L’Encyclopédie/1re édition/SYMBOLE
SYMBOLE, (Gramm.) signe ou représentation d’une chose morale par les images ou propriétés des choses naturelles. Voyez Signe, Figure.
Ce mot est formé du grec symbolon, marque, signe, caractere, & du verbe symballein, conférer ou comparer. Dans ce sens-là, nous disons que le lion est le symbole du courage, le pélican celui de l’amour paternel. Les symboles étoient en grande estime parmi les anciens hébreux, & sur-tout parmi les Egyptiens, qui s’en servoient pour couvrir la plûpart de leurs mysteres de morale, & pour représenter non seulement des choses morales pour des choses naturelles ; mais aussi les naturelles par les morales. Voyez Hyérogliphes.
Il y a différentes sortes de symboles, comme types, énigmes, paraboles, fables, allégories, emblèmes, hyérogliphes, que l’on trouvera sous leurs articles particuliers, type, énigme, &c. La plûpart des lettres chinoises ne sont que des symboles significatifs. Voyez Lettre.
Symbole, (Théologie.) dans les auteurs ecclésiastiques & dans les Théologiens, signifie quelquefois la matiere des sacremens, ce qu’il y a de sensible & d’exposé aux yeux. Ainsi dans le baptême, l’eau est le symbole de la purification intérieure. Dans l’Eucharistie, le pain & le vin sont les symboles du corps & du sang de Jesus-Christ, qui sont réellement présens dans ce sacrement. Voyez Matiere, Sacrement.
Symbole signifie parmi les Chrétiens, une formule de profession de foi. Nous en connoissons quatre, adoptés par l’Église ; savoir, le symbole des Apôtres, celui du concile de Nicée, celui de S. Athanase & celui du concile de Constantinople, de chacun desquels nous traiterons séparément.
Le symbole des Apôtres est une formule de profession de foi, qu’on croit qui nous vient des Apôtres, & qui a été rédigée par eux vers l’an 36 de l’ere vulgaire, avant qu’ils se séparassent pour aller prêcher l’évangile. C’est comme l’abrégé de la doctrine de Jesus-Christ & de l’Église chrétienne ; c’étoit comme le signal & la marque à laquelle les Chrétiens se reconnoissoient entr’eux.
Rufin, de symbol. pag. 539. dit qu’il a appris par tradition, que les Apôtres étant prêts à se séparer, s’assemblerent, & conférant ensemble les pensées que chacun d’eux avoit sur les principaux articles de la foi, en composerent le symbole qui en est comme l’abrégé. S. Jerôme, epist. lxj. attribue aussi aux Apôtres le symbole que nous avons sous leur nom. S. Léon dit, qu’il comprend douze articles des douze Apôtres. Enfin, quelques-uns prétendent que chaque apôtre a fait son article, & désignent en particulier l’article que chacun a composé. On cite pour cette opinion un manuscrit grec de la bibliotheque de l’empereur, dans lequel le symbole se trouve ainsi divisé en douze articles, avec les noms des Apôtres que l’on prétend avoir composé chaque article. Le premier y est attribué à S. Pierre, & les autres successivement, à S. André, à S. Jacques le majeur, à S. Jean, &c. Cependant M. Dupin remarque, qu’il y a de fortes raisons pour prouver que ce sentiment n’est pas fondé, qu’on convient que le symbole est des Apôtres, pour le fonds & pour la doctrine, mais non pas pour l’expression. Car, s’il étoit vrai, que les Apôtres eussent fait un symbole, il eût été par-tout le même dans toutes les Églises & dans tous les siecles, tous les auteurs l’auroient rapporté dans les mêmes termes ; ce qui n’est pas, puisque non-seulement dans le deux & dans le troisieme siecle de l’Église, mais encore dans le quatrieme, il y avoit plusieurs symboles, & que ces symboles, quoique les mêmes dans la doctrine, étoient différens pour les termes. Par exemple, le premier article de l’ancien symbole romain étoit : Credo in Deum, patrem omnipotentem ; celui du symbole, de l’église d’Orient, credo in unum Deum, patrem omnipotentem, invisibilem & impassibilem ; celui d’Aquilée, credo in unum Deum, patrem omnipotentem ; & l’ancien vulgaire porte, credo in unum Deum, patrem omnipotentem, creatorem cæli & terræ. S. Cyrille de Jerusalem rapporte un symbole particulier en usage dans l’église de Jérusalem. Enfin S. Augustin, S. Jerôme, S. Pierre Chrysologue, &c. remarquent des différences notables quant à l’expression, dans les différens symboles connus sous le nom de symboles des Apôtres.
On n’est pas non-plus d’accord, pourquoi on a donné le nom de symbole à cet abrégé des articles de la foi chrétienne ; quelques-uns disent que c’est parce que le symbole est comme la marque caractéristique du chrétien, faisant allusion à l’ancienne coutume des Grecs chez qui l’on donnoit une marque de gage, συμϐαλλω, pour se reconnoître entre personnes liées par l’hospitalité. D’autres prétendent que c’est à l’occasion d’une assemblée ou conférence des Apôtres, où chacun d’eux ayant déclaré ce qu’il pensoit sur la foi, on en composa les articles du credo ou symbole, de συμαλλαν, confero. Mais ce que nous avons remarqué ci-dessus doit faire juger de la solidité de cette étymologie.
On prétend que S. Cyprien est le premier qui se soit servi du mot de symbole. M. Fleury observe, que jusqu’au tems de S. Grégoire le Grand, on n’avoit pas coutume de réciter le symbole à la messe de l’église de Rome, parce que cette église n’ayant été infectée d’aucune hérésie n’avoit pas besoin de faire profession de sa foi, tom. VIII. liv. XXXVI. de l’hist. ecclésiast.
Au reste, le symbole des Apôtres est consacré par le respect de toute l’antiquité. On le récitoit ordinairement avant le baptême, & en quelques endroits, on le prononçoit publiquement sur le jubé en présence de tout le peuple. Comme on l’avoit reçû des Apôtres sans écriture, on le conservoit de vive voix, & il étoit même défendu de l’écrire, comme le témoignent S. Augustin & S. Cyrille. Il paroît par ce qu’ils en rapportent qu’il étoit plus court que celui que nous récitons. S. Ambroise croit que l’église de Rome l’a conservé long-tems tel qu’elle l’avoit reçu d’abord, sans y rien ajouter. Mais Suicer observe qu’on y a ajouté plusieurs mots en différentes occasions & à mesure qu’il s’élevoit de nouvelles hérésies.
Bingham dans ses antiquités ecclésiastiques, rapporte en entier le symbole qui étoit en usage dans l’église de Jérusalem, & qui est un peu plus étendu pour les termes que le symbole des Apôtres, quoiqu’il soit le même pour la substance. On n’en trouve que le commencement dans la liturgie de S. Jacques, mais S. Cyrille dans ses catechèses le rapporte dans toute sa teneur, & son autorité en ce point est d’autant moins suspecte, qu’il étoit lui-même évêque de Jérusalem. Au reste, ce symbole est plus ancien que celui de Nicée, puisqu’on n’y trouve point le mot de consubstantiel que les peres de Nicée avoient consacre. Il est aussi plus ancien que celui de Constantinople, puisque de l’aveu de tous les critiques, les catecheses de S. Cyrille sont antérieurs de quelques années à ce dernier concile.
Le même auteur rapporte aussi un symbole qui étoit en usage dans l’église de Césarée de Palestine, il comprend principalement ce qui regarde les mysteres de la Trinité, de l’Incarnation & de la Rédemption, mais il n’y est fait mention ni de la descente aux enfers, ni de la résurrection des morts, ni de l’église, comme dans les autres symboles ; parce qu’il n’y avoit encore eu nulle erreur ou dispute sur tous ces points.
