L’Encyclopédie/1re édition/WEERT

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WEERT, (Géog. mod.) petite ville des Pays bas, dans le Brabant, au quartier de Bois-le-Duc, dans le Péeland, à 4 lieues de Ruremonde. Long. 23. 29. lat. 51. 9.

Il y a dans cette petite ville un couvent de recolets, un prieuré de chanoines augustins, & un monastere de religieuses pénitentes, fondé par Jean de Weert, natif de cette ville, dont il prit le nom.

Cet homme d’une naissance obscure, s’éleva par sa valeur au plus haut grade militaire, & rendit son nom très-célebre. Il commença sa fortune d’une maniere fort étonnante. Il apprenoit le métier de cordonnier ; son maître le battit, il s’engagea dans un régiment de troupes allemandes qui étoit à Weert. Bientôt il se fit distinguer, & après avoir passé d’une maniere brillante par tous les grades militaires, il devint vice-roi de Bohème, & commandant de Prague, où il mourut vers l’an 1665. C’est lui dont le nom, après avoir fait grand bruit dans les nouvelles publiques, retentit enfin dans nos chansons françoises. On en fit courir un grand nombre à la cour & à la ville, où il servoit de refrain.

Ménage voulant prouver que nous employons également le mot tudesque dans le discours familier, pour dire un allemand, cite M. de Montplésir, qui a dit dans une de ses chansons :

Faut-il se lever si matin,
Dit le comte de Fiesque ;
On ne dort non plus qu’un lutin
Avecque ce tudesque.
Maugré-bleu de la nation :
Le diable emporte Gassion,
Et Jean de Weert.

Mademoiselle l’Héritier nous aprend, dans le Mercure galant, d’Avril 1702, l’origine de ces chansons. Elle dit que Jean de Weert s’etant rendu maître de plusieurs places dans la Picardie, porta la terreur jusqu’aux portes d’Amiens, par les troupes qu’il envoyoit en parti. Cette terreur se répandit jusque dans Paris ; & comme le peuple grossit toujours les objets, le seul nom de Jean de Weert y inspiroit l’effroi.

Ce général ayant été fait prisonnier à la bataille de Rheinfeld, en 1638, la muse du Pont-Neuf célébra ses transports de joie sur un air de trompette qui couroit alors. Elle disoit que les François avoient fait un tel nombre de prisonniers, & Jean de Weert. Comme il y avoit dans ces chansons une certaine naïveté grossiere, mais réjouissante, la cour & la ville les chanterent. Enfin, des gens d’esprit en firent d’autres délicates & fort jolies sur le même air de Jean de Weert. Ce vaillant officier, dont le nom avoit fait un bruit si éclatant, laissa en France une mémoire immortelle de sa prise, & l’on nomma le tems où elle étoit arrivée, le tems de Jean de Weert. (Le chevalier de Jaucourt.)