L’Encyclopédie/1re édition/VOMITIF

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VOMITIF, (Litterat.) on vient de lire la pratique médicinale des vomitifs. Les Romains sur la fin de la république en faisoient un usage bien différent ; ils en prenoient immédiatement avant & après le repas, non-seulement pour leur santé, mais par luxure. Ils prennent un vomitif, dit Séneque, afin de mieux manger, & ils mangent afin de prendre un vomitif ; par cette évacuation avant que de manger, ils se préparoient à manger encore davantage, & en vuidant leur estomac d’abord après avoir mangé, ils croyoient prévenir tout accident qui pouvoit résulter de la réplétion ; ainsi Vitellius, quoiqu’il fût un fameux glouton, est dit avoir conservé sa vie par le moyen des vomitifs, tandis qu’il avoit crevé tous ses camarades, qui n’avoient pas pris les mêmes précautions.

Ciceron nous apprend, que César pratiquoit souvent cette coutume. Il écrit à Atticus, l’an 708 de Rome, que ce vainqueur des Gaules étant venu le voir dans les saturnales, il lui avoit donné un grand repas à sa maison de campagne. Après qu’il se fut fait frotter & parfumer, ajoute Ciceron, il prit dans la matinée un vomitif, se promena l’après-midi, se mit le soir à table, but, mangea librement, & montra beaucoup de gaîté dans ce souper. César en prenant un vomitif chez Ciceron, lui prouvoit par-là, qu’il avoit dessein de faire honneur à sa table ; mais ce qui plut encore davantage à l’orateur de Rome, fut la conversation fine & délicate qui régna dans cette fête, bene cocto & condito sermone. Ce n’est pas néanmoins, ajoute Ciceron, un de ces hôtes à qui l’on dit ; ne manquez pas, je vous prie, de repasser chez moi à votre retour ; une fois c’est assez. César avoit deux mille hommes pour cortege. Barba Cassius fit camper les soldats au-dehors. Outre la table de César, il y en avoit trois autres très-bien servies pour les principaux de sa suite, comme aussi pour ses affranchis du premier & du second ordre. La réception n’étoit pas peu embarrassante dans la conjoncture des tems ; cependant on ne parla point de choses sérieuses, la conversation se tourna toute entiere du côté de la littérature avec beaucoup d’aisance & d’agrément. Alors les Romains se délassoient des affaires d’état, par les plaisirs de l’esprit. (D. J.)