L’Encyclopédie/1re édition/TURDÉTAINS les

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TURDÉTAINS les, (Géogr. anc.) Turdetani, peuples d’Espagne. Leur pays, selon Strabon, l. III. p. 139. s’appelloit Bétique, du nom du fleuve Bétis qui l’arrosoit, & on le nommoit aussi Turdetanie, du nom des peuples qui l’habitoient. Strabon dit encore que les habitans s’appelloient Turdetani & Turduli, dont quelques uns ne faisoient qu’un seul peuple ; mais que d’autres distinguoient les Turdetani des Turduli, & que Polybe entre autres mettoit les Turdetani au nord des Turduli. Du tems de Strabon les Turdétains & les Turdules, étoient regardés comme le même peuple, & il ne paroissoit aucune distinction entre eux.

Les Turdétains étoient regardés pour être les plus savans & les plus éclairés d’entre les Espagnols ; ils avoient dans leur langue d’anciennes histoires & des lois écrites en vers ; aussi passoient-ils pour les plus polis de toute la contrée, à cause du commerce qu’ils avoient avec les étrangers, & particulierement avec les Phéniciens. Ceux-ci, lorsqu’il y aborderent la premiere fois, trouverent l’argent si commun parmi les Turdétains, que tous les ustensiles de ce peuple étoient de ce métal Les Phéniciens leur donnerent de petites bagatelles de clinquaillerie contre leurs métaux, & ils faisoient dans cet échange un gain prodigieux.

On dit que cette abondance d’argent si surprenante de la Bétique, venoit d’un embrasement des Pyrénées, arrivé un peu avant que les Phéniciens connussent l’Espagne. Des bergers avoient mis le feu à une forêt des montagnes, qui s’étoit répandu partout avec une si grande force, qu’il avoit consumé les arbres jusqu’à la racine, & fondu les minieres qui étoient cachées dans la terre.

On croit que les Phéniciens ayant fait alliance avec les Hébreux, du tems d’Hiram, roi de Tyr, ami de David & de Salomon, leur découvrirent les richesses de l’Espagne, & que dans la suite les rois d’Israël & de Juda y envoyoient de tems-en-tems des flottes. L’Ecriture appelle ce pays Tharcis, du nom de l’une de ses principales villes qui étoit près de la mer & entre les deux bras du Bœtis, ou du Guadalquivir. C’est là où se faisoit le plus grand commerce.

Les Turdétains, dit Strabon, l. III. c. cxxxix. & suiv. étoient civilisés, & quand ils furent sous l’obéissance des Romains, ils prirent les mœurs de leurs vainqueurs, & oublierent leur propre langage, tant ils aimerent celui des Romains. Leur province surpassoit les autres, non-seulement en richesses, mais en honnêteté. On portoit de leur pays dans le reste de l’Espagne, quantité de froment, de vin & d’huile, des pois, du miel, de la cire, du safran, & même on emportoit de-là à Rome une grande quantité de vermillon & de laines très-fines. (D. J.)