L’Encyclopédie/1re édition/TYANE

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TYANE, (Géog. anc.) Tyana, ville de la Cappadoce, dans la préfecture tyanitide, selon Ptolomée, l. V. c. vj. Strabon, l. XII. p. 537, en fait la seule ville de cette préfecture. Pline, l. VI. c. iij. & Arrien, I. Peripl. connoissent aussi cette ville. Ce dernier dit qu’on la nommoit Thyana pour Thoana, nom qui lui avoit été donné par Thoas, roi de Chersonnèse taurique.

Cette ville est principalement connue pour avoir donné la naissance à Apollonius, surnommé par cette raison, de Tyane, l’un des hommes du monde dont on a dit les choses les plus étranges ; & en effet il mena une vie fort extraordinaire. Il naquit vers le commencement du premier siecle, & dès l’âge de seize ans il se montra un observateur rigide de la regle de Pythagore, renonçant au vin, aux femmes, ne portant point de souliers, laissant croître ses cheveux, & ne s’habillant que de toile. Il fit élection de domicile dans un temple d’Esculape, où bien des malades alloient lui demander leur guérison. Il passa cinq ans sans parler, & ensuite après avoir donné une partie de son bien à un frere aîné & à des parens pauvres, il se mit à voyager presque dans toutes les parties du monde, condamnant dans sa route le luxe & les plaisirs, & recommandant les œuvres de charité.

Il avoit coutume de dire qu’il étoit convenable de bien parler de tous les dieux quels qu’ils fussent, & il répétoit cette maxime principalement à Athènes, où plusieurs autels étoient dédiés à des dieux même inconnus. S’étant présenté à Eleusis pour être initié dans les mysteres, l’hyérophante le refusa d’abord, sous prétexte qu’il étoit magicien, & qu’il se vantoit de connoître les pensées des hommes. Vaincu néanmoins par le mécontentement général que son refus excitoit, il offrit de l’initier. Je le serai, lui répondit Apollonius, mais ce sera par un autre que vous : ce qui arriva, selon Philostrate, au bout de quatre ans. Il mourut fort âgé, sans qu’on ait pu savoir ni où ni de quelle maniere.

Sa vie a été amplement décrite par Philostrate ; l’édition que Morel en a donnée, est recherchée ; Vigenere en a fait une traduction françoise. Quoique cette vie contienne mille choses fabuleuses, on ne peut nier qu’Apollonius n’ait reçu de très-grands honneurs, & que sa réputation n’ait duré autant que le paganisme. Titus eut grande envie de s’entretenir avec ce philosophe ; car ayant pris Jérusalem l’an de Rome 823, & la 70e. année de l’ere chrétienne, il passa en Grece, & donna rendez-vous dans Argos à Apollonius de Tyane. Ses compatriotes lui bâtirent un temple après sa mort. Antonin Caracalla lui rendit le même honneur. Enfin Aurélien résolu de saccager Tyane, ne le fit pas, à cause qu’Apollonius lui apparut, & lui défendit de causer le moindre dommage à sa patrie. L’empereur non content d’obéir à cet ordre d’Apollonius, dit Vopiscus, lui voua une image, un temple & des statues. (Le chevalier de Jaucourt.)