L’Encyclopédie/1re édition/TÉGÉ

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TÉGÉ, (Géog. anc.) Tegea, ville du Péloponnèse, dans les terres, près du fleuve Alphée, selon Pausanias, qui dit que ce fleuve se perdoit sous terre dans le territoire de la ville de Tégée. Cette ville fut autrefois considérable : Polybe en parle beaucoup, mais il ne marque point sa situation. Il dit dans un endroit, que Philippe partit de Mégalopolis, & passa par Tégée avec son armée, pour se rendre à Argos : il raconte, l. II. c. xvj. que Philopæmen ayant pris d’emblée la ville de Tégée, alla camper le lendemain sur le bord de l’Eurotas.

Les Achéens tinrent quelquefois leur assemblée générale dans cette ville durant leur guerre contre les Lacédémoniens. Strabon, l. VIII. en parlant de plusieurs villes ruinées par les guerres, dit que Tégée se soutenoit encore passablement. Ses habitans sont appellés Tegeatæ. Tégée devint dans la suite une ville épiscopale, & la notice d’Hiéroclès la met sous la métropole de Corinthe. C’est aujourd’hui un petit bourg appellé Muchli, à 6 lieues de Napoli de Romanie, vers le midi occidental.

Pausanias décrit un monument érevé par les habitans de Tégée à Jasius. On voit, dit-il, dans la place publique de Tégée, vis-à-vis du temple de Vénus, deux colonnes avec des statues. Sur la premiere étoit la statue des quatre législateurs de Tégée, Antiphanès, Cræsus, Tyronidas, & Pyrias. Sur l’autre, on voyoit celle de l’Arcadien Jasius, monté à cheval, ou ayant un cheval auprès d’elle, & tenant de la droite une branche de palmier.

La ville de Tégée & son territoire faisoient partie de l’Arcadie, & fut sous la domination des rois arcadiens, jusqu’à la fin de la seconde guerre de Messene ; ensuite la ville de Tégée commença à former une république séparée des autres cantons de l’Arcadie, mais nous ne savons pas combien de tems subsista cette république.

Il y avoit à Tegée un temple de Minerve, surnommée Aléa, & qui avoit été bâti par Aléus. Ce temple étoit un azyle pour les criminels de toute la Grece, & le lacédémonien Pausanias s’y réfugia.

Aristarque, poëte tragique, qui parut sur la fin de la lxxxj. olympiade, & qui vécut un siecle, étoit natif de Tégée.

Plutarque fait le fameux Evhémere tégéate dans son ouvrage sur les dogmes des philosophes ; & Messénien dans le traité d’Isis & d’Osiris. Quoi qu’il en soit, Evhémere florissoit du tems de Cassandre, roi de Macédoine, qui en faisoit grand cas. C’étoit en effet un philosophe du premier ordre, qui voyagea dans une partie du monde, & parcourut les côtes méridionales de l’Océan. Il immortalisa son nom par son histoire sacrée, que le poëte Ennius traduisit en latin. Si l’auteur intitula son ouvrage histoire sacrée, ce n’est pas qu’il crût que le sujet en fût sacré ; car il y soutenoit que les dieux n’étoient originairement que des hommes qu’on avoit déifiés, & il appuyoit cette opinion sur les inscriptions qu’il avoit trouvées dans les plus anciens temples ; mais il employa ce titre pour s’accommoder à l’opinion reçue.

Cette histoire singuliere d’Evhémere lui suscita bien des ennemis, & les Grecs à l’envi travaillerent à la décréditer. On le surnomma l’athée par excellence, & ce n’est pas le seul homme qui convaincu de l’existence d’un Dieu, ait été accusé d’athéisme. On ne fit aucune grace à son ouvrage, & l’on empêcha si bien de paroître un monument qui anéantissoit la religion dominante, que ni l’original, ni la traduction d’Ennius n’ont passé jusqu’à nous.

Ce n’est pas qu’il faille ajouter foi aux inscriptions d’Evhémere. Il les avoit sans doute fabriquées lui-même ; c’est du-moins ce qui paroît en particulier de celles du temple de Jupiter Triphylien, qu’il trouva dans l’île de Panchée, île qui n’a jamais existé dans le monde, comme Eratosthene le prouva de son tems. Voyez Panchée, Géog. anc. (D. J.)