L’Encyclopédie/1re édition/WEST-MORLAND, ou WESTMORLAND

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WEST-MORLAND, ou WESTMORLAND, (Géog. mod.) province d’Angleterre. Elle est bornée au sud & au sud-est par le duché de Lancastre ; à l’ouest & au nord par le Cumberland ; à l’orient par le duché d’Yorck. Son nom lui vient de ses terres incultes, que les habitans des provinces septentrionales de l’Angleterre, appellent en leur langue Mores ; de sorte que West-Morland, signifie un pays de terres en friche à l’ouest. En effet, ce comté est presque tout couvert de hautes montagnes, & par conséquent sec & peu habité : car quoiqu’il ait trente milles de longueur du nord au sud, vingt-quatre de largeur de l’est à l’ouest, & cent douze de circuit : on n’y compte qu’une ville, Appleby capitale, huit bourgs & 26 paroisses. Robinson (Thomas) a donné l’histoire naturelle de cette province. London 1709. in-8o. L’air qu’on y respire est pur, subtil, un peu froid. L’Eden, le Kent, le Lon, & l’Eamon, sont les principales rivieres du West-Morland : on y voit deux lacs, savoir Ulle’s-Water, & Winander-Meer.

Les biographes d’Angleterre n’ont pas recueilli en un corps les gens de lettres nés dans cette province ; cependant elle en a produit plusieurs, sur-tout en théologie ; j’en vais donner la preuve, & je suivrai l’ordre des tems à cet égard.

Potter (Christophe) naquit vers l’an 1591, & étudia à Oxford. Il devint chapelain du roi Charles I. auquel il fut toujours fort attaché. En 1635, il fut nommé doyen de Worcester ; en 1640, vice-chancelier d’Oxford ; & en 1646, doyen de Durham ; mais il mourut environ deux mois après, avant que d’avoir pris possession de ce doyenné. Il est connu par divers ouvrages théologiques, qui montrent beaucoup de modération & d’attachement aux seules doctrines fondamentales du salut.

Barlow (Thomas) naquit en 1607, devint professeur en métaphysique à Oxford, fut nommé évêque de Lincoln en 1675, & mourut en 1691, âgé de 85 ans. Il donna tous ses livres à la bibliothèque bodléienne, & au college de la reine ; il étoit zélé calviniste, & savant dans l’histoire ecclésiastique.

Son traité sur la tolérance en matiere de religion, est fort inférieur à ceux qui ont paru depuis ; mais il a rompu la glace, & a fait voir combien il est difficile d’établir jusqu’à quel point des hérésies peuvent être criminelles, ensorte qu’il est prudent de les tolérer ; il a écrit une brochure sur la question, « s’il est permis au roi d’accorder la grace à un homme convaincu de meurtre, & légitimement condamné » ; son avis est pour l’affirmative.

Laugbaine (Gérard) naquit en 1608, devint garde des archives de l’université d’Oxford ; il se procura l’estime de l’archevêque Usser, de Selden, & d’autres savans hommes de son tems ; il fonda une école dans le lieu de sa naissance, & mourut en 1657, âgé de 49 ans. Ses écrits prouvent qu’il avoit une grande érudition ; il a donné 1°. Longin, avec des notes, Oxford 1636. in-8o. 2°. un livre imprimé à Londres en 1644, in-4°. sur le covenant qu’il trouva illicite, & qu’il condamne ; 3°. il a mis au jour la fondation des universités d’Oxford & de Cambridge.