Le symbole de l’église d’Aléxandrie étoit encore plus court que celui de Césarée, & cependant il exprimoit nettement les articles de la résurrection des morts & de l’église. On croit que c’est celui qu’Arius & Euzoïus présenterent à Constantin, comme s’il e#t contenu la foi de Nicée, mais on n’y trouve pas le mot consubstantiel.
Cassien nous a conservé une partie du symbole qu’on récitoit dans l’église d’Antioche depuis le tems des Apôtres, & auquel on ajouta seulement le mot ομουσιον depuis le concile de Nicée.
Le symbole de l’église Romaine, étoit le symbole même des Apôtres, & celui d’Aquilée n’en différoit que par quelques additions de termes, faites de tems en tems à mesure qu’il s’elevoit de nouvelles hérésies ou qu’on les avoit condamnées. Bingham, orig. ecclésiast. tom. IV. liv. X. ch. iv. §. 8. 9. 10. 11. 12. & seq.
Le symbole de Nicée fut publié l’an 325. par ordre du premier concile général de Nicée, tenu sous Constantin, contre l’hérésie des Ariens.
Le symbole attribué à S. Athanase est une confession de foi, fort nette & fort étendue que quelques-uns croient avoir été présentée par ce saint docteur, au pape & au concile de Rome, tenu en 340 pour justifier sa créance. Ils ajoutent qu’on mit cette piece dans les archives avec les actes des conciles, & que long-tems après ayant été retrouvée avec beaucoup d’autres qu’on croyoit perdues, par les révolutions qui avoient agité Rome, on l’inséra d’ans l’office divin à la fin des matines, comme la plus parfaite expression de la foi de l’Église catholique, contre l’hérésie des Ariens ; mais tous les savans conviennent que ce symbole n’est point de S. Athanase.
Le symbole de Constantinople est conforme à celui de Nicée, mais on y ajouta par forme d’explication ce qu’on venoit de définir dans ce concile touchant le S. Esprit, dont Macédonius nioit la divinité. En 477. les peres du concile assemblé en Espagne contre les priscillianistes, ajouterent ces mots à l’article du S. Esprit dans le symbole de Constantinople & du Fils, pour marquer la foi de l’Église par ces paroles, qui procede du Pere & du Fils, conformément aux Ecritures ; ce que les églises d’Espagne & de France ont retenu depuis. Dans le troisieme concile de Tolede, tenu en 589 ; on ordonna que dans toutes les églises d’Espagne, le peuple chanteroit pendant la messe le symbole de Constantinople. L’Église romaine retint néanmoins durant quelques siecles, l’usage du symbole des Apôtres dans la cérémonie de la messe ; mais enfin, le pape Benoît VIII. ordonna en 1014, qu’on chanteroit dans toute église latine le symbole de Constantinople avec l’addition qui ex Patre silio que procedit, & cet usage subsiste encore aujourd’hui dans toute l’Église latine. Dupin, bibliot. des aute. ecclés. Voss. de trib. symbol. Tenselius, de symbol. Athanas. Suicer, thesaur. eccles. ex patrib. græc. verb. symbolum. Calmet, Dict. de la bibl. tom. III. lettre S au mot symbole, p. 607.
Symbole d’Athanase, (Hist. ecclésiast.) les savans conviennent généralement aujourd’hui que le symbole qui porte ce nom, n’est point de ce pere de l’Église. Le P. Quesnel avoit conjecturé que ce symbole étoit de Vigile de Tapse, évêque d’Afrique dans le sixieme siecle, qui a publié d’autres ouvrages sous le nom de S. Athanase, & qui se sert souvent des expressions employées dans ce symbole. Longtems avant le P. Quesnel, M. Pithou avoit soupçonné que ce symbole n’étoit point de Vigile de Tapse, mais d’un théologien françois. Enfin Joseph Anthelmi a publié à Paris, en 1693, une savante dissertation latine sur le symbole d’Athanase : Nova de symbolo Atanasiano disquisitio, dans laquelle il a fait revivre la conjecture de M. Pithou.
Cette dissertation est divisée en quatre parties. Dans la premiere, il ajoute quelques preuves fort singulieres, à celles qui avoient été données jusqu’ici pour montrer que ce symbole n’est pas de S. Athanase, & ne peut même être de lui. Dans la seconde, il fait une exacte recherche du tems auquel ce symbole a été connu & publié depuis sous le nom de S. Athanase, & en remontant depuis le dixieme siecle dans lequel Vossius prétend que cette confession de foi a commencé à paroître, jusqu’aux précédens, il place l’époque de cette piece vers le milieu du cinquieme siecle. Dans la troisieme partie, il examine quel peut être le pays de l’auteur du symbole, & s’il étoit africain ou françois, & refute le système du P. Quesnel, qui l’attribue à Vigile de Tapse. Les preuves qu’il presse contre lui sont : 1°. que les traités où l’on remarque des formules ou des expressions qui se trouvent dans ce symbole, ne sont point incontestablement de Vigile de Tapse, au sentiment même du P. Chifflet, qui les a donnés sous le nom de Vigile, & qui avoue néanmoins qu’ils ne peuvent passer que pour des ouvrages douteux. M. Anthelmi va plus loin ; il allegue plusieurs raisons pour montrer qu’ils sont d’Idace, & répond aux argumens du P. Chifflet : 2°. que quand ces ouvrages seroient de Vigile de Tapse, la conformité de quelques expressions avec celles du symbole d’Athanase, n’est pas une conviction que ce symbole soit du même auteur, puisqu’on en trouve de semblables dans S. Augustin, à qui personne ne s’est avisé d’attribuer ce symbole : 3°. on dit que Vigile ayant publié quelques-uns de ses traités sous le nom de S. Athanase, & sous celui de quelques autres peres pour leur donner plus d’autorité, il y a beaucoup d’apparence qu’il a composé le symbole dans la même vûe, & lui a fait porter le nom de S. Athanase. M. Anthelmi prétend que cela ne peut être, parce que ce symbole a paru d’abord avec le nom de son auteur, & non sous celui de S. Athanase. Dans la derniere partie, M. Anthelmi prétend avoir trouvé le françois auteur du symbole ; c’est Vincent de Lérins.
Les conjectures sur lesquelles il se fonde, sont la conformité des expressions & des phrases de cet auteur avec le symbole, & un passage où il promet de retoucher plus au long les expressions qui regardent la confession des mysteres de la Trinité & de l’Incarnation. L’objection que l’on peut faire naturellement, est que Gennade ne parle point de ce symbole dans son livre des écrivains ecclésiastiques, où il parle de Vincent de Lérins, & de son traité contre les hérésies. M. Anthelmi ne s’embarrasse pas beaucoup de cet argument négatif ; & pour l’affoiblir davantage, il dit que Gennade n’a point parlé de plusieurs auteurs, & qu’il a omis plusieurs ouvrages de ceux dont il parle, comme l’exposition du symbole d’Hylaire d’Arles, dont l’auteur de sa vie fait mention avec éloge. L’opinion d’Anthelmi ne me paroît pas plus solide que celles qu’il combat, & tout prouve qu’on ne connoît point l’auteur du symbole qui porte faussement le nom de S. Athanase. (D. J.)
Symbole, (Art numismat.) les Médaillistes appellent symbole, ou type, certaines marques, attributs, & figures, qui se voyent sur les médailles, pour caractériser certains hommes, ou certaines divinités ; les parties du monde, les royaumes, les provinces, & les villes, ont aussi leurs différens symboles dans les médailles.
