L’Encyclopédie/1re édition/THÉISME

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THÉISME, s. m. (Théol.) dérivé du grec θεος, dieu, terme usité parmi les théologiens modernes, pour exprimer le sentiment de ceux qui admettent l’existence de Dieu. Il est opposé à l’athéisme. Voyez Athéisme.

Il est aisé de prouver que le théisme est préférable à l’athéisme, & qu’il est plus avantageux, soit pour les sociétés, soit pour les princes, soit pour les particuliers, d’admettre l’existence d’un Dieu que de la rejetter. Voici les raisons qu’on en apporte communément.

1°. Une société d’athées a un principe de moins pour arrêter la corruption des mœurs qu’une société de théistes. La raison, le desir de la gloire & de la bonne réputation, la crainte des peines séculieres sont les seuls motifs qui peuvent empêcher le crime dans une société d’athées. Dans une société de théistes, la crainte des jugemens d’un être suprème se trouvant jointe à tous ces principes, leur donne une nouvelle force. L’homme en effet est d’autant plus porté à remplir ses devoirs, que les peines qu’on lui fait craindre, sont plus grandes, & que les récompenses qu’on lui fait espérer, sont plus considérables & plus consolantes. Qu’on dise tant qu’on voudra, qu’il est plus noble de faire le bien sans intérêt, & de fuir le mal sans aucun motif de crainte : c’est mal connoitre l’homme que de prétendre qu’il puisse ni qu’il doive toujours agir indépendamment de ces motifs. L’espérance & la crainte sont nées avec lui : ce sont des apanages inséparables de sa nature, & les récompenses ou les châtimens par lesquels le théisme réveille l’une & l’autre dans le cœur des hommes, sont des motifs infiniment plus puissans pour l’attacher à la vertu & pour l’éloigner du vice, que ceux que l’athéisme propose à ses partisans.

2°. Les princes ont plus d’intérêt que qui que ce soit, à l’établissement de la croyance d’une divinité suprème. Les athées eux-mêmes en conviennent, puisqu’ils disent que l’idée de la divinité doit son origine aux artifices & aux desseins des politiques, qui par-là ont voulu rendre sacrée l’obéissance dûe aux souverains. Un homme se soumet par raison à son prince, parce qu’il est juste de tenir la foi à celui à qui on l’a promise ; il s’y soumet par principe de crainte, parce qu’il a peur d’être condamné suivant toute la sévérité des lois ; mais son obéissance est tout autrement ferme & constante, quand il est vivement persuadé qu’il y a une divinité vengeresse qui prend connoissance de ses désobéissances pour les punir.

3°. Rien de plus avantageux ni de plus consolant pour les particuliers que le théisme. L’homme qui est exposé à tant de miseres dans le cours de cette vie, a un motif de consolation, en croyant une divinité pleine de justice & de bonté qui peut mettre fin à tous ses maux. L’homme vertueux qui est ordinairement en bute à la contradiction des méchans, se soutient dans la pratique de la vertu par l’idée d’une divinité qui récompense les bonnes actions, & qui punit les mauvaises ; pour lui la mort est le commencement d’une nouvelle vie & d’un bonheur éternel ; pour l’athée, la mort n’est que la fin des miseres de la vie, & l’anéantissement qu’il se promet, est un état d’insensibilité parfaite, ou pour mieux dire, une privation d’existence, que personne ne regardera jamais comme un avantage : anéantissement au reste dont l’athée n’a aucune certitude ; il est donc à cet égard dans le doute & dans la perplexité ; mais cet état d’incertitude est-il aussi satisfaisant que l’espérance du théiste ? Enfin ce dernier risque quelque chose pour gagner infiniment ; & l’autre aime mieux perdre tout que de rien risquer. On peut voir ce raisonnement poussé avec force dans les pensées de M. Pascal. Traité de la véritable religion, tom. I. dissert. III.