L’Encyclopédie/1re édition/TITHON

La bibliothèque libre.

TITHON, s. m. (Mythol.) tout le monde sait ce que la Mythologie a feint de Tithon & de l’Aurore. La déesse l’aima éperdument, l’enleva dans son char, obtint de Jupiter son immortalité, & oublia de demander qu’il fût à l’abri des outrages du tems. Tithon ennuyé des infirmités de la vieillesse, souhaita d’être changé en cigale, & sa priere lui fut accordée par les dieux. Voila la fable, voici l’histoire.

Tithon, fils de Laomedon, & frere de Priam, étoit un prince aimable & très-bien fait de figure. Le royaume de la Troade, gouverné par Priam, dépendoit de l’empire d’Assyrie : Tithon alla à la cour du roi d’Assyrie, qui lui donna le gouvernement de la Susiane. Il s’y maria dans un âge avancé, & parce que sa femme étoit d’un pays situé à l’orient de la Grece & de la Troade, les Grecs qui tournoient toute l’histoire en fictions, dirent qu’il avoit épousé l’Aurore.

Mais un de nos poëtes modernes enchérissant sur l’ancienne mythologie, a fait des amours de Tithon & de l’Aurore, une nouvelle broderie, qui par sa délicatesse n’en est que plus propre à gâter l’imagination ; je n’en veux pour preuve que la morale qui couronne son conte ingénieux, car il ne faut pas être injuste dans ses critiques. L’auteur, après un tableau pittoresque de l’entrevue des deux amans, & de la résolution que l’Aurore, en quittant Jupiter, avoit formée de conserver les beaux jours de Tithon, ainsi qu’elle le lui déclare, sans y réussir, ajoute :

L’Amour couvrant leurs yeux de voiles séduisans,
Semble éloigner leurs destinées ;
Tithon ainsi dans la même journée
Se retrouve à quatre-vingt ans.
La déesse est en pleurs, sechez, dit-il, vos larmes,
J’ai vu de mon printems s’évanouir les charmes,
J’en regrette la perte, & ne m’en repens pas ;
Ce que j’eus de beaux jours, du moins, charmante Aurore,
Je les ai passé dans vos bras ;
Rendez-les-moi, grands dieux, pour les reperdre encore ! &c.

(D. J.)