L’Encyclopédie/1re édition/TRADITEURS
TRADITEURS, (Théologie.) est le nom que l’on donna dans les premiers siecles de l’Eglise aux chrétiens qui, dans le tems de la persécution, livrerent aux païens les Ecritures-saintes, pour éviter la mort & le martyre. Ce nom est formé du latin traditor, celui qui livre ou abandonne à un autre la chose dont il est dépositaire ; & nos meilleurs auteurs ecclésiastiques françois l’ont rendu par traditeurs, qui n’a que la signification qu’on vient de lui donner, laquelle est fort différente de l’idée que nous attachons au mot traître.
Les ennemis de la religion firent les derniers efforts, même sous la loi ancienne, pour priver les hommes des saintes Ecritures. Dans la cruelle persécution excitée contre les Juifs par Antiochus, les livres de la loi furent recherchés, déchirés & brûlés avec des soins extrèmes ; & ceux qui manquerent à les livrer, furent mis à mort, comme nous lisons dans le premier livre des Macchabées, chap. j. vers. 56. 57.
Dioclétien renouvella la même impiété par un édit publié la dix neuvieme année de son empire, & portant que tous les livres sacrés fussent apportés aux magistrats pour être consumés par le feu.
Un grand nombre de chrétiens foibles, & même quelques évêques succombant à la frayeur des tourmens, livrerent les saintes Ecritures aux persécuteurs ; & l’Eglise détestant cette lâcheté, porta contre eux des lois très-séveres, & les flétrit du nom infame de traditeurs.
Comme le prétexte principal du schisme de donatistes étoit que les Catholiques toléroient les traditeurs, il fut arrêté au concile d’Arles tenu en 314, que tous ceux qui se trouveroient coupables d’avoir livré aux persécuteurs quelque livre ou vase sacré, seroient déposés & dégradés de leurs ordres & caracteres, pourvu qu’ils en fussent convaincus par des actes publics, & non par de simples paroles.