On sait que les symboles se trouvent sur l’une ou l’autre face des médailles, c’est-à-dire, sur la tête, ou sur le revers, & quelquefois sur les deux côtés. Nous reservons à parler au mot Tête, des ornemens & des symboles qu’on voit le plus ordinairement sur ce côté de la médaille. Mais comme c’est particulierement sur les revers, que sont placés les symboles ou types, sans la connoissance desquels les curieux ne peuvent tirer des médailles, ni le plaisir, ni l’instruction qu’ils s’en promettent, il faut en traiter ici avec un peu d’application, d’étendue, & de méthode.
Nous remarquerons d’abord qu’il y a des revers où les symboles sont attachés aux figures ; d’autres où les figures mêmes servent de symboles ; soit que ce soit des figures d’hommes ou d’animaux, ou de choses insensibles.
Des symboles attachés aux figures, les uns sont communs à plusieurs, qui ne se distinguent que par la légende : d’autres sont uniques, & tiennent lieu de légende, lorsqu’il ne s’y en rencontre point ; car il ne faut point de légende pour deviner, par exemple, qu’une figure qui tient la foudre à la main, & un aigle à ses piés, est Jupiter ; ou qu’une autre qui tient une harpe & une branche de laurier, est Apollon.
L’haste qui est un javelot sans fer, ou plutôt un ancien sceptre, convient à toutes les divinités, parce qu’il désigne la bonté des dieux, & la conduite de leur providence, également douce & efficace. Justin marque expressément que la coutume d’en donner à toutes les déïtés, vient de la superstition des anciens, qui dès le commencement du monde avoient adoré le sceptre comme les dieux mêmes ; sans doute parce que les statues n’étoient point alors si communes qu’elles l’ont été depuis ; car il ne faut pas s’imaginer qu’ils les adorassent comme de véritables déïtés.
La patere dont on se servoit pour les sacrifices, se met pareillement à la main de tous les dieux, soit du premier, soit du second ordre, pour faire connoître qu’on leur rendoit les honneurs divins, dont le sacrifice est le principal. La patere se voit aussi à la main des princes, pour marquer la puissance sacerdotale unie avec l’impériale, par la qualité de souverain pontife : c’est pourquoi il y a souvent un autel, sur lequel il semble que l’on verse la patere.
La corne d’abondance, se donne à toutes les divinités, aux génies, & aux héros, pour marquer les richesses, la félicité, & l’abondance de tous les biens, procurés par la bonté des uns, ou par les soins & la valeur des autres : quelquefois on en met deux, pour indiquer une abondance extraordinaire.
Le caducée, est encore un symbole commun, quoiqu’attribué à Mercure par préférence ; il signifie la bonne conduite, la paix, & la félicité. Il est composé d’un bâton qui marque le pouvoir, de deux serpens qui désignent la prudence, & de deux aîles qui marquent la diligence ; toutes qualités nécessaires pour réussir dans ses entreprises.
Les symboles que j’appelle uniques, sont sans nombre ; il suffit de marquer ici les plus ordinaires.
Le thyrse, qui est un javelot entouré de lierre ou de pampre, est le symbole de Bacchus, & caractérise la fureur que le vin inspire.
La foudre dans la main d’une figure, & ou à côté ou au-dessous du buste, lorsque ce n’est pas la tête d’un empereur, marque la tête du Ve-Jove, c’est-à-dire, de Jupiter foudroyant & irrité ; car il y a quelques empereurs qu’on a flatté jusqu’à leur mettre la foudre en main, comme à Jupiter.
Une branche de laurier à la main d’un empereur, fait voir ses victoires, ses conquêtes, & son triomphe, comme la branche d’olivier représente la paix qu’il a donnée ou conservée à l’état. Les autres plantes particulieres désignent les pays où elles naissent, comme la rose marque l’île de Rhodes, &c.
Deux mains jointes peignent la concorde des particuliers, ou les alliances, ou l’amitié.
L’enseigne militaire placée sur un autel, marque une nouvelle colonie, dont le bonheur doit dépendre de la protection des dieux ; j’entens une colonie faite de vieux soldats ; car c’est ce que l’enseigne veut dire ; & quand il s’en trouve plusieurs, cela signifie que les soldats ont été tirés de différentes légions. Le nom s’y distingue assez souvent, comme Leg. XXII. dans Septime Severe, dans Gallien, &c.
Un gouvernail posé sur un globe accompagné de faisceaux, est le symbole de la souveraine puissance. Dans la médaille de Jules, où l’on y a joint le caducée, la corne d’abondance, & le bonnet pontifical, on a voulu marquer que César gouvernant la république, y faisoit fleurir la paix, la félicité, & la religion.
Le bouclier, signifie des vœux publics rendus aux dieux pour la conservation des princes, ou marque que le prince est l’assurance & la protection de ses sujets. Ces sortes de boucliers s’appelloient clipei votivi : on les pendoit aux autels, ou aux colonnes des temples. L’on en voit deux d’une figure extraordinaire sur une médaille d’Antonin Pie, avec ce mot Ancilia : c’est par allusion au bouclier fatal envoyé du ciel, une marque que ce bon prince étoit regardé comme le maître de la destinée de l’empire. On portoit ces boucliers aux jeux séculaires, & à certaines processions publiques, qui se faisoient dans les nécessités de l’état.
Des boîtes & des urnes mises sur une table, d’où il sort des palmes, ou des couronnes placées à côté avec le sympule, qui est un petit vase dont on faisoit les libations, désignent les jeux auxquels on joignoit ordinairement des sacrifices.
Un vaisseau en course, annonce la joie, la félicité, le bon succès, l’assurance. Quand on en voit plusieurs aux piés d’une figure tourelée, ils indiquent que c’est une ville maritime, où il y a un port & du commerce. Quand ils sont aux piés d’une victoire aîlée, ils marquent des combats de mer, où l’on a vaincu la flotte ennemie.
Une grappe de raisin, signifie abondance, la joie, & un pays fertile en bon vin.
Une ou deux harpes, marquent les villes où Apollon étoit adoré, comme chef des Muses.
Le boisseau d’où il sort des épis de blé & des pavots, est le symbole de l’abondance, & des grains qu’on a fait venir pour le soulagement du peuple, dans un tems de famine.
Les signes militaires qui se trouvent quelquefois jusqu’à quatre, font connoître ou les victoires remportées par les légions, ou le serment de fidélité qu’elles prêtent à l’empereur, ou les colonies qu’elles ont établies ; quelquefois ce sont des drapeaux pris par les ennemis, & renvoyés & repris par force. L’aigle est l’enseigne principale de chaque légion ; les autres signes militaires sont les enseignes des cohortes ; le guidon est l’enseigne de la cavalerie.
Un bâton tourné par en-haut en forme de crosse, est la marque des augures ; on l’appelle en latin lituus. Ils s’en servoient pour partager le ciel lorsqu’ils faisoient leurs observations. On y joint quelquefois des poulets à qui l’on donne à manger, ou des oiseaux en l’air, dont on observe le vol. Les augures croyoient par les uns & par les autres pouvoir deviner les choses à venir.
Un bonnet surmonté d’une pointe croisée sur le pié, avec deux pendans que les Romains nommoient apex & filamina, peint la dignité sacerdotale & pontificale, soit que ce bonnet se rencontre seul, soit qu’on le trouve joint aux instrumens dont on se servoit pour les sacrifices ; ces instrumens étoient un vase, un plat-bassin, un aspersoir, une hache, avec la tête d’un animal, un couteau, un tranchoir & un sympule. La tête désigne la victime, la hache sert pour l’assommer, le bassin pour recevoir les entrailles, & les chairs qui devoient être offertes, le couteau pour les couper, le vase pour mettre l’eau lustrale, & l’aspersoir pour la répandre sur les assistans afin de les purifier, le sympule pour les libations, & comme l’essai des liqueurs qu’on répandoit sur la tête des victimes.
