L’Encyclopédie/1re édition/TOUL

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TOUL, (Géog. mod.) en latin Tullum, ville de France, enclavée dans la Lorraine, capitale du Toulois, sur la Moselle, à 5 lieues au couchant de Nancy, à 12 au sud-ouest de Metz, & à 68 au sud-est de Paris, dans un vallon très-fertile : une chaîne de montagnes & de côteaux couverts de vignes, l’entoure à moitié.

Cette ville composée d’environ cinq mille habitans, a quatre paroisses, deux fauxbourgs, un bailliage, une sénéchaussée, & un gouverneur particulier. Son gouvernement civil est du ressort du parlement de Metz : l’évêché de Toul passe pour fort ancien ; il est suffragant de Treves, & a un diocèse des plus étendus du royaume ; car on y compte 1400 paroisses ; il se qualifie comte de Toul, & prince du saint Empire ; le revenu de son évêché est évalué à environ quarante milles livres de rente. Long. suivant Cassini, 23. 25. 30. latit. 48. 40. 27.

Il est constant que Toul est une ville ancienne : on a une médaille antique où elle est nommée Tullocivitas. Ptolomée l’appelle Tullum, & la donne aux peuples Leuci : elle a toujours conservé le même nom jusqu’à présent, sans prendre celui du peuple, comme ont fait la plûpart des autres villes. Les Leuci étoient Belges, & lorsqu’on partagea la Belgique en deux provinces, ils furent mis sous la premiere & sous la métropole de Treves ; leur territoire étoit de fort grande étendue.

La ville de Toul, comme sa métropole, Treves avec Metz & Verdun, vinrent au pouvoir des François au commencement de leur établissement dans les Gaules ; elle fut toujours sujette aux rois d’Austrasie sous les Mérovingiens & sous les Carlovingiens. Après la mort du roi Raoul, elle fut assujettie du tems de Louis d’Outremer à Othon I. & elle reconnut ses successeurs pour souverains.

Le comte Frédéric n’eut qu’une fille, qui épousa Matthias de Lorraine, dont il n’eut point d’enfans ; la race de ces comtes étant éteinte, les ducs de Lorraine furent investis de l’avouerie de la cité de Toul. Enfin, dans la suite des tems, la souveraineté de la ville & de l’évêché de Toul, a été cédée à la couronne de France par le traité de Westphalie. Louis XIV. maître de cette ville, l’a fortifiée, & en a fait une place réguliere plus grande qu’elle n’étoit auparavant.

Abraham (Nicolas) jésuite savant dans les humanités, naquit à Toul, l’an 1589. Il a publié entre autres ouvrages, 1°. des notes sur la paraphrase de l’évangile de S. Jean, composée en vers grecs par Nomius ; M. Simon cite plusieurs fois ce livre, qui n’est pas indigne d’être connu ; 2°. un commentaire sur quelques oraisons de Cicéron. C’est un ouvrage d’un grand travail ; mais les notes y sont tellement chargées de littérature, que cette profusion rebute les moins paresseux. Ce commentaire fut imprimé à Paris avec les oraisons l’an 1631, en deux tomes in-fol. 3°. un commentaire sur Virgile ; il est beaucoup plus court que celui de Cicéron, & par-là d’un plus grand service dans les écoles.

Picard (Benoît) capucin né à Toul en 1663, & mort en 1721, a beaucoup fait de recherches sur sa patrie. On a de lui, 1°. une histoire ecclésiastique & politique de la ville & du diocèse de Toul ; 2°. un pouillé ecclésiastique & civil du diocèse de Toul ; 3°. une dissertation pour prouver que la ville de Toul est le siége épiscopal des Luquois.

Raulin (Jean) naquit à Toul l’an 1443, devint grand maître du collége de Navarre, & mourut à Paris dans le collége de Cluny, l’an 1514, âgé de 71 ans. C’étoit un des célebres prédicateurs de son siecle ; ses sermons ne le cedent point à ceux de Maillard, de Barlette, & de Menot. J’en vais rapporter quelques traits pour les mieux faire connoître, parce qu’ils sont fort rares.

Dans le sermon IV. du troisieme dimanche de l’Avent : Dicit Deus accipe consilium à me, & salva animam tuam. Medici & Advocati carè vendunt consilia sua, sed non Deus : nam dicit, accipe : non constat nisi accipere : vulgò dicitur bonum forum trahit argentum de bursa ; & sic quilibet debet accipere, & facere illud bonum forum consilii : salva animam tuam, quia unicam habes, nec plus habere poteris, nec perdere nisi velis. Inde communiter soli doctores theologi, qui sunt consiliarii animæ, dicuntur magistri nostri, quia sunt communes omnibus, & nihil constat eorum consilium : sed eorum consilio habito sufficit dicere gratias. Non sic de doctoribus Medicinæ decretorum, quia non sunt nostri, sed oportet eorum consilia emere magno pretio, & implere manus eorum auro vel argento ; aliàs non oporteret reverti secundâ vice.

Dans le sermon quatorzieme de la pénitence : Leo vocavit lupum, vulpem, & asinum ad capitulum, ut confiterentur peccata sua, & eis juxtà delicta pœnitentiam injungeret. Venit lupus ad capitulum, & sic confessus est : ego malè feci quia comedi ovem, quæ ad me non pertinebat, sed hoc habeo ex legitimis juribus patrum meorum, qui ita ex omni ætate usi sunt, ut pater, avus, abavus, & atavus, ita ut nulla sit memoria hominum, quin lupi semper comederint oves. Ad quem leo : an verùm quod ita habet præscriptum ex omni antiquitate, sic comedere oves ? Cui dicenti, quod sic, pro tanto crimine imposuit semel dicere, pater noster.

Supervenit vulpes, & confessa est se malè egisse, quia capones & gallinas comederat non suas, licet ex omni œvo, in possessione fuerit sic comedendi illas. Quæ similiter propter unum pater noster absoluta est.

Supervenit asinus, tria confessus in capitula fecisse peccata. Primùm quia comederat fœnum quod in ripis & dunis ab aliorum quadrigis fortuitò derelictum erat. Cui leo : grande peccatum est, ô asine ! quia aliena comedisti, quæ tui magistri non erant. Secundo confessus est asinus, quia stercoraverat claustrum fratrum. Cui leo : grande peccatum est fœdare terram sanctam. Tertium peccatum vix ab eo potuit extorqueri, quod posteà cum ejulatu & gemitu dixit, quod recederat & cantaverat cum fratribus, & cum eis melodiam fecerat. Respondit leo gravissimum esse peccatum, eò quòd fratres in discordiam miserat. Et sic graviter flagellatus est asinus, propter peccata parva, & dimissa vulpes, & lupus in possessione majorum, cum absolutione.

Non-seulement on a imprimé plusieurs fois les sermons de Raulin séparément ; mais on en a donné une édition complette à Paris en 1642, en 2. vol. in-8°. Tous les ouvrages de ce prédicateur ont été publiés à Anvers l’an 1611 en 6. vol. in-4°. Ses lettres ont paru à Paris en 1620, in-4°. Elles sont mieux écrites que ses sermons, quoique pleines d’allégories & de figures ; cependant elles sont rares, recherchées, & passent pour son meilleur ouvrage.

Vincent de Lérins, religieux du monastere de ce nom, étoit natif de Toul, selon l’opinion la plus commune ; il mourut vers 450. Il s’est fait connoître par un petit ouvrage sur les hérésies, qu’il intitula, Mémorial du pélerin, ou Commonitorium. M. Baluze en a donné la meilleure édition avec des notes. (Le chevalier de Jaucourt.)