L’Encyclopédie/1re édition/VESCE ou VESSE

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VESCE ou VESSE, s. f. (Hist. nat. Bot.) vicia ; genre de plante à fleur papilionacée : le pistil sort du calice, & devient dans la suite une silique qui renferme des semences arrondies ou anguleuses. Ajoutez aux caracteres de ce genre que les feuilles naissent par paires sur une côte, & qu’elles sont terminées par une main. Tournefort, inst. rei herb. Voyez Plante.

De trente especes de vesce que compte Tournefort sous ce genre de plante, nous dirons un mot de la noire & de la blanche.

La vesce noire, vicia sativa vulgaris, semine nigro, I. R. H. 396, a la racine déliée, fibreuse, annuelle : elle pousse plusieurs tiges à la hauteur d’environ deux piés, cannelées, velues, creuses, ses feuilles sont oblongues, étroites, plus larges par le bout, cotonneuses, attachées au nombre de dix ou douze, par paire, sur une côte que termine une main avec laquelle elle s’accroche aux plantes voisines. Ses fleurs sont légumineuses, purpurines ou bleuâtres, soutenues par un cornet dentelé. Quand ces fleurs sont passées, il leur succede des gousses velues, applaties, composées de deux cosses, remplies de semences presque rondes & noires, d’un goût désagréable. Cette plante se seme dans les champs, soit séparément, soit mêlée avec les pois & l’avoine pour la nourriture des chevaux, & autres bêtes de charge, surtout dans la disette de foin.

La vesce blanche, vicia sativa, alba, I. R. H. 397, est caractérisée par Linnæus, sous le nom de vicia leguminibus erectis, petiolis polyphillis, foliolis acumine emarginatis, stipulis dentatis, Hort. Cliffort. Ses feuilles varient beaucoup, les unes étant en cœur, & les autres longues & étroites. Sa fleur est simple ou double, mêlée de taches purpurines, portée sur un court pédicule. Ses gousses different aussi de celles de la vesce ordinaire ; elles sont remplies de semences, quelquefois au nombre de neuf, toutes blanches, ou un peu purpurines, ou bigarrées, ou d’un verd pâle, approchantes par leur figure, leur grosseur, & leur couleur des pois verds. On cultive cette plante dans les champs, comme la précédente ; on en a fait du pain en tems de famine, mais c’est un pain de difficile digestion. Elle sert de nourriture ordinaire aux pigeons. (D. J.)

Vesce, (Agricult.) le fourrage de la vesce est une des bonnes nourritures qu’on puisse donner aux chevaux, bœufs, vaches & moutons, soit en verd, ou fané & gardé pour l’hiver. Il les engraisse, & procure beaucoup de lait aux vaches.

La vesce vient aisément dans toutes sortes de terres, où l’on peut ensuite mettre des pois & autres légumes, quand la vesce est dépouillée ; mais il ne faut pas la semer auprès de la vigne, verger, ou plan que l’on veuille conserver, parce que la vesce attire à soi toute la nourriture des plantes voisines, quoiqu’elle engraisse plutôt un fonds que de l’user. On en met environ six boisseaux pour ensemencer un arpent de terre, & on doit l’avoir façonné, comme pour l’orge.

Elle vient en grande abondance dans les terres grasses & meubles ; mais on ne s’avise guere d’en mettre dans les meilleures terres. Il faut observer que le froid, la rosée & l’humidité sont très-contraires à ce grain, & le font pourrir bien vîte ; c’est pourquoi on ne doit le semer que tard, par un beau tems, & deux ou trois heures après le lever du soleil ; il n’en faut semer qu’autant qu’on en peut couvrir le même jour avec la herse. Quand elle est semée dans un fonds bien façonné, elle vient sans soins, & ne veut point être sarclée.

Il y a des années si seches, que quoique la vesce soit bien levée, cependant elle ne pousse plus à cause de la sécheresse. Pour qu’elle fasse sa production, il lui faut de l’eau tous les dix jours, principalement quand elle est dans une terre sablonneuse ; & dans ces cas, on ne recueille que le tiers ou la moitié de la semaille. Ainsi la prudence exige qu’on en garde pour trois ans. Elle est aussi bonne à semer au bout de ce terme que la premiere année, pourvu qu’on ait eu soin de la remuer de tems à autre.

Il y en a qui sement de l’avoine parmi la vesce ; en ce cas, il faut les mettre à égale mesure, & les bien mêler. La vesce en monte plus haut, & dès le 15 Mai on fauche ce grain mêlangé ; pour le donner aux chevaux & aux bestiaux.

Dans les pays plus chauds que le nôtre, comme en Languedoc, en Provence, en Italie, on fait par an deux recoltes de vesce, & on la seme à deux tems différens. Le premier est en Septembre, & c’est seulement pour avoir du fourrage : on met sept boisseaux de vesce par arpent. La deuxieme semaille se fait au commencement de Février ; on ne met que six boisseaux par arpent, & c’est pour avoir de la graine. Ces deux semailles se sont assez souvent en terre qui n’a point eu ses labours, c’est-à-dire, qu’on se contente seulement d’ouvrir la terre avec le soc, d’y jetter la semence, & de la couvrir avec la herse ; mais c’est une mauvaise méthode, car il ne faut jamais épargner un premier labour.

