L’Encyclopédie/1re édition/TENTER

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TENTER, v. act. (Gram.) ce verbe outre sa signification prise dans l’Ecriture, & dont nous avons déja parlé, a d’autres sens fort bons & fort communs ; on tente un valet pour le débaucher du service de son maître ; on tente un officier, un ministre pour le retirer des intérêts de son prince. Tenter dans ce sens, c’est faire à quelqu’un des propositions capables de corrompre sa fidélité. Quelques-uns disent aussi, tenter une personne, pour dire, sonder une personne : hypocrites pourquoi me tentez-vous ? Mais je pense que sonder seroit ici beaucoup meilleur. On dit fort bien tenter Dieu ; mais c’est dans une autre signification ; ceux-là tentent Dieu, qui attendent tout de sa providence, ou qui se jettant dans des dangers manifestes, esperent que Dieu fera des miracles pour les délivrer du péril. Tenter se prend encore pour hasarder, risquer ; tenter la fortune du combat.

Avant l’aurore éveiller des chanoines,
Qui jamais l’entreprit ! Qui l’oseroit tenter ?
Est-ce un projet, ô ciel ! qu’on puisse exécuter ?

Despréaux.

Il veut dire quelquefois essayer ; tenter tous les moyens de rentrer en grace ; il se dit aussi pour exciter, émouvoir :

Fui, traître, ne viens point braver ici ma haine,
Et tenter un courroux que je retiens à peine.

Racine, dans Phedre.


(D. J.)

Tenter, (Critique sacrée.) ce verbe signifie communément éprouver, dans l’Ecriture. Ainsi quand elle dit que Dieu tente les hommes, cela ne veut pas dire que Dieu cherche à les séduire pour les faire tomber dans le péché, mais cela signifie qu’il éprouve leur vertu, soit par des commandemens plus ou moins pénibles, soit par des traverses attachées à l’humanité. Tenter Dieu, dans l’ancien Testament, c’est vouloir éprouver follement sa toute-puissance ; c’est s’exposer à des dangers dont on ne peut sortir sans un effet miraculeux de son secours. Vous ne tenterez point le Seigneur, Deut. vj. 18. Voici une réponse de la Pythie qui se trouve dans Hérodote, tenter Dieu & le faire, c’est la même chose ; τὸ πειρηθῆναι τοῦ Θεοῦ, καὶ τὸ ποιῆσαι, ἴσον δύναται, lib. VI. num. 86. page 360. (D. J.)