L’Encyclopédie/1re édition/SUEZ

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SUEZ, (Géog. mod.) petite ville d’Egypte, sur la côte septentrionale de la mer Rouge, à vingt lieues au nord de Tor, avec un vieux château ruiné, & un petit port à trois journées du chemin du Caire.

Les anciens appelloient Suez la ville des héros, Héréopolis ; peut-être ne s’acquit-elle un si beau nom qu’à cause de son commerce. Elle est cependant située dans un terrein fort stérile jusqu’à cinquante milles tout-autour ; elle manque d’eau, & son port qui a peu de fond, n’est qu’une vraie rade dangereuse : les soudans d’Egypte, & après eux les Turcs, ne l’ont point réparé ; & d’ailleurs dans le tems même qu’ils y travailloient pour s’opposer aux progrès que faisoient les Portugais, il falloit qu’alors même les chameaux portassent tous les matériaux, depuis le Caire jusqu’à Suez. (D. J.)

Suez, le golphe de, (Géog. mod.) anciennement Heroopolites sinus ; c’est la partie la plus septentrionale de la mer Rouge, & l’endroit où vraissemblablement les Israëlites la passerent à pié sec ; ce golphe n’est séparé de la mer Méditerranée que par un isthme d’environ cinquante milles, qui joint l’Asie à l’Afrique, & qu’on appelle l’isthme de Suez ; nous en allons faire l’article. (D. J.)

Suez, isthme de, (Géog. mod.) isthme qui joint l’Asie à l’Afrique. Cet isthme peut avoir cinquante milles d’étendue, quoique Plutarque ne lui en donne que trente-sept, jusqu’à l’endroit où l’on s’embarque sur le Nil. Les rois d’Egypte considérant les grands avantages qui reviendroient à leur pays par la communication des mers, tenterent souvent de couper cet isthme, & de faire par ce moyen une île de toute l’Afrique. Sésostris, au rapport de Strabon, fut le premier qui forma ce dessein, & qui fit son possible pour l’exécuter. Darius, roi de Perse & d’Egypte, tenta la même entreprise, & conduisit son ouvrage jusqu’aux lacs Amers, nommés de la sorte à cause de l’amertume de leurs eaux. Le premier Ptolomée parmi les successeurs d’Alexandre, se proposa d’achever l’ouvrage, & l’abandonna cependant bientôt après. Les uns disent que ce fut par crainte d’inonder l’Egypte, qui est plus basse de trois coudées que la mer Rouge. D’autres assurent que ce fut de peur que la mer en entrant dans le Nil, ne gâtât par son amertume les eaux de ce fleuve, & que pour comble de maux tout son pays ne devînt stérile, d’abord que ses campagnes se trouveroient arrosées des eaux de la mer.

Quoi qu’il en soit, on se contenta de creuser un canal qui joignoit le Nil à la mer Rouge. Ce fut alors que les ports de cette mer commencerent à être fameux. La ville de Coptos devint l’entrepôt de toutes les marchandises qui passoient des Indes en Egypte. Depuis que l’on a laissé détruire le canal qui communiquoit le Nil avec la mer Rouge, on est obligé d’employer les chameaux pour transporter par terre les marchandises.

Cléopatre, après la perte de la bataille d’Actium, vint à Alexandrie, où se rendit Antoine, qui la trouva toute occupée d’un dessein fort extraordinaire. Pour éviter de tomber entre les mains d’Octave, présumant bien qu’il la poursuivroit, elle songeoit à faire transporter ses vaisseaux de la mer Méditerranée dans la mer Rouge par l’isthme qui a cinquante à soixante milles de largeur de Pharma à Suez. Elle projettoit ensuite de mettre ses trésors dans ses vaisseaux & dans les autres qu’elle avoit déja sur cette mer, pour aller chercher quelque retraite écartée ; mais elle abandonna ce dessein, dans l’espoir peut-être de faire encore la conquête de ce nouveau maître du monde. (D. J.)