L’Encyclopédie/1re édition/VOYAGEUR

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VOYAGEUR, (Hist. particul. des pays.) celui qui fait des voyages par divers motifs, & qui, quelquefois en donne des relations ; mais c’est en cela que d’ordinaire les voyageurs usent de peu de fidélité. Ils ajoutent presque toujours aux choses qu’ils ont vues, celles qu’ils pouvoient voir ; & pour ne pas laisser le récit de leurs voyages imparfait, ils rapportent ce qu’ils ont lu dans les auteurs, parce qu’ils sont premiérement trompés, de même qu’ils trompent leurs lecteurs ensuite. C’est ce qui fait que les protestations que plusieurs de ces observateurs, comme Belon, Pison, Marggravius & quelques autres sont de ne rien dire que ce qu’ils ont vu, & les assurances qu’ils donnent d’avoir vérifié quantité de faussetés qui avoient été écrites avant eux, n’ont guere d’autre effet que de rendre la sincérité de tous les voyageurs fort suspecte, parce que ces censeurs de la bonne foi & de l’exactitude des autres, ne donnent point de cautions suffisantes de la leur.

Il y a bien peu de relations auxquelles on ne puisse appliquer ce que Strabon disoit de celles de Ménélas : je vois bien que tout homme qui décrit ses voyages est un menteur, ἀλαζὼν δὴ πᾶς ὁ πλάνην αὑτοῦ διηγούμενος ; cependant il faut exclure de ce reproche les relations curieuses de Paolo, de Rawleigh, de Pocock, de Spon, de Wheiler, de Tournefort, de Fourmont, de Koempfer, des savans Anglois qui ont décrit les ruines de Palmyre, de Shaw, de Catesby, du chevalier Hans-Sloane, du lord Anson, de nos MM. de l’académie des sciences, au Nord & au Pérou, &c. (D. J.)

Voyageur, s. m. pl. (Hist. anc.) celui qui est en route, & qui a entrepris un voyage.

Les Mythologues & les historiens ont observé que dans l’antiquité païenne, les voyageurs adressoient des prieres aux dieux tutélaires des lieux d’où ils partoient : ils en avoient d’autres pour les dieux sous la protection desquels étoient les lieux par où ils passoient ; & d’autres enfin, pour les divinités du lieu où se terminoit leur voyage : la formule de ces prieres nous a été conservé dans les inscriptions pro salute, itu & reditu. Ils marquoient aussi leur reconnoissance à quelque divinité particuliere, sous la protection de laquelle ils comptoient avoir fait leur voyage : Jovi reduci, Neptuno reduci, Fortuna reduci. Les Grecs, entre les dieux protecteurs des voyages, choisissoient sur-tout Mercure, qui est appellé dans les inscriptions viacus & trivius, & pour la navigation, Castor & Pollux. Les Romains honoroient ces dieux à même intention, sous le nom de viales & de semitales. Saint Augustin & Martianus Capella font mention d’une Junon surnommée Iterduca ou guide des voyageurs.

Athenée observe que les Crétois, dans leurs repas publics, avoient une table particuliere pour y recevoir ceux qui se trouvoient chez eux à titre de voyageurs, & Plutarque assure que chez les Perses, quoiqu’ils voyageassent peu eux-mêmes, un officier du palais n’avoit d’autre fonction que celle de recevoir les hôtes. Voyez Hospitalité.

Outre que les voyageurs portoient sur eux quelqu’image ou petite statue d’une divinité favorite, dès qu’ils étoient de retour dans leur patrie, ils offroient un sacrifice d’action de grace, s’acquittoient des vœux qu’ils pouvoient avoir faits, & consacroient pour l’ordinaire à quelque divinité les habits qu’ils avoient portés pendant leur voyage. C’est ce qu’Horace & Virgile appellent vota vestes. L’assemblage de toutes ces circonstances fait voir que la religion entroit pour beaucoup dans les voyages des anciens. Mém. de l’acad. tom. III.