La chaise curule représente la magistrature, soit des édiles, soit du préteur, soit du consul ; car tous avoient droit de s’asseoir dans une chaise d’ivoire en forme de pliant. Quand elle est traversée par une haste, c’est le symbole de Junon qui est en usage pour désigner la consécration des princesses.
Quelquefois le sénat décernoit une chaise d’or, qu’il faut savoir distinguer, aussi-bien que les statues de ce métal.
Un ornement de vaisseau recourbé, soit à la poupe que les Grecs nommoient ἄφλαστον, soit à la proue, en grec ἀκροστόλιον, marque les victoires navales, & les vaisseaux pris ou coulés à fond ; quelquefois les villes maritimes, comme Sidon, &c. On arrachoit ces ornemens aux vaisseaux ennemis qu’on avoit pris, & l’on en faisoit comme des trophées de la victoire.
Un char traîné, soit par des chevaux, soit par des lions, soit par des éléphans, veut dire ou le triomphe ou l’apothéose des princes. Quant au char couvert, traîné par des mules, il n’est usité que pour les princesses, dont il marque la consécration, & l’honneur qu’on leur faisoit de porter leurs images aux jeux du cirque.
Une espece de porte de ville ou de tour, qui se trouve depuis Constantin, avec ces mots, Providentia Augusti, désigne des magasins établis pour le soulagement du peuple ; ou, comme d’autres pensent, la ville de Constantinople, dont l’étoile qui paroît au-dessus de la tour est le symbole, aussi-bien que le croissant.
Un panier de fleurs & de fruits signifie la beauté & la fertilité du pays.
Une espece de cheval de frise fait avec des pieux enlacés, comme dans la médaille de Licinius, montre un camp fortifié & palissadé pour la sûreté des troupes.
Le trépié couvert ou non, couvert avec une corneille & un dauphin, est le symbole des quinze-virs députés pour garder les oracles des sibylles, & pour les consulter dans l’occasion. On les conservoit au pié de la statue d’Apollon palatin, à qui la corneille est consacrée, & à qui le dauphin servoit d’enseigne dans les cérémonies des quinze-virs.
Le zodiaque avec tous ses signes, le soleil & la lune au milieu ; comme dans une médaille d’Alexandre Sévere, figure l’heureuse étoile des princes, & la conservation de tous les membres de l’état, que le prince soutient, comme le zodiaque fait les astres.
Passons aux symboles des médailles qui concernent principalement les déïtés.
L’ancre qui se voit sur plusieurs médailles des rois de Syrie, étoit un signe que tous les Séleucides porterent à la cuisse, depuis que Laodicé mere de Séleucus, s’imagina être grosse d’Apollon, & que ce dieu lui avoit donné un anneau sur lequel une ancre étoit gravée. Dans son sens naturel l’ancre marque les victoires navales.
Un bouquet d’épis est le symbole du soin que le prince s’étoit donné de faire venir du blé pour le peuple, ou simplement de la fertilité du pays, comme sur la medaille d’Alexandrie.
La colonne marque quelquefois l’assurance, quelquefois la fermeté d’esprit.
Le char attelé de deux, de quatre ou de six chevaux, ne marque pas toujours la victoire ou le triomphe. Il y a d’autres cérémonies où l’on se servoit de chars ; l’on y portoit les images des dieux dans les supplications ; on y mettoit les images des familles illustres aux funérailles, & de ceux dont on faisoit l’apothéose. Enfin, on y conduisoit les consuls qui entroient en charge, comme nous l’apprenons par les médailles de Maxence & de Constantin ; l’une & l’autre porte, Felix processus consulis Augusti nostri.
Les étoiles dénotent quelquefois les enfans des princes regnans, quelquefois au contraire les enfans morts, & mis dans le ciel au rang des dieux.
La harpe est l’attribut d’Apollon. Quand elle est entre les mains d’un centaure, c’est Chiron, le maître d’Achille. On sait que Mercure en fut l’inventeur, & qu’il en fit présent à Apollon. Quand elle est jointe au laurier & au couteau, elle marque les jeux apollinaires.
Le masque est le symbole des jeux scéniques qu’on faisoit représenter pour divertir le peuple, & où les acteurs étoient ordinairement masqués. Il y en a dans la famille Hirtia.
Des branches de palme signifient les enfans des princes, selon Artémidore.
Un panier couvert avec du lierre à-l’entour, & une peau de faon, annoncent les mysteres des bacchanales ; on le connoît par la statue de Bacchus qui se trouve souvent au-dessus. On sait que Sémelé, grosse de Bacchus, fut mise par Cadmus dans une corbeille, & jettée dans la riviere.
Une roue désigne les chemins publics raccommodés par ordre du prince, pour la commodité des charrois, comme via Trajana. Au pié de la Fortune, elle désigne l’inconstance : à ceux de Némésis, elle indique le supplice des méchans.
Une espece de siege sur lequel est assis Apollon dans le revers des médailles des rois de Syrie, qu’on prendroit pour une petite montagne percée de plusieurs petits trous, c’est le couvercle qu’on mettoit sur l’ouverture où les prêtres d’Apollon alloient recevoir les oracles, ou se remplir de la fureur sacrée qui les faisoit eux-mêmes répondre en gens inspirés à ceux qui les consultoient.
La toise marquée à chaque pié, signifie une nouvelle colonie dont on avoit toisé l’enceinte, & les champs qui lui étoient attribués. Cette toise se trouve quelquefois accompagnée d’un boisseau, qui désigne le blé qu’on avoit donné pour commencer à ensemencer les terres.
Les déïtés se reconnoissent presque toutes par des symboles particuliers, dont je ne marquerai que les principaux.
Jupiter par la foudre & par l’aigle ; Neptune par le trident & le dauphin. Quelques-uns veulent que le trident marque la troisieme région que tient l’eau dans le monde après le feu & l’air.
Les dieux marins, Mélicerte, Palémon & Portumne, soit qu’ils ne fassent que la même déïté sous trois noms différens, soit qu’on les ait regardés comme trois dieux, n’ont que le même symbole ; car ils sont représentés par un enfant assis sur un dauphin, & ils désignent les jeux de l’Isthme, qui furent institués par Sisyphe en l’honneur du premier de ces dieux.
Junon se reconnoît par le paon qui devint son oiseau, après qu’elle en eut donné la forme à son fidele Argus.
Esculape, Hygée & Salus, par le serpent, qui est le premier inventeur de ce que la Médecine cherche inutilement, savoir le moyen de rajeunir.
Bacchus est couronné de pampres, marque de la joie que le vin inspire ; le pot à la main, toujours prêt à boire, & à faire boire les autres ; une panthere est à ses piés, parce que le vin rend furieux. Un tyrse est à la main de ce dieu, & son char est tiré par des tigres. Il est tantôt barbu, tantôt sans barbe, parce que les jeunes gens boivent par débauche, & les vieillards par nécessité. Quelquefois nud, d’autrefois habillé, parce que l’excès du vin ruine les buveurs, au-lieu que le vin pris modérement entretient la santé, & aide la chaleur naturelle.
Le Canope, dieu d’Egypte, est représenté par un pot de terre, d’où il sort une tête qui porte la fleur d’Isis. Ce pot plein d’eau, percé de tous côtés, mais dont les trous étoient bouchés avec de la cire, éteignit le feu des Perses qui consumoit toutes les autres déïtés. Ainsi furent confondus les prêtres de Mithra, qui se vantoient que leur dieu étoit le plus grand de tous les dieux.
Le dieu Lunus est distingué par le croissant, dont il a les épaules chargées ; par le bonnet arménien qui lui couvre la tête, & par un coq qu’on met auprès de lui ; Latone, mere de Diane, avoit fait du coq son oiseau favori, depuis qu’il lui avoit été d’un grand secours à ses couches.
