L’Encyclopédie/1re édition/VINDÉMIALES

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VINDÉMIALES, (Antiq. greq. & rom.) fête des vendanges en l’honneur de Bacchus. On y vantoit ses présens ; on célébroit des jeux en son honneur dans les carrefours & les villages de la Grece, où un bouc étoit le prix de la victoire. Les acteurs animés par la liqueur bacchique sautoient à-l’envi sur des outres frottés d’huile.

Les Latins emprunterent des Grecs ces mêmes jeux. On les voyoit dans les villages réciter des vers burlesques, & couverts de masques barbouillés de lie, tantôt chanter les louanges du dieu du vin, tantôt attacher à des pins des escarpolettes pour s’y balancer hommes & femmes. On portoit par-tout la statue respectable du fils de Sémelé, que suivoit en procession une foule de peuple.

Cependant Virgile, dont j’emprunte cette peinture, semble ne pas faire autant de cas des dons de Bacchus que de ceux de Cérès, de Palès & de Pomone. Penserons-nous que ses présens, dit le poëte, soient plus chers aux hommes que les autres présens de la nature ! Que de desordres a causé ce dieu par ses largesses ! Que de crimes n’a-t-il pas fait commettre ! Autrefois il arma les centaures, & fit périr dans l’ivresse Rhétus, Pholus & le vaillant Hylée armé d’un broc de vin, dont il menaçoit de terrasser les Lapithes.

Quid memorandum æque Baccheia dona tulerunt
Bacchus, & ad culpam causas dedit ; ille furentes
Centauros letho domuit, Rhætumque, Pholumque,
Et magno Hylæum Lapithis cratere minantem.

Georg. lib. II. vers. 454.

Mais Virgile n’entend pas qu’on néglige le culte & les honneurs que méritoit Bacchus pour ses bienfaits ; célébrons, dit-il, ses louanges par des vers tels que nos peres les chantoient ; offrons-lui des bassins chargés de fruits & de gâteaux ; enfin conduisons à ses autels un bouc sacré, & que les entrailles fumantes de la victime soient rôties avec des branches de coudrier.

Ergo rite suum Baccho dicemus honorem
Carminibus patriis, lancesque & liba feremus ;
Et ductus cornu stabit sacer hircus ad aram,
Pinguiaque in verubus torrebimus exta coturnis.

Georg. lib. II. vers. 393.

Après tout, c’est la reconnoissance qui fit instituer dans le paganisme des jours solemnels pour célébrer les dieux auxquels ils se croyoient redevables de leur recolte. De-là viennent en particulier les chants de joie qu’ils consacroient au dieu des vendanges. Ses fêtes qui arrivoient en l’automne, lorsque tous les travaux champêtres étoient finis dans un tems fait pour jouir, furent beaucoup plus célebres que celles des autres dieux, parce que le plaisir des adorateurs se trouvoit lié avec la gloire du dieu qu’on adoroit. Enfin, après avoir chanté le dieu du vin, on chanta bientôt celui de l’amour ; ces deux divinités avoient trop de liaison pour être long-tems séparées par des cœurs sensibles. (D. J.)