On a plusieurs de ses lettres à Usserius, dans le recueil publié à Londres en 1686, in-fol. Dans une de ses lettres à Selden, en date du 17. Novembre 1651, on lit le passage suivant : « En conséquence de vos ordres (car c’est ce que sont pour moi tout ce que vous appellés prieres) contenus dans votre derniere du six de ce mois, j’ai consulté les manuscrits grecs de notre bibliotheque publique, où se trouve la premiere épitre de S. Jean ; nous n’en avons que trois, & il y en a un d’imparfait, où il manque quelques-unes des épitres catholiques. Dans les deux autres, on lit au chap. v. ὅτι τρεῖς εἰσιν οἱ μαρτυροῦντες ἐν τῇ γῇ τὸ πνεῦμα, καὶ τὸ αἷμα καὶ οὗτοι οἱ τρεῖς ἕν εἰσι, sans qu’il y ait la moindre trace de ce qui passe ordinairement pour le verset 7. Vous savez ce que Beze en a dit ; à quoi j’ajouterai que dans le nouveau Testament interlinéaire de Raphélingius, de 1612, ces mots εἰς τὸ ἕν εἰσι finissent le verset 7, & manquent entierement dans le huitieme ; l’édition de Genève de 1620, in-4°. lit de la même maniere. Je suppose que votre but n’est pas de rechercher toutes les variantes des éditions, mais des manuscrits ; je ne sai aussi s’il s’agit dans vos ordres, des manuscrits latins comme des grecs ; c’est ce qui m’empêche de vous fatiguer des diverses leçons de nos manuscrits latins ; les uns n’ont absolument rien du verset 7 ; d’autres l’ont en marge ; d’autres le placent après ce que nous comptons ordinairement pour le verset 8 ; & ceux qui les ont tous deux, varient encore de diverses manieres. Quoi qu’il en soit, en cas que cela vous puisse être de quelque utilité, au premier avis que vous m’en donnerez, je vous envoierai un détail plus exact sur ce sujet. »

Barwick (Jean) naquit en 1612, & se dévoua aux intérêts de Charles I. & de Charles II. Il fut nommé doyen de Durham en 1660, & mourut en 1664, dans le tems qu’il pouvoit s’attendre à des dignités plus élevées. Il a publié quelques sermons que le tems a fait disparoître. Son frere Barwick (Pierre) se fit médecin, & défenseur zélé de la découverte de la circulation du sang par Harvée. Il falloit être alors bien hardi, pour oser embrasser ce système ; car quoique Harvée eût atteint sa 80e année en 1657, il eut bien de la peine à voir sa doctrine établie avant sa mort.

Mill (Jean) naquit vers l’an 1645, & fut nommé un des chapelains de Charles II. en 1681. Il mourut en 1707, à 62 ans.

Il publia en 1676, un sermon sur la fête de l’annonciation de la bienheureuse Vierge. J’en vais donner le précis, parce que ce discours n’a jamais été traduit. Il parla d’abord du grand respect & de la profonde vénération que toute l’antiquité a eue pour la Vierge Marie, fondée sur cette opinion qu’après qu’elle eut répondu à l’ange, qu’il me soit fait selon ta parole, elle fut, par un privilege singulier, préservée de tout peché actuel pendant sa vie ; mais cette tradition n’a pas le moindre fondement dans l’Ecriture, & l’on peut avec raison la mettre au rang de tant d’autres qui ont produit mille éloges outrés, donnés à une sainte dont la vertu & la piété sont représentées d’une maniere trop honorable & trop avantageuse dans l’Evangile, pour avoir besoin qu’on lui prodigue d’autres louanges destituées de fondement. Si l’on regarde le zèle de quelques anciens peres de l’église sur ce sujet, comme très-louable dans leur intention, on ne pourra s’empêcher de blâmer ceux qui, pour honorer la Vierge Marie, lui ont attribué les perfections divines, & ont prétendu qu’on devoit lui rendre le culte religieux qui n’est dû qu’à Dieu seul. Elle étoit, dit l’ange, remplie de grace ; mais il ne dit pas que sa plénitude de grace étoit telle qu’elle pouvoit la communiquer à tous ceux qui en avoient besoin, de la même maniere que notre Sauveur dit que « comme le pere a la vie en soi-même, il a donné aussi au fils d’avoir la vie en soi-même ».

