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L’Encyclopédie/1re édition/VIENNE

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VIENNE, métal de, (Métallurgie.) c’est une composition ou un alliage métallique qui se fait à Vienne en Autriche, & qui ressemble assez à de l’argent. Cet alliage se fait avec du fer, de l’étain, de l’arsenic, & un peu de laiton ou de cuivre jaune.

Vienne, (Géog. mod.) ville d’Allemagne, capitale de l’Autriche, sur la droite du Danube, au confluent de la petite riviere de Vienne dont elle prend le nom, à 8 lieues au couchant de Presbourg, à 210 au sud-ouest d’Amsterdam, à 260 lieues au nord-ouest de Constantinople, à 408 au nord-est de Madrid, & à 270 au sud-est de Paris.

Cette ville située à six milles des frontieres de Hongrie, a été connue autrefois sous les noms d’Ala-Flaviana, Castra-Flaviana, Juliobona, Vindobona, & ensuite Vindum. Elle peut en quelque façon être regardée comme la capitale de l’Allemagne, car elle est depuis long tems la résidence ordinaire des empereurs ; cependant elle n’en est pas plus belle ; toute environnée de murailles, de bastions, & de fossés, elle n’a point l’agrément de ces villes dont les avenues charment par la variété des jardins, des maisons de plaisance, & des autres ornemens extérieurs qui sont les fruits d’une heureuse situation, que la sécurité de la paix porte avec soi. On ne connoît dans Vienne qu’un petit nombre de beaux hôtels ; ceux du prince Eugene, de Lichtenstein, & de Caprara. Le palais impérial est un des plus communs, & rien n’y représente la majesté du maître qui l’habite ; il n’a pour tout jardin qu’un petit enclos sous les fenêtres du sallon de l’impératrice, où l’on plante quelques fleurs, & où on tient un peu de verdure ; les appartemens en sont bas & étroits, les platfonds couverts de toiles peintes, & les planchers d’ais de sapin ; enfin le tout est aussi simple que s’il avoit été bâti pour de pauvres moines. Les fauxbourgs ont plus d’apparence que la ville, parce que depuis le dernier siege par les Turcs, ils ont été rebâtis tout à neuf.

Vienne n’a point de ces grandes rues, qui font la beauté d’une ville ; la rue même qui aboutit à la cour, n’est ni plus grande, ni plus large que les autres ; la seule place du marché neuf est passable, à cause des bâtimens nouveaux ou renouvellés qui l’environnent. L’église métropolitaine est d’une architecture gothique, décorée en-dehors & en-dedans d’ornemens arabesques de pierre. En échange la nouvelle église des jésuites est d’un beau dessein. Les autres moines religieux, les dominicains, les augustins, les bénédictins, & les cordeliers, ont aussi des églises dans la ville, mais elles n’ont rien de remarquable.

L’archevêché de Vienne a été érigé en 1721 ; l’université fut fondée en 1365, par Albert III. archiduc d’Autriche ; mais l’édifice particulier des écoles est misérable, & d’ailleurs ce sont les jésuites qui occupent presque toutes les chaires.

Les habitans de Vienne sont un mélange de plusieurs nations, Italiens, Allemands, Bohémiens, Hongrois, François, Lorrains, Flamands, qui joints aux juifs, font le négoce, & travaillent à différens métiers. L’air est assez mal-sain dans cette ville, ce qui peut provenir en partie de la malproprété des rues qu’on ne nettoie point, & de la quantité de boues & d’ordures que la police ne fait point enlever. Long. suivant Cassini, 33. 23. latit. 48. 14. & suivant Harris, long. 34. 21. 30. latit. 48. 14.

Vienne n’oubliera pas sitôt le siege mémorable qu’elle essuya en 1683. En voici l’histoire abregée d’après M. l’abbé Coyer. Ce siege fut entrepris par Kara Mustapha, général des forces ottomanes. Toujours aimé de la sultane Validé, après avoir aussi gagné le cœur de Mahomet IV. il avoit épousé sa fille. Jamais l’ambition & l’orgueil, deux passions qui dévoroient Kara Mustapha, ne trouverent un champ plus vaste pour être assouvies. Il ne se proposoit pas moins, après s’être rendu maître de Vienne, que de poursuivre la conquête de l’occident, ayant sous ses ordres plus de trois cens mille hommes, trente & un bachas, cinq souverains, & trois cens pieces de canon.