Astarte, la déesse des Sidoniens, est placée sur un char à deux roues ; c’est ainsi qu’on la menoit dans le pays, pour amasser de l’argent. Quoique l’on ne convienne ni de son nom, ni de sa figure, on croit avec assez peu d’apparence, que c’est l’Astaroth, dont il est parlé dans l’Ecriture. On la voit quelquefois sur un lion, tenant en main la foudre, principalement sur les médailles de Carthage.
Cybele porte la couronne de tours, parce que la terre porte les villes. Elle a des lions à ses piés, qui marquent ses amours furieuses pour Atys. Le crotale, espece de tambour de basque, est l’instrument dont ses prêtres se servoient, comme ceux d’Isis du sistre.
Iris a pour symbole une étoile, c’est la canicule : un sistre qui rappelle à l’imagination l’harmonie des cieux dans leur mouvement continuel ; une fleur sur la tête, parce que les immortels ne vieillissent point.
Cerès se reconnoît par la couronne d’épis, par le char que traînent des serpens, & par les flambeaux allumés au mont Ethna, pour chercher Proserpine.
Proserpine a pour symbole une grenade, parce que Cerès ayant pressé Jupiter de lui faire rendre sa fille, il la lui promit, pourvu qu’elle n’eût encore rien mangé chez Pluton. Or il se trouva qu’elle avoit mangé quelques grains de grenade.
Diane s’annonce par le croissant, par l’arc, par le carquois, par l’habit de chasseuse, & par le char où des cerfs sont attelés.
Pour la Diane d’Ephèse, son type est très singulier ; elle a une infinité de mamelles, parce qu’on la regarde comme la mere de toutes choses ; elle est soutenue sur des appuis, ayant à ses piés, tantôt deux cerfs, tantôt deux bœufs, & sur la tête un panier de fruits. Tout cela est mystérieux, & se trouve expliqué dans le savant ouvrage de M. Menêtrier, intitulé, Symbolica Dianæ Ephesiæ statua, Rom. 1657, in-4°. Il y en a aussi une édition in-fol.
On donne ordinairement à Minerve le chathuant & le serpent, tous deux symboles de la sagesse, l’un parce qu’il voit clair au milieu des ténèbres, l’autre parce qu’il sait garder adroitement sa tête, & exposer tout son corps pour la couvrir. Il a l’adresse de se dépouiller de sa vieille peau pour en prendre une nouvelle ; enfin, il sait se précautionner contre les charmes de l’enchanteur en se bouchant les oreilles.
Vénus se connoît par la pomme que Pâris lui adjugea, par son fils Cupidon qui est souvent auprès d’elle, & par un gouvernail qu’on lui donne, pour montrer le pouvoir de l’amour ; quelquefois par le bouclier & le casque, pour peindre la force de cette passion. Dion dit que Jules dans les affaires les plus importantes, se servoit d’un cachet où étoit gravé Venus victrix ; & qu’à la bataille de Pharsale, il donna ce mot aux soldats, comme Pompée celui d’Hercules invictus.
La Vénus adorée à Paphos, n’avoit point d’autre figure qu’une pierre taillée en borne, telle qu’on la voit sur quelques médailles de cette ville, & sur celle d’Hadrien, frappée avec ces mots, παφίη σαρδιανῶν.
Jupiter étoit aussi figuré par une grosse pierre ronde coupée par la moitié, tel qu’on le voit sur les médailles avec l’inscription ΖΕΥϹ ΚΑϹΙΟϹ. La tête est de Trajan, & le revers porte ϹΕΛΕΥΚΕΩΝ πίεριακ, où étoit adoré celui que Cicéron appelle Jupiter lapis.
Vesta est représentée ordinairement assise, ou debout, tenant d’une main le palladium, & de l’autre une patere, ou la capeduncula. On trouve même dans le livre de M. Vaillant, une médaille de Julia Pia, où au-lieu d’une patere, Vesta tient une corne d’abondance. D’autres fois elle tient une haste, ou droite, ou transversale. On la voit assise au revers d’une médaille de Vitellius, tenant d’une main la patere, & de l’autre un flambeau allumé ; elle est debout avec les mêmes symboles sur une médaille de Salonine ; l’une & l’autre se trouvent dans le savant ouvrage de M. Spanhein, de Vestâ & Prytanibus, & on verra dans le même livre les différens types de cette déesse, tant sur les médailles greques que sur les latines.
Mars est figuré avec le casque & la cuirasse, tenant une pique ou haste d’une main, & un trophée de l’autre.
La Paix se fait connoître par la branche d’olivier, ou par un flambeau, avec lequel elle met le feu sur un monceau d’armes.
La Providence porte une baguette dont elle semble toucher un globe, pour marque qu’elle gouverne le monde ; elle est très-souvent aussi représentée tenant un globe à la main droite, & de la gauche une longue haste transversale.
L’Abondance étale des épis ; elle a à ses piés un boisseau d’où sortent des épis, & un pavot, pour figurer l’attention du prince à entretenir l’abondance dans ses états. Quelquefois on y voit un vaisseau qui montre qu’on a fait venir du blé des pays éloignés.
Le Piété est ordinairement couverte d’un grand voile ; quelquefois elle a les bras étendus en forme de suppliante. On la voit aussi tenant en main un temple ou une boëte d’encens pour jetter sur un autel ; à ses piés est une cicogne. Tous ces symboles signifient que la piété paroît dans les prieres publiques & particulieres, & dans les devoirs que l’on rend à ses parens. On dit que les cicognes nourrissent les leurs, & qu’elles ont été nommées pour cela par les Hébreux & les Latins aves piæ.
La Liberté tient d’une main le bonnet, parce que les esclaves étoient toujours tête nue, & qu’en les affranchissant, on leur mettoit un bonnet. De l’autre main elle porte une baguette nommée vindicta, dont le préteur touchoit aussi les esclaves, pour apprendre qu’il les tiroit de la servitude & du pouvoir de leur maître.
La Libéralité tient à la main une tablette quarrée, emmanchée, piquée d’un certain nombre de points qui marquent ce que le prince donnoit de blé ou d’argent. Elle préside à tous les congiaires.
La Clémence porte le plus souvent une branche d’olivier qui caractérise la douceur ; quelquefois une branche de laurier, parce qu’on s’en servoit pour expier les criminels.
La Noblesse porte une haste, pour marquer qu’elle nous approche des dieux, & une petite image, parce qu’on consacroit celle de ses ancetres, & que le nombre de ces images étoit la preuve de l’antiquité de la race.
La Pudicité est couverte d’un grand voile, & a le doigt sur la bouche, pour régler les habits, les regards, & les paroles.
La Sécurité est assise négligemment sur une chaise, la tête appuyée sur sa main, pour montrer qu’elle n’a rien à craindre.
La Fortune est tantôt assise, & tantôt debout, tenant un gouvernail, parce que les payens croyoient que le hasard gouvernoit tout. On voit une roue à côté d’elle, pour annoncer son inconstance ; & dans sa main une corne d’abondance, parce qu’elle répand aveuglément tous les biens.
La Valeur, virtus, est représentée sous la figure d’une femme casquée, tenant d’une main la haste ; & de l’autre, le parazonium, type assez semblable à celui de Rome.
La Félicité est peinte par une femme debout, vêtue de la stole, tenant le caducée d’une main, & la corne d’abondance de l’autre.
L’Espérance offre de la main droite une poignée d’herbes naissantes, ou un bouquet de fleurs ; & de la gauche releve sa robe par derriere.
La Fécondité est représentée sur une médaille de Julia Domna, par une femme demi-nue, couchée à terre, appuyée le bras gauche sur une corbeille remplie de fruits ; de la main droite elle touche un globe, autour duquel sont quatre petits enfans.