Le jésuite Suarez a exercé toute la subtilité de son esprit, pour déterminer le degré de cette plénitude. « La grace de la Vierge Marie, dit-il, (III. Part. disp. 18. sect. 4.) étoit plus grande dès le premier instant de sa conception, que ne l’est celle du plus parfait des anges, & par conséquent méritoit plus que mille hommes ne peuvent mériter pendant toute leur vie. Cette grace augmenta continuellement en elle, tant qu’elle vêcut, d’une telle maniere que dans le premier instant de sa conception, sa grace, ou sa sainteté, surpassoit celle du plus parfait des anges, qui parvient à la perfection par un ou deux actes. Dans le second instant sa grace fut doublée, & devint aussi deux fois aussi excellente & aussi méritoire qu’elle l’étoit au premier. Dans le troisieme instant, elle devint quatre fois aussi excellente. Dans le quatrieme huit fois aussi grande qu’au premier ; & ainsi de suite en progression géométrique ; ainsi sa sainteté ayant doublé à chaque instant, depuis le moment de sa conception jusqu’à celui de sa naissance, & ensuite chaque acte de vertu ayant de la même maniere été deux fois aussi excellent que celui qui l’avoit précédé ; & cela ayant continué jusqu’à la soixante & douzieme année de son âge qu’elle mourut, elle étoit parvenue à un tel degré de sainteté & de mérite, qu’elle en avoit plus elle-seule, que tous les hommes & tous les anges n’en ont ensemble ; elle est plus chere à Dieu que toutes les créatures intelligentes ; il l’aime davantage que l’Eglise universelle ». Ces bisarres notions sont le fruit de la théologie scholastique, entée sur une imagination toute portée au fanatisme.

Si le culte de la bienheureuse Vierge avoit été en usage dès le commencement du christianisme, (dit M. Mill), pourroit-on imaginer que notre Sauveur & ses apòtres auroient gardé le silence sur ce rite religieux, & que les auteurs chrétiens des trois premiers siecles, se seroient tûs sur cette dévotion ? Elle commença cependant vers le milieu du quatrieme siecle, & S. Epiphane, qui vivoit alors, l’appelloit l’hérésie des femmes. Il y avoit de son tems certaines dévotes d’Arabie, qui pour témoigner leur respect pour la bienheureuse Vierge, offroient à cette reine des cieux (ainsi qu’elles la nommoient), certains gâteaux, appellés collyrides, d’où on donna à ces hérétiques le nom de collyridiennes. S. Epiphane ayant appris cette dévotion mal entendue, déclame avec une grande véhémence contre cette pratique. Marie, dit-il, étoit sans doute une illustre, sainte, & respectable vierge, mais elle ne nous a point été proposée comme un objet d’adoration. Qu’on la vénere, ajoute-t-il, & qu’on adore Dieu seul. καὶ εἰ καλλίστη ἡ Μαρία καὶ ἁγία καὶ τετιμημένη, ἀλλ’ οὐκ εἰς τὸ προσκυνεῖσθαι, ἡ Μαρία ἐν τιμὴ, ὀ κύριος προσκυνειθω.

Le savant théologien anglois établit ensuite les différens périodes des progrès du culte rendu a la bienheureuse Vierge. Le concile d’Ephèse, qui fut tenu vers le quatrieme siecle, nomma pour la premiere fois la Vierge, mere de Dieu, & ce fut par un zèle indiscret qu’il se conduisit ainsi, pour s’opposer à l’hérésie de Nestorius ; cependant, ce titre fit que dans les siecles suivans, on se donna carriere par des harangues peu sensées à la louange de la Vierge ; mais ce ne fut qu’environ sept-cens ans après qu’on établit un office réglé à son honneur. Les chanoines de Lyon sont les premiers qu’on sache, qui insérerent la doctrine de la conception immaculée dans leurs offices ecclésiastiques, ce qui leur attira une forte censure de la part de S. Bernard. Il y a environ trois cens cinquante ans, que Duns Scot, fameux docteur scholastique, renouvella cette opinion, & la proposa comme une chose simplement probable. Le pape Sixte IV. promulgua dans la suite une bulle pour appuyer cette doctrine, que le concile de Trente a confirmée.