Il s’avance par la rive droite du Danube, passe la Save & la Drave, fait mine d’en vouloir à Raab, tandis qu’il détache cinquante mille tartares sur la route de Vienne. Le duc de Lorraine Charles V. dont le nom doit être cité parmi ceux des grands capitaines, & qui commandoit les troupes impériales, essuie un échec à Pétronel, & à peine a-t-il le tems de gagner Vienne, où il jette une partie de son infanterie pour renforcer la garnison. Il prend poste dans l’île de Léopolstat, formée par le Danube au nord de la ville. Les tartares au nombre de cinquante mille, arrivoient en même tems du côté du midi.

On vit alors un de ces spectacles qui sont faits pour instruire les souverains & attendrir les peuples, lors même que les souverains n’ont pas mérité leur tendresse. Léopold, le plus puissant empereur depuis Charles-quint, fuyant de sa capitale avec l’impératrice sa belle-mere, l’impératrice sa femme, les archiducs, les archiduchesses, une moitié des habitans suivant la cour en désordre. La campagne n’offroit que des fugitifs, des équipages, des chariots chargés de meubles jusqu’à Lintz, capitale de la haute Autriche.

Cette ville où l’on portoit la frayeur, ne parut pas encore un asyle assuré ; il fallut se sauver à Passaw : on coucha la premiere nuit dans un bois où l’impératrice, dans une grossesse avancée, apprit qu’on pouvoit reposer sur de la paille à cause de la terreur. Dans les horreurs de cette nuit on appercevoit la flamme qui consumoit la basse-Hongrie, & s’avançoit vers l’Autriche.

L’empereur, dès les premiers excès de cette irruption, payoit bien cher ses violences contre la Hongrie, & le sang de ses seigneurs qu’il avoit répandu. Il n’avoit pu se persuader que Kara Mustapha laissant derriere lui plusieurs bonnes places, telles que Raab & Comore, se portât sur Vienne : Jean Sobieski mieux instruit, comme le sont toujours les princes qui font la guerre par eux-mêmes, l’en avoit inutilement averti.

Vienne étoit devenue sous dix empereurs consécutifs de la maison d’Autriche, la capitale de l’empire romain en occident ; mais bien différente de l’ancienne Rome pour la grandeur en tout genre, & pour le nombre des citoyens, elle n’en comptoit que cent mille, dont les deux tiers habitoient des fauxbourgs sans défense. Soliman avoit été le premier des empereurs turcs qu’on eut vu marcher à Vienne, en 1529, faisant trembler à-la-fois l’Europe & l’Asie ; mais il n’osa se commettre contre Charle-quint qui venoit au secours avec une armée de quatre-vingt mille hommes. Kara Mustapha qui ne voyoit qu’une poignée d’ennemis, se flattoit d’être plus heureux, & il commença sans crainte le siege de cette ville. Les Allemands sont braves sans doute, mais ils ne se sont jamais présentés aux portes de Constantinople, comme les Turcs à celles de Vienne.

Le comte de Staremberg, homme de tête & d’expérience, gouverneur de la ville, avoit mis le feu aux fauxbourgs : cruelle nécessité, quand il faut brûler les maisons des citoyens qu’on veut défendre ! Il n’avoit qu’une garnison de seize mille hommes. On arma les étudians, & ils eurent un médecin pour major.

Cependant le siege se poussoit avec vigueur. L’ennemi s’empara de la contrescarpe après vingt-trois jours de combat ; l’espérance de tenir encore longtems diminua. Les mines des Turcs, leurs attaques continuelles, la garnison qui se détruisoit, les vivres qui s’épuisoient, tout donnoit la plus vive inquiétude. On s’occupoit sans cesse à éteindre le feu que les bombes & les boulets rouges portoient dans la ville, tandis que les dehors tomboient en éclats.

Dans cette conjoncture désesperée Sobieski arrive avec son armée à cinq lieues au-dessus de Vienne. L’électeur de Baviere âgé de dix-huit ans, amenoit douze mille hommes. L’électeur de Saxe en conduisoit dix mille. Toute l’armée chrétienne composoit environ soixante & quatorze mille hommes ; Sobieski délivra l’ordre de bataille, & après avoir examiné les dispositions de Kara Mustapha, il dit aux généraux allemands : « cet homme est mal campé, c’est un ignorant dans le métier de la guerre ; nous le battrons certainement ». Il prophétisa juste ; la plaine qu’occupoient les Turcs, devint le théatre d’un triomphe que la postérité aura peine à croire. Le butin fut immense ; les Allemands & les Polonois s’enrichirent. On retourna contre les janissaires qui étoient restés dans les travaux du siege ; on ne les trouva plus, & Vienne fut libre.