La Joie, hilaritas, brille sous la figure d’une femme debout, qui tient de la main droite une palme ou une branche d’arbre ; & de la gauche, la corne d’abondance.
La Foi, fides ou fides publica, est le plus souvent figurée tendant la main à quelqu’un en signe d’assurance, suivant ce passage de Valere Maxime : Venerabile fidei manum dexteram suam, certissimum salutis humanæ pignus, ostentat. Cependant sur les médailles d’Hadrien, & de plusieurs autres empereurs, elle est désignée par une femme debout, qui tient de la main droite des épis ; & de la gauche, un petit plat chargé de fruits.
On ne finiroit point si l’on vouloit décrire tous les types de ces divinités subalternes ; on apprendra à les connoître par l’usage même des médailles.
On trouve aussi sur les revers des médailles des figures sans bras & sans piés, que nous appellons termes ; & si nous en croyons Polibe, la superstition en est venue des querelles que les peuples ont eues pour leurs limites, lesquelles étant appaisées, ils élevoient des statues aux dieux qu’ils croyoient avoit présidé à leur accord. De là vient le Jupiter terminalis des Crotoniates & des Sybarites.
L’Equité & la Monnoie portent également la balance ; souvent on met trois figures pour la Monnoie, qui ont chacune à leurs piés un fourneau, à cause de l’or, de l’argent, & du cuivre, qui sont les trois métaux sur lesquels on bat la monnoie. On y voit plus souvent trois petits tas de monnoies.
Deux figures, au milieu desquelles est ce mot, omonoia, marquent l’alliance que faisoient certaines villes les unes avec les autres, dont elles vouloient que leurs dieux fussent les témoins & les garans.
Deux figures, qui ont à leurs piés une roue, & qui tiennent le doigt sur la bouche, sont les déessés vengeresses des crimes, dites Nemeses. La roue dénote la sévérité ; & le doigt sur la bouche apprend à ne pas se plaindre de la justice des dieux, comme si leur colere épargnoit les coupables, pour ne tourmenter que les gens de bien : Lento enim gradu ad sui vindictam divina procedit ira ; sed tarditatem supplicii gravitate compensat, dit Valere Maxime.
Trois figures qui se tiennent par la main, comme pour danser, sont les trois graces.
Trois figures qui supportent un grand voile étendu en arc sur leur tête, marquent l’éternité, ou les trois différences du tems passé, présent & futur, qui sont confondues dans un seul instant, incompréhensible à l’esprit humain. L’éternité est encore marquée par une figure debout, qui tient dans une de ses mains la tête du soleil, & dans l’autre celle de la lune, parce que ce sont les deux dieux que les Egyptiens croyoient éternels.
Trois autres figures armées de flambeaux, de poignards & de serpens, sont les furies, nommées autrement euménides & érynnies, qui portent la discorde, le fer & le feu par-tout.
Quatre petites figures désignent les quatre saisons de l’année. La seule qui est vêtue, marque l’hiver ; l’automne se distingue par un lievre, parce que c’est la saison de la chasse ; le printems porte un panier de fleurs ; l’été une faucille pour les moissons.
Une espece de grosse pierre en forme de montagne, traînée sur un char, représente le soleil, tel qu’Hélagabale l’adoroit, selon l’opinion de ceux qui croyoient que cet astre étoit une pierre enflammée. L’étoile qui paroît au-dessus, est l’étoile qui précede le soleil, & cette étoile nous sert à distinguer les médailles de ce prince d’avec celles de Caracalle, à ce que prétend le P. Jobert ; sa remarque seroit juste, si toutes les médailles de Caracalle avoient une étoile ; mais cette étoile ne s’y trouve pas toujours ; & quand elle paroît, elle accompagne le plus souvent des types qui ayant un rapport marqué avec le sacerdoce d’Elagabale applanissent toute difficulté.
Quant au soleil levant, il est représenté par une figure nue, couronnée de rayons, avec un fouet à la main, à cause de la rapidité de sa course.
Les figures couchées & appuyées sur une vase sont les fleuves ; quelquefois cependant les rivieres paroissent comme des figures à mi-corps qui nagent dans l’eau.
M. Vaillant assûre que les fleuves ne sont représentés couchés, que quand ils en reçoivent d’autres qui les grossissent, & qu’alors le fleuve qui porte ses eaux dans un autre est représenté debout.
Mais cette remarque de M. Vaillant est détruite par plusieurs médailles ; je me contenterai d’en citer deux. La premiere, qui est de Gordien Pie, a été frappée par les Saïtténiens dans la Lydie : on y voit au revers deux figures couchées avec des joncs & des urnes ; ce sont deux rivieres, dont l’une, qui est le Pactole ou l’Hyllus, se jette dans l’Hermus. Dans la seconde médaille, qui est d’Apamée, on voit le Méandre & le Marsyas, tous les deux couchés, quoique le Marsyas se jette dans le Méandre. Ces deux médailles sont citées par M. Spanheim dans une de ses lettres à Morel.
Les figures couchées dans des lits sont des exemples d’une cérémonie particuliere aux payens, nommée lectisterne. En effet, dans les grandes nécessités, comme pour faire cesser les maladies contagieuses, ils mettoient dans des lits magnifiques des idoles de certaines déités, comme Apollon, Diane, Latone, Cérès, la Fortune, Neptune, Hercule, Mercure. Tite-Live prétend que cette superstition, qu’Arnobe reproche aux payens, commença l’an 366 de Rome.
Il faut parler maintenant des symboles des provinces & des villes.
Les provinces ont pareillement des marques qui les font connoître, soit dans leur habillement, soit dans les symboles qui les environnent.
L’Afrique est coëffée d’une tête d’éléphant. Elle a auprès d’elle un scorpion, un serpent ou un lion, tous animaux qui naissent dans ce pays. On y voit quelquefois des montagnes, à cause de celles qui s’élevent jusque aux nues, dans la Mauritanie Tingitane.
L’Asie est désignée par le serpent & par un gouvernail, pour montrer que c’est un pays où l’on ne pouvoit aller que par mer. Je ne sai si les deux serpens sur la médaille d’Auguste, Asiâ subactâ, ne signifient pas plutôt que l’Asie divisée entre lui & M. Antoine revint en entier à Auguste, après la bataille d’Actium.
L’Europe n’a point de symbole particulier ; car les médailles où l’on voit Europe enlevée par Jupiter transformé en taureau, sont les médailles de Sidon.
L’Orient est figuré par une tête jeune, couronnée de rayons ; souvent le mot Orient y est exprimé.
La Macédoine est vêtue en cocher, le fouet à la main, ou parce qu’elle fournissoit d’excellens chevaux, ou parce qu’elle honoroit particulierement le soleil. Les médailles de ce pays-là portent aussi la massue d’Hercule, dont les rois de Macédoine se vantoient de descendre.
La Mauritanie se marque par un cheval & par une houssine, à cause de la vîtesse de ses coursiers, à qui l’on ne donnoit jamais de l’épéron, comme on ne leur mettoit jamais de mors à la bouche.
L’Egypte se connoît par le sistre, par l’ibis & par le crocodile. Alexandrie prend un bouquet d’épics & un sep de vigne.
L’Achaïe se distingue par un lapin, dont elle nourrit grande quantité, ce qui l’a fait nommer par Catulle Cuniculosa. On la voit en habit de soldat, avec un petit bouclier, & deux javelots, à cause de la valeur de ses peuples. Elle tient des épics, à cause de sa fertilité.
La Gaule a une espece de javelot, que Virgile nomme gæsum. Elle est vêtue d’une saie, assez semblable au juste-au-corps qu’on y porte aujourd’hui. La saie étoit un habit militaire.
