L’Encyclopédie/1re édition/VENDICATIONS la cour des

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VENDICATIONS la cour des, (Hist. d’Ang.) la cour des vendications ou prétentions, est un tribunal particulier qui n’a lieu qu’une seule fois sous chaque regne à l’occasion du couronnement. Les prétentions des personnes qui doivent faire alors quelque service, se fondent sur une ancienne possession, & sont portées à ce tribunal particulier, pour y être fait droit ; on a soin de tenir un registre des décisions de cette cour à chaque regne, qu’on nomme registre de la cour des vendications, au couronnement de tel & tel roi. Cette cour n’est au fond qu’une pure formalité ; les décisions en sont toujours à-peu-près les mêmes.

On peut voir à ce sujet, dans l’histoire d’Angleterre de Rapin, un extrait détaillé des registres de la cour des vendications, au couronnement du roi Jacques II. & de la reine Marie son épouse. En voici quelques articles pour exemple.

I. Le lord grand chambellan vendica, c’est-à-dire réclama, au susdit couronnement, le droit d’aller porter ce jour-là la chemise & les habits au roi, & d’habiller sa majesté ; d’avoir quarante verges de velours cramoisi pour une robe, comme aussi le lit du roi & ce qui en dépend ; la garniture de la chambre où il avoit couché la nuit précédente, avec les habits qu’il portoit la veille, & sa robe de chambre ; de présenter de l’eau à sa majesté avant & après dîner, & d’avoir les bassins, les essuiemains, & la coupe d’essai. Accordé, à la reserve de la coupe d’essai. Il reçut les quarante verges de velours, & le reste des profits fut estimé à deux cens livres sterlings.

II. Le comte de Derby contre-vendiqua l’officier du lord grand-chambellan, avec les avantages, &c. Refusé.

III. Le champion du roi vendiqua son office, en qualité de seigneur de Scrivilsbi, fief du comté de Lincoln, de s’acquitter des devoirs de sa charge, & d’avoir une coupe & le couvert d’or, avec le cheval que monte sa majesté, la selle, les armes, les harnois, & vingt verges de satin cramoisi. Accordé, à la reserve du satin.

IV. Le même office fut contre-vendiqué par une autre branche de le même famille. Refusé.

V. Le lord feudataire de Lyston, en Essex, vendiqua le droit de faire des gaufres pour le roi & pour la reine, & de leur servir à table ; d’avoir tous les instrumens d’argent & d’autres métaux qui servoient à cet usage, avec le linge, & des livrées pour lui & pour deux valets. Accordé ; mais le service se fit, avec son agrément, par les officiers du roi, & les profits furent évalués à 30 livres sterlings.

VI. Le lord maire avec les citoyens de Londres ; vendiqua le droit de servir du vin au roi après le dîner, dans une coupe d’or, & de garder la coupe & le couvercle pour sa peine ; avec douze autres citoyens qu’ils avoient choisis d’entr’eux, d’assister le grand sommelier d’Angleterre dans son office, & d’avoir une table à main gauche de la salle. Refusé, sous le regne du roi Jacques, parce que ce prince s’étoit emparé alors des libertés de la cité. Malgré cela ils firent l’office par grace ; ils dînerent dans la salle, & ils eurent la coupe pour leur peine.

VII. Le même lord maire & les citoyens de Londres vendiquerent le droit de servir la reine de la même maniere. Refusé dans ce tems-là par la même raison.

VIII. Le maire & les bourgeois d’Oxford, vendiquerent en vertu d’une patente, le droit de servir le roi dans l’office de sommelerie, conjointement avec les citoyens de Londres, avec tous les profits qui en dépendent ; entr’autres trois coupes d’érable pour leur salaire ; comme aussi, par la grace du roi, une grande jatte dorée avec son couvercle. Accordé.

IX. Le seigneur feudataire de Bardol d’Addington, en Surrey, vendiqua le privilege de trouver un homme qui fît un mets de gruau dans la cuisine du roi, & pour cela demanda que le chef de cuisine de sa majesté en fît l’office. Accordé, & le susdit seigneur feudataire l’apporta sur la table du roi, &c.

La cour des vendications s’établit par proclamation avant chaque couronnement, décide les différentes prétentions, & fait insérer dans les registres les vendications qu’elle a accordées ou refusées. (D. J.)