Un cardinal de l’église, S. Bonaventure, né en 1221, & mort en 1274, introduisit le premier l’usage d’adresser une priere à la sainte Vierge, après complie. Il recueillit exprès les pseaumes de David, & appliqua directement à la sainte Vierge, tous les sublimes cantiques que le roi prophete adressoit à Dieu. Tout cela prouve qu’il importe à l’Eglise de ne point se livrer à un culte qui doit immanquablement dégénérer en superstition.

Le grand ouvrage de Mill, je veux dire son édition du nouveau Testament grec, parut en 1707, environ quinze jours avant sa mort ; mais le savant Kuster en a publié une seconde édition beaucoup meilleure, Roterdami 1710, in-fol. L’illustre Whitby fut allarmé du nombre de variantes recueillies dans cet ouvrage, & il l’attaqua comme étant d’une dangereuse conséquence ; mais le docteur Bentley, en savant critique, a dissipé cette vaine terreur.

Après avoir remarqué que Whitby reproche à Mill de rendre précaire tout le texte du nouveau Testament, & d’abandonner tout-à-la-fois la réformation aux catholiques romains, & la réligion elle-même aux déïstes, il ajoute : « A Dieu ne plaise ! & nous espérons toujours de meilleures choses : car il est sûr que ces diverses leçons existoient dans les différens exemplaires, avant qu’on les ait recueillies : il est sûr que M. Mill ne les a ni faites ni inventées, & qu’il les a seulement exposées aux yeux du public. La religion ne perdoit rien de sa vérité, pendant que ces variantes étoient seulement existantes çà & là ; en sera-t-elle moins vraie & moins sûre, depuis que le recueil en a été mis au grand jour ? cela ne se peut ; il n’y a ni faits ni vérités bien exposées, que la vraie religion ait à craindre ».

Passons, continue-t-il, le nombre des variantes ; qu’il y en ait trente mille ou non, il est toujours certain que ce nombre augmentera, si l’on collationne encore un plus grand nombre de manuscrits ; mais s’ensuivra-t-il de-là, qu’il n’y a point d’auteur profane qui ait tant souffert des injures du tems, que le nouveau Testament ? ce fait seroit faux ; car le texte de l’Ecriture n’a pas subi un plus grand nombre de variation, que ce qu’il en a dû nécessairement résulter de la nature des choses, & que celles qui lui sont communes, proportion gardée, avec tous les classiques de quelque ordre qu’ils soient.

Il y a environ trois siecles que le savoir refleurit dans notre occident. S’il n’eût resté alors qu’un seul manuscrit grec du nouveau Testament, nous n’aurions certainement aucune variante ; mais dans ce cas-là, le texte seroit-il en meilleur état qu’il ne l’est aujourd’hui, à cause des trente mille diverses leçons que l’on a recueillies d’une grande quantité de différens manuscrits ? tant s’en faut, puisque quand même le seul exemplaire qui nous seroit resté auroit été des meilleurs, il ne pourroit qu’y avoir eu des centaines de fautes, & quelques omissions auxquelles il n’y auroit point de remede.