La Judée est en robe, & se connoît par le palmier qu’elle porte, ou contre lequel elle est appuyée ; c’est parce qu’elle fait partie de la Phénicie, à qui proprement appartient le palmier, dont elle a pris le nom ΦΟΙΝΙΚΗ.
L’Arabie se marque par le chameau qui, dans ce pays-là, va plus vîte que le cheval, à ce que dit Aristote, par la canne parfumée & par l’arbre qui porte l’encens.
La Dace est représentée en habit de femme, portant un javelot avec une tête d’âne, type de sa valeur ; les anciens ayant nommé cet animal ζῷον ἀήττητον, & en ayant fait en Orient la monture des princes : quelquefois c’est une tête de bœuf ou de cheval, qui sert de symbole à la Dace, à cause des trompettes paphlagoniennes dont le son approchoit fort du cri de ces animaux. Elle est aussi quelquefois assise sur une cotte d’armes, avec une palme & une enseigne, à cause de la bravoure de son peuple.
La Sicile est désignée par une tête au milieu de trois cuisses, qui sont ses trois promontoires. Elle a quelquefois une faucille & des épics, pour faire connoître sa fertilité.
La Pannonie est marquée par deux figures de femmes vêtues à cause de la froideur du climat ; elle tient des enseignes militaires à la main, pour caractériser la vaillance de ses habitans.
L’Italie, comme reine du monde, est assise sur un globe, la couronne tourelée sur la tête, à cause de la quantité de villes qu’elle renferme, & qui marque son empire sur l’univers ; la corne d’abondance qu’elle tient d’une main, désigne sa fertilité. Ce type de l’Italie se rencontre sur les médailles de Titus, d’Antonin-Pie, de Commode, &c. Dans Hadrien, l’Italie est représentée debout, s’appuyant de la main droite sur une haste sans fer, & tenant de la gauche une corne d’abondance. La légende est Italia.
La Germanie est taillée en grande femme, avec un javelot & un bouclier, plus long & plus étroit que ceux des Romains. Les Grisons & la ville d’Ausbourg ont pour symbole la pomme de pin, à cause de la quantité de pins qui se trouvent sur les Alpes voisines du pays, dit Ortélius.
L’Arménie porte le bonnet en coqueluche, avec l’arc & les fleches.
Le royaume des Parthes est représenté par une femme habillée à la mode du pays, avec l’arc & le carquois, à cause de l’habileté des Parthes à tirer des fleches, même en fuyant.
La Bithynie tient un cartouche pareil à celui qu’on met à la main de la Libéralité. Ce symbole pourroit bien être particulier aux médailles d’Adrien, restitutori Bithyniæ, & peindre les largesses que fit ce prince, pour rétablir les villes de ce pays que les tremblemens de terre avoient renversées, principalement Nicomédie & Nicée.
La Cappadoce porte la couronne tourelée, & un guidon de cavalerie, qui marque les troupes que les Romains en tiroient. Elle est aussi ordinairement accompagnée du mont Argée, soit qu’elle le tienne à la main, soit qu’on le voie placé à ses piés. On sait que les Cappadociens l’adoroient comme une déité.
La Mésopotamie figure entre deux fleuves, le Tygre & l’Euphrate, avec une espece de mitre sur la tête, dit Antoine Augustin ; mais si la médaille de Trajan qu’il cite est celle sur laquelle nous lisons Armenia & Mesopotamia in potestatem P. R. redactæ, il y a grande apparence qu’il a pris l’un des deux fleuves, qui figure la Mésopotamie pour la province même.
La grande Bretagne, qui est une île, se reconnoit par le gouvernail sur lequel elle s’appuie, & par une proue de navire à ses piés, ainsi que par la forme du bouclier & du javelot plus long que le romain.
Les villes particulieres ont eu aussi des symboles, sur lesquels je ne m’étends point, parce qu’ordinairement la légende les indique ; outre qu’ayant à parler des animaux, je vais être forcé de faire mention de la plûpart de ces symboles.
L’abeille est l’emblème de la ville d’Ephese, parce que les muses, sous la figure d’abeilles, y conduisoient la flotte des Athéniens, qui, selon l’oracle de Delphes, formerent en même tems treize colonies. Les médailles latines où l’on trouve des abeilles représentées, ont été frappées à Rome pendant le tems de la république, & elles entrent dans la suite des consulaires. Voyez la dissertation intitulée : Jo. Petri Bellorii notæ in numismata, tùm Ephesia, tùm aliarum urbium, apibus insignita, Rom. 1658, in-4°.
L’aigle est le symbole naturel des légions, dont il étoit la principale enseigne. Il signifie la puissance souveraine, parce que Jupiter s’en sert pour porter son foudre. On le donne aussi aux ministres des princes, dont on veut qu’il marque les bonnes qualités, parce qu’Œlien déclare que ces oiseaux ne mangent point de chair, ne vont jamais à la proie, & ne vivent que de certaines herbes.
Le bœuf ou le taureau désigne cent choses différentes. Sur les médailles d’Egypte, c’est Apis ; on s’en sert aussi pour marquer la consécration d’Antinoüs, que les Egyptiens mirent au nombre de leurs dieux comme un second Apis. Sur d’autres médailles, ils signifient la force, la patience, la paix, favorable au laboureur ; enfin les sacrifices où ces animaux servoient de victimes : alors ils ont les cornes chargées de rubans, & on les appelle tauri vittati, ou insutali, ou mithrati.
Quand ils sont en posture de frapper de la corne, ils annoncent la guerre ou simplement des combats de taureaux qu’on a donnés pour spectacle. Quand ils sont ou passans ou accouplés, & conduits par un homme voilé, ils marquent les colonies dont on traçoit l’enceinte avec la charrue.
On sait peut-être la cérémonie qui se pratiquoit pour les villes qu’on vouloit bâtir. On atteloit, non pas une paire de bœufs, mais un bœuf & une vache, & on mettoit le bœuf en-dehors & la vache en-dedans. Le sens de ce mystere est que le bœuf marque les hommes qui doivent aller & venir pour les affaires, & la vache marque les femmes qui doivent garder le logis & prendre soin du domestique.
Le cancre décele les villes maritimes. C’est encore le symbole de la prudence, & il est consacré à Minerve, déesse de la sagesse, à cause de l’industrie qu’il a de se défaire de son écaille, quand il en est incommodé. On le trouve joint à un papillon, à cause du bon mot d’Auguste, festina lente.
Le capricorne, ou simple ou double, est le symbole de cet empereur. On croit que c’est le signe sous lequel ce prince vint au monde, & qu’il marquoit l’horoscope qui lui fut faite à Apollonie par Théogene, lorsqu’il lui prédit l’empire. Cette opinion cependant se trouve combattue par les savans, qui soutiennent qu’Auguste n’est point né sous le capricorne.
Le cerf fait connoître Ephese & les autres villes où Diane étoit singulierement honorée.
Le chameau nous annonce l’Arabie.
Le cheval dans les médailles puniques est le symbole de Carthage, bâtie, selon l’oracle, dans le lieu où l’on apperçut une tête de cheval. Les chevaux paissans marquent la paix & la liberté, ou simplement un pays abondant en pâturages. Le cheval bondissant dénote l’Espagne fertile en excellens chevaux. Quelquefois il désigne les victoires remportées dans les jeux publics, comme sur les médailles du roi Hiéron. Quelquefois c’est le bucéphale d’Alexandre, ou simplement l’emblème des rois de Macédoine.
