L’Encyclopédie/1re édition/VEZELAY

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VEZELAY, (Géog. mod.) en latin du bas-âge Verziliacum, Vizeliacum, Viceliacum, &c. petite ville de France, dans le Morvan, sur la croupe d’une montagne, aux confins du Nivernois & de l’Auxerrois, & près de la riviere de Cure. Elle est à 4 lieues au couchant d’Avalon, à 5 au nord de Corbigny, & à 10 au sud-est d’Auxerre, dans le diocèse d’Autun.

Vezelay doit ses commencemens à une abbaye fondée au ix. siecle sous Charles le Chauve, & sécularisée en 1538 sous le regne de François I. L’abbé est seigneur de la ville, & la justice ordinaire s’y rend en son nom. Il y a dans cette place bailliage, élection, grenier à sel, maréchaussée, & les cordeliers y ont un couvent. Long. 21. 25. latit. 47. 29.

« C’est à Vezelay que fut dressé un échaffaut dans la place publique l’an 1146 pour y prêcher la seconde croisade. Saint Bernard, fondateur de Clervaux, fut l’organe de ce nouveau dépeuplement. Il parut dans cette place publique de Vezelay à côté de Louis le Jeune, roi de France. Il parla d’abord, & le roi parla ensuite. Tout ce qui étoit présent prit la croix. Louis la prit le premier des mains du fondateur de Clervaux, qui étoit alors l’oracle de la France & de l’Europe ».

C’est encore à Vezelay qu’est né en 1519, d’une très-bonne famille de pere & de mere, le célebre Théodore de Beze. Il étudia à Orléans sous Wolmar, qui lui inspira ses sentimens de religion. Il vint l’an 1539 à Paris, où l’attendoit une riche succession qui combattit pendant quelque tems le projet qu’il avoit formé de se retirer dans les pays étrangers. Les plaisirs de Paris & les honneurs qu’on lui présentoit n’étoufferent point cette résolution. Il se rendit à Lausanne où il professa le grec, & donna des leçons sur le nouveau Testament pendant neuf ou dix ans. Il s’établit à Geneve l’an 1559, & devint collegue de Calvin dans l’église & dans l’académie.

On sait qu’il assista au colloque de Poissy, & Catherine de Médicis voulut qu’après la clôture de ce colloque, Beze étant françois, restât dans sa patrie. Il prêcha souvent chez la reine de Navarre & chez le prince de Condé. Il se trouva même comme ministre à la bataille de Dreux. Il fit ensuite sa cour à l’amiral de Coligni, & ne retourna à Genève qu’après la paix de 1563. Il assista au synode de la Rochelle en 1571. Le prince de Condé le fit venir auprès de lui à Strasbourg l’an 1574, pour négocier avec le prince Casimir, ce qui montre que Beze savoit faire autre chose que des leçons & des livres.

Les incommodités de la vieillesse commencerent à l’attaquer l’an 1597 ; cependant cette même année il fit des vers pleins de feu contre les jésuites qui avoient répandu le bruit de sa mort dans la religion romaine ; mais ses derniers vers furent une votiva gratulatio à Henri IV. après l’accueil qu’il en reçut auprès de Genève au mois de Décembre 1600. Il ne mourut qu’en 1605, âgé de 86 ans.

C’étoit un homme d’un mérite extraordinaire, & qui rendit de très-grands services à son parti. Sixte V. tint deux conférences, pour délibérer des moyens d’ôter aux protestans l’appui & le soutien qu’ils avoient en la personne de Beze. Il est glorieux pour ce ministre de le représenter comme un homme qui troubloit le repos du pape.

Ses poésies intitulées juvenilia, quoiqu’imprimées à Paris l’an 1548, avec privilege du parlement, donnerent lieu à de grandes calomnies contre l’auteur. Elles consistent en silves, en élégies, en épitaphes, en tableaux (icones) & en épigrammes. On ne peut nier que ces poésies ne contiennent des vers trop libres, & peu conformes à la chasteté des muses chrétiennes ; mais c’est un écart de la jeunesse de Beze, dont il demanda pardon à Dieu & au public. Il travailla à les supprimer autant que ses ennemis travaillerent à les faire vivre ; & quand il consentit, à l’âge de 78 ans, que l’on en fît une nouvelle édition, ce fut pour empêcher qu’on n’y insérât les vers qui pouvoient causer le moindre scandale. S’il avoit eû la sagesse de retracter également son traité de hæreticis a magistratu puniendis, il eût servi utilement à la cause générale, en annoblissant son caractere de ministre de l’évangile. (Le chev. de Jaucourt.).