Ajoutez à cela, que les soupçons de fraude & de tromperie, se seroient fortifies à un degré incroyable ; la pluralité des manuscrits étoit donc nécessaire ; un second, joint au premier, en augmentoit l’autorité, de même que la sureté ; mais de quelque endroit que vous tiriez ce second, il différera en mille choses du premier, & cela n’empêchera pourtant point qu’il n’y ait encore dans les deux, la moitié des fautes qu’il y avoit dans un seul, & peut-être même davantage : cela conduit à en faire souhaiter un troisieme, & puis un quatrieme, & puis encore tout autant qu’il s’en peut trouver, afin qu’à l’aide des uns & des autres, on puisse venir à bout de corriger toutes les fautes ; un exemplaire ayant conservé la véritable leçon dans un endroit, & quelqu’autre l’ayant conservé ailleurs : or à mesure que l’on consulte un plus grand nombre de manuscrits différens, il faut de toute nécessité que le nombre des diverses leçons se multiplie ; chaque exemplaire ayant ses fautes, quoiqu’il n’y en ait guere aucun qui ne soit d’un grand secours en quelques endroits. La chose est de fait, non-seulement par rapport au nouveau Testament, mais encore eu égard à tous les ouvrages de l’antiquité, sans exception quelconque.

Parmi les auteurs que l’on appelle profanes, il y en a quelques uns, dont il ne nous reste qu’un seul manuscrit. Tels sont Velleius Paterculus, de la classe des latins, & Hesychius, de celle des grecs. Qu’en est-il arrivé ? Les fautes des copistes y sont en si grand nombre, & les lacunes si fort irrémédiables, que malgré l’attention des plus savans & des plus subtils commentateurs, qui y ont travaillé depuis deux siecles, ces deux auteurs sont encore dans l’état le plus triste, & selon les apparences, y seront toujours.

Il en est tout autrement des écrits de l’antiquité, dont il s’est conservé plusieurs exemplaires. On y voit à la vérité les diverses leçons qui s’y sont multipliées, à proportion des différens manuscrits. Mais on y voit aussi qu’à l’aide de ces différens manuscrits collationnés par des critiques habiles & judicieux ; le texte en est plus correct, & se rapproche davantage de ce qu’il étoit à sa premiere origine. Si nous avions les originaux des anciens, il faudroit s’y tenir, & mettre à l’écart toutes les simples copies. Mais dans la nature des choses, il nous est impossible d’avoir ces originaux : le cours des siecles, & mille accidens les ont nécessairement tous consumés & détruits. A leur défaut on doit recourir aux copies, & lorsqu’il y en a plusieurs, l’examen & la collation tiennent lieu de ressource.

M. Bentley remarque ensuite que Térence est un des auteurs classiques que nous avons à présent dans le meilleur état ; que le manuscrit le plus ancien & le plus considérable que nous en ayons, est dans la bibliotheque du Vatican ; qu’il approche extrémement de la propre main du poëte : qu’il y a pourtant dans ce manuscrit là même quelques centaines de fautes, dont la plûpart peuvent être corrigées sur d’autres exemplaires, qui sont d’ailleurs d’une date plus récente, & beaucoup moins estimables. Le docteur ajoute, qu’il en a lui-même collationné plusieurs ; & il assure que dans cet auteur, dont les ouvrages ne font pas un volume aussi gros que le nouveau Testament, il a trouvé vingt mille diverses leçons, & qu’il est moralement certain que si l’on collationnoit la moitié des exemplaires de Térence avec la même précision, & le même scrupule que l’on a fait du nouveau Testament, les variantes de ce poëte monteroient à plus de cinquante mille : car il importe d’observer, dit-il, que dans le manuscrit du nouveau Testament, on a porté l’exactitude sur les diverses leçons, jusqu’à la derniere minutie. La plus petite différence dans l’orthographe, dans les moindres particules, dans les articles, dans l’ordre & dans l’arrangement des mots, mis devant ou après, sans rien changer au sens, a été soigneusement observée. Faut-il donc s’étonner de ce qu’après avoir ainsi fureté toutes les especes de variantes, on en ait trouvé trente mille ?