Cette ville au reste n’est pas la ville d’Allemagne la plus féconde en hommes de lettres, & il ne seroit pas difficile d’en découvrir la raison. Cette ville a seulement produit quelques historiographes, & c’est à-peu-près tout.

Je mets Gualdo (Galéasso) au nombre des historiens originaires de Vienne. Il a décrit en seize livres les guerres des empereurs d’Allemagne, depuis 1630 jusqu’en 1640. Cet ouvrage parut à Boulogne en 1641, à Genève en 1643, & à Venise en 1644 ; mais depuis ce tems-là il est tombé dans l’oubli.

Inchofer (Melchior) né à Vienne l’an 1584, entra dans la société des jésuites en 1607, & mourut en 1648. Il a donné un volume des annales ecclésiastiques du royaume d’Hongrie, & publia en 1630 un livre dans lequel il soutint que la lettre de la bienheureuse vierge Marie au peuple de Messine est très authentique. On lui attribue un mémoire sur la réformation de son ordre. On le croit aussi généralement auteur d’un livre contre le gouvernement des jésuites, intitulé Monarchia solypsoram. Ce livre a été publié en Hollande en 1648 avec une clé des noms déguisés. On en a une traduction françoise imprimée en 1722 avec des notes & quelques pieces sur le même sujet. Ses autres ouvrages ont fait moins de rumeur. On trouve en général assez d’érudition dans ses écrits, mais beaucoup de crédulité, peu de choix & de critique.

L’empereur Léopold est mort à Vienne en 1705. « Ce prince né vertueux étoit sans talens ; l’ambition qui régla toutes ses démarches, étoit plutôt une passion du conseil de Vienne, qu’une passion qui lui fût propre. L’empereur son fils hérita de ses ministres, comme de ses domaines & de ses dignités ; & son conseil continua d’agir sous son nom, comme il avoit fait sous le nom de Léopold ». (Le Chevalier de Jaucourt.)

Vienne, (Géog. mod.) ville de France, dans le Dauphiné, sur le bord oriental du Rhône, à 5 lieues au midi & au dessous de Lyon, à 15 au nord-ouest de Grenoble, & à 108 au sud-est de Paris.

Cette ville est dans une vilaine situation, resserrée par des montagnes qui semblent la vouloir noyer dans le Rhône ; d’ailleurs il faut toujours monter ou descendre ; les rues sont étroites, mal percées, & les maisons mal bâties. La métropole est un ouvrage gothique. L’archevêché de Vienne est fort ancien ; car du tems d’Eusebe, Lyon & Vienne étoient les deux plus illustres métropoles des Gaules.

L’archevêque de cette ville prend conséquemment le titre de primat des Gaules, & a pour suffragans les évêques de Valence, de Die, de Grenoble, de Viviers, &c. Son revenu est d’environ vingt-quatre mille livres. Le chapitre est composé de vingt chanoines, au nombre desquels les dauphins se faisoient autrefois aggréger.

Outre le chapitre de l’église métropolitaine, il y en a trois autres à Vienne ; celui de S. Pierre est composé d’un abbé & de vingt-quatre chanoines, qui sont obligés de faire preuve de noblesse de trois quartiers. Vienne ne manque pas d’autres églises ni de couvens. Les peres de l’oratoire ont le séminaire.

Le quinzieme concile général s’est tenu dans cette ville l’an 1311, par ordre de Clément V. pour la suppression de l’ordre des Templiers. Philippe le bel qui poursuivoit cette suppression, se rendit à Vienne accompagné de son frere & de ses trois fils, dont l’ainé étoit roi de Navarre.

Le commerce de cette ville est peu de chose ; il consiste en vins & soies. Des ouvriers allemands y avoient établi une fabrique de fer-blanc qui méritoit beaucoup d’attention & de protection ; mais on l’a négligée, & elle ne subsiste plus. Long. 22. 30. latit. 45. 33.

Vienne déja célebre du tems de Jules César, connue de Strabon, de Pomponius Méla, de Ptolomée, de Velleius Paterculus, de Pline & de presque tous les historiens, n’est plus rien aujourd’hui. On prétend que Tibere y envoya une colonie nombreuse, que l’empereur Claude y établit une espece de sénat, qui étoit apparemment le prétoire du vicaire des Gaules, d’où elle prit le nom de sénatorienne que lui donnent quelques auteurs. On sait aussi que sous Dioclétien elle devint la métropole de cette partie des Gaules, qui de son nom fut appellée Gaule viennoise. Enfin les Romains l’avoient extrèmement embellie. Mais soit par les guerres, soit par le zele destructeur des premiers chrétiens, il n’y a point de ville dont les hommes aient moins respecté les monumens, & dans laquelle le bouleversement paroisse plus complet. On ne fouille guere la terre sans découvrir des richesses affligeantes par le peu d’instructions qu’on en retire, & Chorier lui-même en convient.

