L’Encyclopédie/1re édition/TONDEUR

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TONDEUR, s. m. (Art. méch.) ouvrier qui travaille dans les manufactures de lainage à tondre avec des forces, les draps, les serges & autres étoffes de laine.

A Paris, les tondeurs forment une communauté qui est fort ancienne. Leurs premiers statuts furent du mois de Décembre 1384. du tems de Charles VI ; ils furent ensuite confirmés & augmentés par Louis XI. en 1477, puis par Charles VIII. en Juillet 1484. & enfin par François I. en Septembre 1531.

Par ces statuts, ils sont nommés tondeurs de draps à table séche, parce qu’il ne leur est pas permis de tondre aucunes étoffes quand elles sont encore mouillées.

Il y a à la tête de cette communauté quatre maîtres qui ont la qualité de jurés-visiteurs, dont la fonction est d’aller visiter chez les maîtres pour veiller à la conservation de leur art & métier, & tenir la main à l’exécution des statuts & ordonnances qui le concernent.

L’élection des quatre jurés se fait tous les deux ans ; savoir, de deux anciens maîtres qui ont déja passé par la jurande, & de deux jeunes maîtres qui n’y ont pas encore passé.

Outre ces quatre jurés-visiteurs, il y a encore deux maîtres que l’on nomme simplement élus, qui sont proprement des petits jurés ou sous-jurés. Ces jurés doivent être présens au chef-d’œuvre des aspirans à la maîtrise & aux expériences des compagnons ; ils doivent aussi tenir la main à ce que l’on ne travaille point les fêtes & les dimanches ; ces deux petits jurés sont aussi élus tous les deux ans.

Avec ces quatre jurés-visiteurs & ces deux petits jurés, il y a encore un ancien maître de la communauté que l’on élit pareillement tous les deux ans, auquel on donne la qualité de grand garde ; il n’a aucune fonction, sa charge étant purement d’honneur, & seulement une marque du mérite & de la capacité de celui qui en est revêtu.

Pour être reçu maître tondeur à Paris, il faut avoir fait trois années d’apprentissage, faire chef-d’œuvre, qui consiste à donner deux tontures ou coupes à un morceau de drap de deux aunes encore blanc ; savoir, une avant que le drap ait été lainé, & l’autre après le lainage. Outre ces deux tontures, il doit encore en donner une au même morceau de drap après avoir été teint.

Les fils de maîtres sont exempts de l’apprentissage & du chef-d’œuvre ; ils sont seulement tenus de faire une simple expérience, qui consiste à tondre une fois en premier deux aunes de drap en couleur.

Chaque maître doit avoir chez lui un morceau de fer tranchant par un bout, qui est une espece de poinçon, qui sert à marquer toutes étoffes qu’ils tondent ou qu’ils font tondre par leurs compagnons ; cette marque se fait ordinairement au premier bout ou chef de la piece. Il n’est pas permis à un maître de continuer à tondre une piece déja commencée & marquée par un de ses confreres.

Les tondeurs de drap prennent pour patron l’Assomption de la sainte Vierge ; ils ont une confrairie établie dans l’église des grands Augustins. Ils n’ont point de chambre de communauté pour faire leurs assemblées ; mais quand ils veulent en convoquer une, elle se tient chez le plus ancien des jurés en charge.

Par les réglemens généraux des manufactures de lainage faits au mois d’Août 1669, art. 53. il est défendu aux tondeurs de drap de se servir pour l’entimage des étoffes d’aucunes graisses appellées flambarz ; ils doivent seulement y employer du sain-doux de porc le plus blanc. Il leur est encore défendu de se servir de cardes, ni d’en avoir dans leurs maisons pour coucher les draps, &c. ils ne peuvent se servir pour cela que de chardons à foulon.

Quoiqu’il semble par tout ce qui vient d’être dit, que la profession de tondeurs doive se renfermer dans la seule tonture des draps, ce sont cependant eux qui se mêlent de les presser, de les cattir & de les friser.