Le chien est l’image de la fidélité. On le donne à Mercure, à cause de sa vigilance & de son industrie à découvrir ce qu’il quête. Diane a ses levriers pour symbole. Quand le chien est auprès d’une coquille & qu’il a le museau barbouillé de rouge, il marque la ville de Tyr ; car c’est là que le chien d’Hercule, ayant mangé le murex, en revint le nez tout empourpré, & fit connoître cette belle couleur. On possede une médaille d’argent consulaire de la famille Mamilia, sur laquelle l’on voit d’un côté la tête de Mercure couverte du pétase, & le caducée derriere. De l’autre est un homme en habit de voyageur, qui s’appuie de la main gauche sur un grand bâton, & qui tend la main droite sur un chien qui semble le reconnoître & s’approcher pour le caresser. Tout le monde reconnoît là l’aventure d’Ulysse racontée dans l’Odyssée d’Homere. La légende de ce côté de la médaille est C. Mamillimea. Elle a été restituée par Trajan.
La cicogne qui nourrit son pere & sa mere durant leur vieillesse, est le symbole de la piété. Elle se place ordinairement aux piés de cette déesse, ou à côté des enfans qui ont singulierement honoré leurs parens.
Le coq, est l’attribut de la vigilance. On le donne au dieu Lunus & à Mercure ; quelquefois à Bacchus, parce qu’on le lui sacrifioit pour la conservation des vignes. Il dénote aussi les combats & la victoire.
La corneille, est le symbole d’Apollon le dieu des devins. Quand elle est perchée, elle désigne la foi conjugale.
Le crocodile, représente le Nil & l’Egypte qu’il arrose, parce qu’il naît dans ce fleuve. Quelquefois il marque des spectacles, où l’on avoit donné le plaisir au peuple de voir ces animaux extraordinaires.
Le dauphin, entortillé à un trident ou à une ancre, spécifie la liberté du commerce & l’empire de la mer. Quand il est joint à un trépié d’Apollon, il caractérise le sacerdoce des quinze-virs, qui pour annoncer leurs sacrifices solemnels, portoient par toute la ville un dauphin au bout d’une perche, & qui regardoient ce poisson comme étant consacré à Apollon, ainsi que la corneille parmi les oiseaux.
L’éléphant figure l’éternité, parce qu’il est d’une très-longue vie. Plus souvent néanmoins, il marque les jeux publics, où l’on en exposoit aux yeux du peuple.
Dans les médailles de Jules, du tems de la république, lorsqu’il n’étoit pas encore permis de mettre sa tête sur les monnoies, il fit graver à la place cet animal, dit le P. Jobert, parce qu’en langue punique, cæsa signifie un éléphant. Mais il n’est pas vraissemblable que César ait employé cette frivole équivoque ; de plus, l’histoire nous apprend que le surnom de César étoit dans la famille des Jules, dès le tems de la seconde guerre punique.
La harpie, est l’emblême de la valeur.
Le hibou, qui voit comme le chat dans les ténebres, est le symbole de la sagesse ; il est consacré à Minerve, & placé quelquefois sur son casque, quelquefois à ses piés.
L’hipopotame, représente le Nil & l’Egypte que ce fleuve arrose.
Le lievre & le lapin sont le symbole de l’Espagne ; on en voit aussi sur les médailles de Sicile. Ils caractérisent en général l’abondance, à cause de leur fécondité.
Le loup & la louve signifient, ou l’origine de la ville de Rome, fondée par les deux freres qu’on publioit avoir été allaités par une louve, ou simplement la domination romaine, à laquelle les peuples étoient soumis ; peut-être désignent-ils le pays où il se trouvoit quantité de loups, comme l’exprime la médaille de la ville de Mérida. Souvent on voit les deux freres, Rémus & Romulus, attachés aux têtes de la louve.
Le paon & l’aigle, peignent la consécration des princesses, comme on peut le voir sur des médailles de Plotine, de Marciana, de Matidie & de Sabine, rapportées par M. Vaillant. Comme on croyoit que ces oiseaux favoris, l’un de Junon & l’autre de Jupiter, portoient les ames au ciel : on les voit quelquefois au-dessus du bûcher.
Le pégase aîlé, est le symbole de Corinthe, où Minerve le donna à Bellerophon pour combattre la Chimere. Il se trouve aussi sur les médailles des villes d’Afrique, & sur celles de Sicile, depuis que les Carthaginois s’en furent rendus les maîtres ; parce qu’on tenoit que ce cheval miraculeux étoit né du sang de Méduse qui étoit africaine. Syracuse en particulier, qui avoit une étroite alliance avec Corinthe, gravoit un pégase sur ses médailles.
Le phénix, qui renaît à ce qu’on prétend de ses cendres, signifie tantôt l’espérance d’un plus heureux tems, tantôt l’éternité même & la durée de l’empire. On le voit quelquefois seul perché sur un globe ; le plus souvent il est dans la main du prince.
Les pigeons sont consacrés à Vénus, & se trouvent quelquefois à son char & à celui de son fils ; ils sont ordinairement sur ses temples, & à côté de ses autels.
Les poissons, marquent les villes maritimes ; mais les thons, appellés pélamides, sont le symbole particulier de Byzance, parce qu’on y en pêche quantité.
Le porc, sur les médailles d’Antonin, signifie les commencemens de Rome, & le lieu où Lavinium fut bâti, selon l’oracle qui avoit ordonné qu’on le plaçât à l’endroit où la truie se seroit arrêtée, promettant qu’après autant d’années qu’elle auroit de petits cochons, on se trouveroit en état d’en bâtir une bien plus considérable.
Le sanglier, est le symbole des jeux séculaires qui se faisoient en l’honneur de Diane à qui cet animal est consacré. Quelquefois il désigne de certaines chasses dont on donnoit le plaisir au peuple.
Le serpent seul, est mis ordinairement pour Esculape, ou pour Glycon le second Esculape ; & quand il est ou à l’autel, ou dans la main d’une déesse, c’est toujours le symbole d’Higée ou de la Santé. Le double serpent, est la marque de l’Asie. Quelquefois il signifie la guerre & la discorde, quand il est aux piés de la Paix. Quand il est aux piés de Minerve, à qui Plutarque dit qu’il étoit consacré, il marque le soin qu’on doit prendre des filles, qu’il faudroit, s’il est possible, garder avec le dragon des Hespérides. Quand il sort d’une corbeille, ou qu’il accompagne Bacchus, il marque les orgies de ce dieu. Quand il est au dessus d’un trépié, il marque l’oracle de Delphes, qui se rendoit par un serpent.
La sirene, dont l’image se trouve sur les médailles de Cumes, est Parthénope qui y est enterrée.
Le sphinx, représente la prudence, & se donne à Apollon & au Soleil, à qui rien n’est caché. On le mettoit à l’entrée des temples, pour marquer la sainteté des mysteres. Sur les médailles d’Auguste, il nous représente le cachet de ce prince, qui prétendoit montrer par-là que les secrets des princes doivent être impénétrables.
La tortue, est un symbole de Vénus ; il apprend alors que les femmes mariées doivent se tenir à la maison.
La tourterelle, est l’image de la concorde entre la femme & le mari.
Certains animaux extraordinaires qui se rencontrent sur les revers avec ce mot, Munificentia Aug. ou bien avec celui ci, Sæculares Aug. ne signifient autre chose, sinon que les princes dont la médaille porte le nom, les ont fait venir des pays étrangers, afin de les donner en spectacle au peuple.
On a quelquefois pris le soin de spécifier sur les médailles, l’ordre dans lequel on les avoit fait voir au peuple ; c’est ce qu’expriment certains chiffres qui se trouvent sur les médailles des Philippes, I. II. III. &c. ils veulent dire que cet animal parut le premier, le second, &c.
Avec ces notions générales, il n’est personne qui ne puisse agréablement s’appliquer à déchiffrer ces médailles, en attendant que la lecture & l’usage lui découvrent les mysteres cachés d’autres symboles singuliers, dont l’intelligence est reservée aux gens consommés dans l’art numismatique. (Le chevalier de Jaucourt.)