Tout le monde convient que les vers ne sont pas si sujets au changement que la prose. Otez l’ignorance grossiere dans une langue connue, le copiste est conduit par la mesure ; cependant dans les anciens poëtes mêmes, le nombre des variantes qu’on y trouve, est étonnant. Dans l’édition de Tibulle donnée par Broekhuisen, on voit à la fin du livre un recueil de diverses leçons, où l’on en découvre tout autant qu’il y a de vers dans le poëte. Il en est de même du Plaute de Paréus, &c. Ajoutez à toutes ces considérations, que les manuscrits qui nous restent des auteurs profânes, ne sont qu’en petit nombre en comparaison de ceux du nouveau Testament.

M. Whiston observe aussi, que tant s’en faut que les diverses leçons de ce dernier livre, fassent tort au texte, ou en affoiblissent l’autorité en général, qu’au contraire elles y donnent un grand jour, nous faisant connoitre quelquefois l’expression originale des apôtres en des choses incontestables. Elles sont encore des preuves de l’authenticité de nos exemplaires ordinaires quant à l’essentiel, puisque de ces trente mille variantes, il y en a à peine cinquante qui changent considérablement le sens sur quelque point important Voyez aussi les judicieuses remarques de Kuster à ce sujet.

Smith (Jean) naquit en 1659 ; il cultiva l’histoire & la théologie dans sa cure de Durham. L’histoire ecclésiastique de Bede, à laquelle il a fait un beau supplément, a paru eh 1722, sept ans après sa mort.

Addison (Lancelot) fut nommé doyen de Lichfield en 1683, & auroit été vraissemblablement élevé à l’épiscopat peu de tems après la révolution, si le ministere ne l’eût regardé comme trop attaché au parti contraire. Il mourut en 1703, après avoir donné plusieurs ouvrages en Anglois. Voici les titres de quelques-uns.

1°. La barbarie occidentale, ou récit abrége des révolutions de Fez & de Maroc, avec un détail des coutumes sacrées, civiles & domestiques de ces deux royaumes. A Oxfort 1671 in-8°. Il pouvoit parler savament de ce pays-là, car il avoit résidé plusieurs années à Tanger, en qualité de chapelain de sa nation. 2°. L’état présent des Juifs dans la Barbarie, contenant un détail de leurs coutumes, tant sacrées que profânes. Londres 1675 in-8°. Si M. Basnage eut vû ce traité, il y auroit puisé bien des lumieres pour compléter son histoire des Juifs. 3°. Défense modeste du clergé, où l’on examine briévement son origine, son antiquité & sa nécessité. Londres 1677, in.8°. par L. A. D. D. Le docteur Hickes a fait réimprimer ce petit ouvrage en 1709, sans en connoitre l’auteur, mais parce qu’il a trouvé ce livre écrit avec beaucoup de force, de précision, de noblesse & d’érudition. 4°. L’état de Tanger sous le gouvernement du comte de Tiviot. Londres 1671 in-4°.

Le docteur Addison a aussi donné l’état du mahométisme, avec un abregé de la vie & de la mort de Mahomet. Londres 1679 in-8°. En parlant des moyens qui ont contribué à la propagation du mahométisme, le docteur Addison marque entr’autres la tolérance, clairement prescrite dans l’alcoran, c. xvij. p. 102 & 103. L’auteur fait aussi mention du traité d’alliance conclu, à ce que l’on prétend, entre Mahomet & les chrétiens. Gabriel Sionite publia cette piece en France, d’après l’original qu’on disoit avoir été trouvé dans un monastere de Mont-Carmel. Elle fut réimprimée en Allemagne par les soins de Jean Fabricius en 1638. Grotius croyoit cette piece supposée, & il avoit raison ; car outre que le style ne ressemble point du tout à celui de l’alcoran, on a découvert depuis que cette piece avoit été portée d’Orien en Europe par un capucin nommé Pacifique Scaliger, & toutes les apparences sont qu’elle a été forgée par ce missionnaire.

Enfin le docteur Lancelot Addison tire une grande gloire d’avoir été le pere du célebre Addison né en 1672 à Wilton, & c’est-là que nous n’oublirons pas de donner son article. (Le chev. de Jaucourt.)