 piés de large, & sont appuyées de soixante-quatre colonnes. Celles de l’intérieur sont de marbre serpentin & de porphyre, hautes de 18 piés ; & les colonnes de dessous sont de marbre blanc, pareil à celui dont les murailles sont revêtues. Dans les galeries, il y a cinquante-deux colonnes de même ordre, & de matiere semblable à celles qui sont au bas. Au-dessous des portes du temple, il y a quatre petites colonnes de jaspe. Parmi les marbres dont sont pavées les galeries, on voit une pierre semblable au porphyre, que les Turcs ont en grande vénération.
Mais comme ils sont ennemis des Arts, ils ont détruit ou laissé périr la plus grande partie de cet ancien temple & ses décorations. Autrefois toutes les voûtes du temple étoient peintes en mosaïque, elles sont aujourd’hui barbouillées de blanc. Lorsque Ste. Sophie appartenoit aux chrétiens orientaux, les femmes se plaçoient dans les galeries, dont l’entrée étoit interdite aux hommes. Il y avoit aussi un autel qui ne subsiste plus ; mais on trouve à la place la niche où l’on met l’alcoran. Cette niche est tournée vers le Zébla, c’est-à-dire à l’orient, qui est le point du ciel vers lequel les Mahométans doivent se tourner dans leurs prieres. Le pavé de cette mosquée est de marbre, couvert de riches tapis de Turquie. On a pratiqué dans un coin de mur, une tribune destinée pour le grand-seigneur, qui s’y rend par un escalier dérobé. Il y a devant le portail des réduits de marbre en façon d’oratoires, couverts d’un petit dôme, qui servent de sépulture aux jeunes princes ottomans.
Au-delà du portique qui est devant cette mosquée, & dans lequel les femmes mahométannes viennent quelquefois faire leurs prieres, il y a plusieurs portes, dont une seule reste ouverte pour l’entrée. On y voit en-dehors quatre minarets ou petites tours à plusieurs étages, avec des balcons en saillie : les muozims y montent quatre à cinq fois le jour à certaines heures, pour appeller les turcs au naama, c’est-à-dire à l’oraison, car les Mahométans ne se servent point de cloches. Ceux qui voudront de plus grands détails, les trouveront dans du Loir. (D. J.)