Le monument que l’on voit dans la plaine en sortant de la ville de Vienne pour aller en Provence, est le seul qui se soit en partie conservé ; il mérite l’attention des curieux par sa forme & par sa bâtisse. C’est une pyramide située entre le Rhône & le grand chemin ; l’architecture n’en est point correcte, mais la construction en est singuliere. Cette pyramide est élevée sur un massif construit solidement en grandes pierres dures de la qualité de celles qu’on tire aujourd’hui des carrieres du Bugey, sur les bords du Rhône. Cette fondation supporte un corps d’architecture quarrée, dont chaque angle est orné d’une colonne engagée, & chaque face est percée d’une arcade. Les murs couronnés d’un entablement peu correct, supportent la pyramide, dont la hauteur est d’environ quarante-deux piés ; mais on ne sait point en l’honneur de qui ce monument a été érigé.

Rufinus (Trebonius) qui florissoit sous l’empire de Trajan, naquit à Vienne, où il exerça le duumvirat. Pline le jeune en parle comme d’un homme très-distingué. Il abolit dans sa patrie les jeux où les athlètes s’exerçoient tous nuds à la lutte. On lui en fit un crime, & l’affaire fut portée à Rome devant l’empereur ; mais Rufin plaida sa cause avec autant de succés que d’éloquence.

Je connois entre les modernes nés à Vienne, Nicolas Chorier, avocat, mort l’an 1692, à 83 ans. On estime l’histoire générale du Dauphiné qu’il a publiée en deux volumes in-fol. Mais il n’a respecté ni le public ni lui-même, en composant & en publiant le livre infame, de arcanis amoris & Veneris, dont le prétendu original espagnol passe sous le nom d’Aloisia Sigaea. La vie de Chorier n’a que trop répondu aux maximes qu’il a débitées dans cet ouvrage également obscène & odieux.

Gentillet (Innocent) né dans la même ville au xvj. siecle, fit du bruit par l’ouvrage qu’il intitula le bureau du concile de Trente, auquel est montré qu’en plusieurs points icelui concile est contraire aux anciens conciles & canons, & à l’autorité du roi. Cet ouvrage parut l’an 1586 in-8°, & a été reimprimé plusieurs fois depuis.

La Faye (Jean-Elie Leriget de) naquit à Vienne l’an 1671, entra au service, & mourut capitaine aux gardes l’an 1718, âgé de 47 ans. Il s’étoit attaché à l’étude de la méchanique, & fut reçu à l’académie royale des Sciences en 1716. L’année suivante il lui donna deux mémoires imprimés dans le volume de 1717, & qui roulent sur la formation des pierres de Florence, tableaux naturels de plantes, de buissons, quelquefois de clochers & de châteaux.

On peut regarder Hugues de Saint-Cher, dominiquain du xiij. siecle, comme né à Vienne ; car l’église collégiale qui lui est dédiée, est aux portes de cette ville, lieu de sa naissance. Il devint provincial de son ordre, fut nommé cardinal par Innocent IV. & mourut en 1263. Son principal ouvrage est une concordance de la bible, qui est la premiere que l’on ait ; & quoiqu’elle soit fort médiocre, on a cependant l’obligation à l’auteur d’avoir le premier imaginé le plan d’un ouvrage qu’on a perfectionné, & dont les théologiens ne peuvent se passer. (D. J.)

Vienne, la, (Géog. mod.) en latin Vingenna, riviere de France. Elle prend sa source aux confins du bas Limosin & de la Marche, traverse une partie du Poitou, sans y porter aucun avantage, n’est navigable qu’au-dessus de Châtelleraud, reçoit ensuite la Creuse dans son sein, & se jette dans la Loire, à Cande en Touraine. (D. J.)

Vienne, une, s. f. (terme de Fourbisseur.) espece de lame d’épée qu’on fait à Vienne en Dauphiné, & dont elle a retenu le nom ; les viennes ne sont pas si estimées que les olindes, parce qu’elles n’ont pas tant de vertu élastique, qu’elles ne sont pas si bien vuidées, & qu’elles restent dans le pli qu’on leur a donné ; mais aussi elles ne sont pas si sujettes à casser : il y a des gens qui à cause de cela préferent une vienne à une olinde, lorsqu’elle joint à une grande souplesse beaucoup de ressort. (D. J.)