L’Encyclopédie/1re édition/TONNELIER

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TONNELIER, artisan qui fait, relie, & vend des tonneaux, c’est-à-dire toutes sortes de vaisseaux de bois, reliés de cerceaux avec de l’osier, & propres à contenir des liqueurs ou marchandises ; tels sont les tonnes, cuves, cuviers, muids, futailles, barrils, &c. Les tonneliers montent aussi & relient toutes sortes de cuves & autres vaisseaux reliés de cerceaux de fer. Ce sont encore eux qui descendent les vins, cidres, bieres, &c. dans les caves des bourgeois & des marchands de vin. Enfin il n’y a qu’eux qui aient droit de décharger sur les ports les vins qui arrivent par eau, & de les sortir des bateaux.

Les tonneliers forment à Paris une communauté nombreuse, & prennent la qualité de maîtres tonneliers déchargeurs de vins.

Leurs statuts sont fort anciens, & leur furent donnés sous le regne de Charles VII. Charles VIII. les augmenta, & François I. les confirma en 1538.

Ces statuts furent augmentés & dressés de nouveau en vingt-un articles, & confirmés en 1566, par Charles IX. on en ajouta deux autres sous Henri III. qui furent enregistrés en parlement en 1577.

Henri IV. en 1599, Louis XIII. en 1637, & Louis XIV. en 1651, leur donnerent aussi des lettres de confirmation, qui furent enregistrées au parlement, au châtelet, & à l’hôtel-de-ville.

Suivant ces statuts, la communauté doit être régie par quatre jurés, dont on en élit deux tous les ans ; ce sont eux qui font les visites, enregistrent les brevets, donnent le chef d’œuvre, & reçoivent les maîtres.

L’apprentissage est de six ans, après lequel l’aspirant doit faire chef-d’œuvre, pour être admis à la maîtrise.

Les tonneliers ne peuvent entreprendre aucun ouvrage de tonnellerie chez les bourgeois, que ce ne soit pour mettre le vin de leur cru.

Il n’y a que les tonneliers qui aient le droit de fabriquer & de louer des cuves à baigner, ou des cuviers à faire lessive.

Les compagnons ne peuvent entrer chez aucun maître, qu’ils n’aient fini leur tems chez l’ancien maître.

Il est défendu aux tonneliers de faire aucune futailles, qu’elle ne soit de la jauge prescrite par l’ordonnance, suivant la qualité de la piece.

Les matieres que les tonneliers emploient dans les ouvrages de leur métier, sont des planches de chêne & de sapin pour les grandes cuves & les cuviers ; le mairrain pour les futailles ; les cerceaux, qui sont ordinairement de châtaigner, de fresne, ou de bouleau ; & enfin l’osier pour lier & arrêter les cerceaux.

Les outils dont se servent les tonneliers sont la jabloire, les planes plates, courbes, & rondes ; la bondonniere, le compas, la doloire, le barroir, le tiretoir, le maillet, la colombe, le chevalet, l’essette, le tranchet, le sergent ou le chien, la chienne, la serpe, le paroir, l’utinet, le bastissoir, la scie ordinaire, la scie à main, le rabot, le clouet, le compas ordinaire, & le barril à scier. Ils ont aussi le hacquet, le moulinet, & deux sortes de poulains pour descendre les vins en cave. Voyez tous ces différens instrumens, chacun à leurs articles.

Voici la maniere dont les tonneliers s’y prennent pour monter une futaille neuve. Quand leurs douves sont préparées, ils prennent le bâtissoir, y posent une douve en dedans qu’ils y assujettissent, en les serrant l’un & l’autre avec un compas ordinaire ; ensuite ils placent toutes les douves les unes après les autres, jusqu’à ce qu’ils aient garni tout le tour du bâtissoir ; cela fait, ils passent un cerceau qu’ils font glisser depuis le haut jusqu’en-bas des douves ; & si les douves ont trop de peine à se joindre par en-bas, ils font un feu de copeau par terre, en-dedans du tonneau, ce qui resserre le dedans des douves, & les dispose à se rapprocher ; dans cet état on glisse un cerceau jusqu’en-bas, pour contenir les douves & les empêcher de se désassembler : ensuite on en fait passer un autre plus serré afin de les approcher de plus en plus, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus aucun jour entre les douves ; cela fait, on fait entrer sur les douves une plus grande quantité de cerceaux, pour assujettir entierement la futaille : après quoi on fait avec la bondonniere le trou destiné à recevoir le bondon. La futaille ainsi montée, on plane & on pare avec les planes courbes & rondes, & avec le paroir, le dedans des douves, & on égalise des deux côtés les bords de ces douves avec l’Essette : cela fait on forme avec la jabloire une rainure appellée le jable, dans laquelle doivent entrer les pieces du fond : lorsque le jable est formé, on prend le compas de bois que l’on ouvre de six points, c’est-à-dire d’une ouverture qui répétée six fois, équivaudroit à la circonférence de l’ouverture du tonneau, à l’endroit du jable. Cette opération faite, on arrange les unes auprès des autres les douves destinées à faire le fond, & fixant une des pointes du compas à-peu-près au milieu, on trace un cercle avec l’autre pointe : cette ligne que trace le compas, marque la forme que doivent avoir ces douves : pour lors on les dégrossit avec la serpe, c’est-à-dire on en ôte le bois superflu ; mais comme il faut que les pieces du fond entrent dans le jable de plus d’une ligne, on diminue avec la plane le bord des douves du fond qui doit entrer dans le jable ; dans cet état, on met le fond au tonneau, en commençant par une des plus petites douves, & continuant de suite jusqu’à la derniere ; ensuite pour unir & arranger bien ces douves les unes auprès des autres, on frappe dessus avec l’utinet : cela fait, on acheve de garnir le tonneau de tous les cerceaux qu’il doit avoir. Il faut remarquer par rapport aux cerceaux, le premier qu’on place est le plus proche du bondon : on l’appelle le premier en bouge : ensuite on met le collet & le sous-collet, qui sont les troisieme & quatrieme cerceaux, à compter depuis le peigne en allant vers le bondon : après cela on met les cerceaux intermédiaires entre les collets & le premier en bouge : on place après cela le sommier immédiatement sur le jable, & on finit par celui qui est sur le peigne, qui se nomme le talus. Dans cet état, le tonneau est parfait, & il ne s’agit plus que d’y appliquer la barre en-travers des douves des fonds : pour cet effet on perce avec le barroir des trous pour placer les chevilles qui doivent retenir la barre : on pose la barre & on enfonce par-dessus, avec un maillet, des chevilles de bois dans les trous.

Outre les futailles, tonneaux, muids, quarteaux, barrils, & autres pieces de tonnellerie à deux fonds, les tonneliers fabriquent aussi des cuves, cuviers, tinettes, bacquets, &c. qui n’ont qu’un fond ; mais comme la fabrique en est à-peu-près la même, nous ne détaillerons pas ici la maniere de construire ces différentes sortes d’ouvrages.

Tonnelier, (Marine.) c’est, sur un vaisseau, celui qui a soin des futailles, qui les rebat, & qui fait les chargemens nécessaires.

Tonnelier, (Verrerie.) c’est une partie du fourneau. Voyez Verrerie.