Ceux qui ne font point deux semailles de vesce par an, l’une pour avoir du fourrage, l’autre pour en avoir le grain, recueillent en verd une partie de leur vesce pour la nourriture de leurs bestiaux, & ils laissent le reste mûrir en pié sur le champ, pour se procurer de la graine. (D. J.)

Vesce noire & Vesce blanche, (Matiere méd. & Diete.) la farine des semences de ces deux plantes s’emploie quelquefois dans les cataplasmes avec les autres farines résolutives, ou en leur place, & principalement au-lieu de la semence d’ers. Voyez Ers & Farines résolutives

La graine de cette plante, qui est légumineuse, n’a aucune qualité malfaisante qui pût empêcher d’en user comme aliment dans les cas d’extrème disette ; mais il ne faudroit pas penser à en faire du pain, comme il est rapporté que les paysans en firent dans quelques provinces en 1709 : en général les semences légumineuses ne donnent pas une farine propre à être réduite sur cette forme. Voyez Pain. Il faudroit tâcher de ramollir celle-ci par une longue cuite dans l’eau, & la réduire ensuite en purée, ou du-moins l’écraser grossierement ; on pourroit encore la moudre, & en faire des bouillies avec la farine. (b)

Vesce sauvage, (Botan.) nom vulgaire de l’espece de gesse nommée par Tournefort, lathyrus repens, tuberosus. Voyez Gesse. (D. J.)

Vesce-de-loup, s. f. (Hist. nat. Bot.) lycoperdon ; genre de plante qui approche beaucoup de celui du champignon. Il y a des especes de vesce de loup qui sont dures & charnues, & qui étant rompues répandent une poussiere très-fine. Tournefort, I. R. H. Voyez Plante.

C’est une sorte de champignon nommé par Tournefort lycoperdon vulgare, I. R. H. 563. & fungus rotundus, orbicularis, par C. B.P. 374.

C’est une espece de champignon, un peu arrondi, environ de la grosseur d’une noix, membraneux, & dont le pédicule n’est presque point apparent. Quand il est jaune, il est couvert d’une peau blanchâtre & cendrée, comme composée de plusieurs grains, renfermant d’abord une pulpe molle, blanche ou verdâtre ; moëlleuse dans la suite, délicate, fine, spongieuse, livide, & comme enfumée. Cette pulpe en se corrompant, se change en une fine poussiere, seche, fétide & astringente : quand alors on la presse légérement avec le pié, elle pete, & jette en maniere de fumée une odeur très-puante.

Il y a une autre espece de vesce-de-loup qui devient grosse comme la tête, qui est enveloppée d’une membrane assez ferme, de couleur blanche, cendrés d’abord, livide avec le tems, d’une substance flexible & délicate. Quand cette vesce-de-loup est seche, elle est si légere qu’elle ne pese pas plus d’une once. Elle s’appelle lycoperdum alpinum, maximum, certice lacero, I. R. H. 563 ; fungus maximus, rotundus, pulverulentus, I. B. B. 848. Cette derniere espece croît dans les Alpes, en Allemagne & en d’autres lieux. (D. J.)

Vesce de loup, (Scienc. microsc.) la poussiere ou semence de vesce de-loup étant écrasée, paroît à la vûe simple comme une fumée ou vapeur ; mais lorsqu’on l’examine avec une des plus fortes lentilles (car autrement on ne peut pas la distinguer), elle semble être un nombre infini de petites globules d’une couleur orangée, un peu transparens, & dont le diametre n’est pas au-dessus de la cinquantieme partie du diametre d’un cheveu ; en sorte que le cube de la largeur d’un cheveu seroit égal à cent vingt-cinq mille de ces globules. Dans d’autres especes de vescesde-loup les globules de poussiere sont d’une couleur plus obscure, & ont chacun une petite tige ou queue pour pénétrer aisément dans la terre. Voyez les Transact. philosoph. n°. 284.

Il est encore probable que le mal qu’elles font aux yeux, vient de ces tiges pointues, qui piquent & blessent la cornée.

Muys rapporte qu’un enfant malicieux ayant fait crever une vesce-de-loup auprès des yeux de son camarade, la poussiere qui en sortit lui occasionna une si grande enflûre & inflammation, avec des douleurs très-vives & une grande décharge de larmes, qu’il ne put pas les ouvrir de plusieurs jours, quoiqu’on lui eût appliqué tous les remedes convenables. (D. J.)

Vesce-de-loup, (Médecine.) espece de champignon généralement reconnue pour malfaisante, & dont on ne fait par conséquent aucun usage à l’intérieur, ni à titre d’aliment, ni à titre de remede.

La vesce-de-loup est dangereuse aussi à l’extérieur ; car si on la manie imprudemment, en sorte que sa poussiere, ou sa substance séchée & réduite en poudre, puisse atteindre les yeux, elle produit des ophthalmies très-graves.

La vesce-de-loup est comptée parmi les remedes stiptiques les plus puissans. En Allemagne tous les chirurgiens en gardent après en avoir ôté la poussiere ; ils les font dessécher, & ils les réduisent en poudre qu’ils emploient pour arrêter le sang, & pour dessécher les ulceres. Ce remede n’est point usité chez nous. (b)