L’Encyclopédie/1re édition/WICLEFITES

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WICLEFITES, s. m. pl. (Hist. ecclés.) secte d’hérétiques qui prit naissance en Angleterre dans le xiv. siecle, & tira son nom de Jean Wiclef, professeur en théologie dans l’université d’Oxford, & curé de Lutherworth dans le diocèse de Lincoln.

Dans les divisions qui arriverent dans cette université entre les moines & les séculiers, Wiclef ayant été obligé de céder aux premiers qui étoient appuyés de l’autorité du pape & des évêques, médita de s’en vanger contre les prélats de l’église romaine. A cet effet il avança plusieurs propositions contraires au droit qu’ont les ecclésiastiques de posséder des biens temporels, afin de se concilier par-là l’affection des seigneurs laïcs. La vieillesse & la caducité d’Edouard III. jointe à la minorité de son successeur Richard II. furent des occasions favorables à cet hérésiarque pour semer ses dogmes pernicieux. Il enseigna d’abord que l’église romaine n’est point chef des autres églises ; que le pape, les archevêques ou évêques, n’ont nul avantage, nulle supériorité sur les prêtres ; que le clergé ni les moines, selon la loi de Dieu, ne peuvent posséder aucuns biens temporels ; que lorsqu’ils vivent mal, ils perdent tout leur pouvoir spirituel ; que les princes & les seigneurs sont obligés de les dépouiller de leurs biens temporels ; qu’on ne doit point souffrir qu’ils agissent par voie de justice contre les Chrétiens, ce droit n’appartenant qu’aux princes & aux magistrats.

Simon de Sudbury, archevêque de Cantorbéry, assembla au mois de Février 1377, un concile à Londres, auquel il fit citer Wiclef, qui par la protection du peuple & des grands, n’y essuy a aucune condamnation. Cette impunité l’enhardit, & il sema de nouvelles opinions où il abolissoit les cérémonies du culte reçu dans l’Eglise, les ordres religieux, les vœux monastiques, le culte des saints, la liberté de l’homme, les décisions des conciles, & l’autorité des peres de l’Eglise. Il osa même envoyer ces propositions à Urbain V I. pour le prévenir & le consulter dessus ; Grégoire X I. en ayant condamné 19, les envoya aux évêques d’Angleterre qui tinrent un concile à Lambeth où Wiclef soutenu comme la premiere fois, évita encore d’être condamné.

Guillaume de Courtenai archevêque de Cantorbéry, assembla de nouveau un concile à Londres en 1382, & l’on y condamna vingt-quatre propositions de Wiclef, dix comme hérétiques, & quatorze comme erronées & contraires à la définition de l’Eglise. Celles-là attaquoient la présence réelle, l’eucharistie, la messe, la confession ; celles-ci l’excommunication, le droit de prêcher la parole de Dieu, les dixmes, les prieres, la vie religieuse, & autres pratiques de l’Eglise. Le roi Richard soutint les décisions de ce concile de son autorité, & commanda à l’université d’Oxfort de retrancher de son corps Jean Wiclef & tous ses disciples. Elle obéit, & l’on ajoute que ce prince bannit cet hérésiarque de son royaume ; mais il fut rappellé & mourut en 1387, après avoir donné, selon quelques-uns, une confession de foi dans laquelle il rétractoit ses erreurs, & reconnoissoit la présence réelle de Jesus-Christ dans l’eucharistie.

Il est probable que cette rétractation n’étoit pas sincere, puisqu’après sa mort il laissa divers écrits ; entre autres deux gros volumes intitulés ἀληθεια, la vérité, & un troisieme, sous le titre de trialogue, remplis de ses erreurs, & d’où Jean Hus tira une partie des siennes. Elles furent condamnées de nouveau dans un concile tenu à Londres en 1396, ou, selon d’autres, en 1410 ; & enfin, dans le concile de Constance, sess. viij. au nombre de quarante-cinq articles : en conséquence son corps fut exhumé & brûlé.

Voilà l’homme que les protestans regardent avec vénération comme le precurseur de la prétendue réforme qui parut environ 150 ans après ; c’est-à-dire, un homme qui ne respecta pas plus la puissance séculiere que la puissance ecclésiastique ; quoiqu’il semblât flatter les princes aux dépens du clergé ; car de son vivant même, ses sectateurs attroupés causerent des troubles en Angleterre ; ce qu’ils recommencerent sous le regne d’Henri V. D’ailleurs, la plûpart de ses opinions sont concues avec un orgueil extrème en forme d’axiomes qu’il ne s’embarrasse pas de prouver ; comme s’il avoit eu quelque caractere divin pour en être crû sur sa parole.

Les Presbytériens & les Puritains ou Indépendans modernes, sont précisément dans les mêmes sentimens sur la hierarchie ecclesiastique & sur le pouvoir des souverains, que les Wiclefites. Voyez Puritains, Indépendans, &c.