L’Encyclopédie/1re édition/SYNOQUE

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SYNOQUE, (Médec.) σύνοχος, en latin febris continens, fievre renfermée dans un seul paroxisme depuis le commencement jusqu’à la fin, & prolongée pendant plusieurs jours de suite ; le terme σύνοχος n’est pas proprement grec ; car il faudroit dire avec Hippocrate συνεχέες πυρετός ; mais il a été forgé par le tems à l’effet de rendre une idée pour laquelle on manquoit d’expression, ensuite on a établi deux especes de fievres synoques, savoir la fievre synoque simple & la fievre synoque putride. Voyez Synoque simple & Synoque putride. (D. J.)

Synoque simple, (Médec.) sorte de fievre continue sans redoublement, ni rémission depuis le commencement jusqu’à la fin, & qui s’étend au-delà de quatre jours, sans être cependant ni dangereuse ni putride ; c’est proprement une fievre éphemere, prolongée au-delà des vingt-quatre heures, mais qui ne va pas jusqu’au septieme jour.

Ces causes sont les mêmes que celles de l’éphemere, mais plus considérables à-proportion des humeurs retenues, & des forces du corps plus foibles pour en produire la coction ou l’expulsion : de-là vient que ces symptomes durent plus long-tems, & que si la coction de la maladie ne se termine pas au bout des quatre jours, la santé revient avec peine, & quelquefois cette fievre se change en synoque putride. Il faut modérer la chaleur fébrile par des boissons antiphlogistiques, rafraîchissantes, délayantes & diurétiques. La saignée ne convient que dans la pléthore sanguine, & les purgations ne doivent être employées que dans une surabondance d’humeurs, qui exigent cette méthode curative d’évacuation par les selles. La fievre synoque putride demande au contraire des remedes administrés par des mains habiles & prudentes. Voyez Synoque putride. (D. J.)

Synoque putride, (Médec.) fievre continue sans rémission, & accompagnée de putréfaction.

Nous n’entrerons pas dans le détail des différentes causes de ces sortes de fievres continues, accompagnées de putréfactions dans les humeurs. D’ailleurs, selon les différentes constitutions des malades, selon les différens degrés d’acrimonie, & selon la quantité des humeurs viciées, la même cause peut produire dans la même maladie différentes complications plus ou moins dangereuses. Mais quand les Médecins connoîtroient même ces causes, ils n’en apperçoivent que les qualités sensibles ; ils ignorent la nature de leur malignité, parce qu’elle est inaccessible aux sens ; elle leur est seulement indiquée & très-obscurément par ces effets : ainsi étant réduits à tâtonner, ils savent uniquement que toute irritation des nerfs capable d’accélérer excessivement l’action des arteres, produit la fievre, & que lorsque cette irritation est causée par quelque substance hétérogene mêlée avec les humeurs, la fievre ne peut se terminer que par la correction, ou par l’expulsion de cette substance nuisible, quelle qu’elle soit. On ne connoît point dans les fievres continues de remedes capables de corriger les mauvaises qualités d’une telle cause ; ce n’est que l’expérience qui leur apprend quand ils doivent provoquer l’expulsion de cette cause, & par quelle voie elle peut être expulsée. Eh ! qui ne sait combien cette expérience est fautive ? Cependant il faut se borner là, tant que les hommes seront privés de remedes spécifiques, capables de corriger ou de détruire immédiatement les mauvaises qualités des causes qui produisent la synoque putride.

Les caracteres de cette fievre, sont une chaleur vive & mordicante, qu’on remarque distinctement quand on touche long-tems la peau du malade, un pouls inégal & un peu concentré, sur-tout dans le commencement de la maladie ; les urines sont, à la fin des exacerbations, un peu plus chargées, & d’un rouge plus foncé que dans l’état naturel : cette espece de fievre commence ordinairement par un frisson, ce qui la distingue d’abord de la synoque simple, où ce frisson est plus rare.

Souvent cette fievre est accompagnée de quelques épiphénomenes spasmodiques ; tels sont au-moins la dureté, l’inégalité, le resserrement du pouls, l’anxiété, les inquiétudes, la douleur de tête, des douleurs dans les lombes, dans les membres, quelquefois même le délire, ou l’assoupissement dans le fort des redoublemens ; mais ordinairement ces affections sont moins graves que dans les fievres malignes : elles suffisent cependant pour faire distinguer des le commencement la synoque putride d’avec la synoque simple.

Ces épiphénomenes plus ou moins variés, diversifient beaucoup de fievres synoques ; c’est pourquoi les auteurs n’en donnent guere une description exacte, & même d’autant moins exacte, qu’ils ont attribué à la fievre même tous ces épiphénomenes qui lui sont étrangers, & qui sont des complications de maladie. Il suffit d’appercevoir, par tous les signes qu’on vient d’exposer, que la fievre n’est pas troublée par cette complication à un degré où la coction & la crise ne pourroient pas s’accomplir : ainsi nous nous bornons présentement à la cure particuliere de cette fievre en général.

La synoque putride finit rarement avant le quatorzieme jour ; elle s’étend souvent plus loin, & paroît devenir plus forte en s’approchant de sa fin ; mais la coction s’opere alors plus sûrement, & ce n’est pas un mauvais présage.

L’usage des boissons farineuses & des bouillons légers délayés dans beaucoup d’eau, ne conviennent pas mal au commencement de cette fievre ; mais les tisanes légeres faites avec les racines apéritives, la réglisse, les pommes de reinette, les aigrelets & les sels neutres, forment une boisson encore meilleure pour tempérer la chaleur d’acrimonie. Comme il s’agit de laver les humeurs, & de les entraîner principalement par la voie des urines, il faut rendre les boissons légérement apéritives, afin d’exciter l’action des excrétoires qui les séparent de la masse des humeurs. On doit juger ici combien les remedes actifs, tels que les cordiaux, les sudorifiques, &c. seroient dangereux dans cette sorte de fievre, où il s’agit d’humecter & de relâcher les solides, en évitant toute irritation.

La saignée n’est un remede essentiel que quand la fievre est accompagnée d’une pléthore sanguine. Lorsqu’il y a dans les premieres voies des matieres dépravées, l’indication de les évacuer est très-pressante, au commencement même de la synoque putride, pourvu néanmoins qu’il n’y ait aucun froncement spasmodique remarquable, ni aucune disposition inflammatoire dans les entrailles. Alors il faut répéter la saignée, recourir aux lavemens, à l’huile d’amandes douces, & au petit lait en grande quantité ; ensuite dans les jours de rémission, on pourra recourir aux potions laxatives.

La continuation des remedes tempérans & humectans, doit être proportionnée à la dureté, à la contraction du pouls & à la violence de la fievre. Sydenham étoit lui-même très-attentif à n’employer ces derniers remedes qu’autant qu’ils étoient nécessaires ; car l’insuffisance de la fievre pour la coction, lui paroissoit avec raison une disposition fort opposée à la guérison de la maladie. Il faut consulter ce grand médecin, & bien profiter de ses lumieres, auxquelles il faut joindre les écrits de Baillou, ouvrage que les Médecins françois lisent peu, & dont ils suivent encore moins les excellens préceptes. (D. J.)