L’Encyclopédie/1re édition/WINCHESTER

La bibliothèque libre.

WINCHESTER, (Géog. mod.) ou plutôt Wintchester, ville d’Angleterre, capitale du Hampshire, sur le bord de l’Itching, à dix-huit milles au sud-est de Salisbury, & à soixante sud-ouest de Londres. Long. 16. 20. latit. 51. 3.

Cette ville, nommée en latin Vintonia, est aussi remarquable par son ancienneté, que par le siege épiscopal dont elle est honorée depuis long-tems. Les Romains l’ont connue sous le nom de Venta belgarum ; après eux les Bretons l’appellerent Cuer-gwent, & les Saxons Wintan-cester, d’où l’on a fait Wintchester.

C’est dans cette ville que l’an de Jésus-Christ 407, le tyran Constantin fut proclamé empereur par ses soldats, contre l’obéissance qu’ils devoient à Honorius ; & il tira son fils Constant d’un monastere de cette même ville, pour le faire revêtir de la pourpre ; mais ils périrent bientôt tous deux, après avoir eu quelques heureux succès.

Les Saxons à leur arrivée dans le pays, trouverent Winchester si considérable, que les rois de West-Sex la choisirent pour le lieu de leur résidence, y établirent un siege épiscopal, une monnoie, & y bâtirent un grand nombre d’églises.

Après la conquête des Normands, les archives de la province furent mises à Winchester. Le roi Edouard III. y établit une étape pour le commerce des laines & des draperies, ce qui la rendit encore plus florissante.

Elle n’a point perdu de son lustre, c’est une grande ville fermée de murailles, contenant huit paroisses, un palais épiscopal, un château, une église cathédrale superbe, & un hôtel de ville où l’on montre une grande table ronde, qu’on dit être la table ronde du fameux Arthur, tant chantée par les vieux romanciers.

Il se tint à Winchester un concile, l’an 957, en présence de trois rois des différentes provinces.

L’évêché de Winchester est un des plus riches bénéfices du royaume, car il vaut huit mille livres sterling de rente. L’évêque a sous sa jurisdiction spirituelle, les deux provinces de Hampshire & de Surrey, avec les îles de Jersey & de Guernesey. Un évêque de Winchester, nommé Guillaume Wickham, a fondé dans cette ville un beau & illustre college, où l’on entretient un principal, dix fellows ou associés, deux scholarques & soixante & dix écoliers, qu’on tire de-là quand ils sont avancés pour les envoyer à Oxford, au college neuf qui a été fondé par le même prélat.

Deux rois, pere & fils, Henri III. & Edouard I. sont nés à Winchester. Le premier étoit un prince d’un petit génie, d’un naturel inconstant, capricieux, & rempli des maximes du pouvoir arbitraire ; foible quand il auroit fallu être ferme, plein d’hauteur déplacée quand il auroit fallu plier ; avide d’argent jusqu’à l’excès, pour le prodiguer tout de suite en dépenses folles & ridicules.

Saint Louis le battit deux fois, & sur tout à la journée de Taillebourg en Poitou. Les barons gagnerent sur lui la fameuse bataille de Lewes en 1264. Il fut ensuite redevable de sa délivrance à son fils Edouard, qui lui succéda. Enfin il mourut paisiblement à Londres, en 1272, à 65 ans, après en avoir regné 56.

Edouard I. avoit de très-belles qualités, beaucoup de bravoure, de prudence, d’honneur, & de justice. L’Angleterre reprit sa force sous son regne ; il conserva la Guyenne, il s’empara du pays de Galles, il fit fleurir le commerce de ses sujets autant qu’on le pouvoit alors.

La maison d’Ecosse étant éteinte en 1291, il eut la gloire d’être choisi pour arbitre entre les prétendans ; il obligea d’abord le parlement d’Ecosse à reconnoître que la couronne de ce pays relevoit de celle d’Angleterre ; ensuite il nomma pour roi Bayol, qu’il fit son vassal ; enfin il prit pour lui même ce royaume d’Ecosse, & c’est une grande tache à sa gloire.

Sous ce prince, on vint déja à s’appercevoir que les Anglois ne seroient pas long-tems tributaires de Rome ; on se servoit de prétexte pour mal payer, & on éludoit une autorité qu’on n’osoit attaquer de front.

Le parlement d’Angleterre prit vers l’an 1300, une nouvelle forme, telle qu’elle est à-peu-près de nos jours. Le titre de barons & de pairs ne fut affecté qu’à ceux qui entroient dans la chambre haute ; la chambre basse commença à regler les subsides ; Edouard I. donna du poids à la chambre des communes, pour pouvoir balancer le pouvoir des barons ; ce prince assez ferme & assez habile pour les ménager & ne les point craindre, forma cette espece de gouvernement qui rassemble tous les avantages de la royauté, de l’aristocratie, & de la démocratie, & qui sous un roi sage, ne peut que fleurir avec gloire.

Edouard I. mourut l’an 1307, à 68 ans, lorsqu’il se proposoit d’aller reconquerir l’Ecosse, trois fois subjuguée, & trois fois soulevée.

Bilson (Thomas) savant théologien & évêque, naquit à Winchester, vers l’an 1542, & mourut en 1616. Il se fit une grande réputation par ses ouvrages. Le premier qu’il mit au jour à Oxford en 1585, a pour titre : Traité de la différence entre l’obéissance chrétienne, & la rébellion anti-chrétienne. Cet ouvrage fut appuyé par l’autorité souveraine, & dédié par l’auteur à la reine Elisabeth.

Le docteur Bilson, pour établir la suprématie royale, s’attache à justifier que les empereurs convoquoient autrefois des conciles, dont ils fixoient le tems & le lieu, réglant même qui seroient ceux qui y assisteroient & qui y auroient voix : qu’ils déterminoient quelles matieres on y traiteroit ; qu’ils présidoient aux débats, & empêchoient qu’on ne portât atteinte à la foi établie par les conciles précédens ; qu’ils jugeoient de leurs procédures, même par rapport aux matieres de foi, par la regle commune à tous les chrétiens, savoir, la parole de Dieu ; qu’ils confirmoient les décrets des conciles, en marquant ceux qu’ils approuvoient, & auxquels ils donnoient force de loi ; qu’à l’égard des sentences, ils recevoient les appels qu’on interjettoit, suspendoient l’exécution, & moderoient la rigueur des décisions des conciles, quand ils les trouvoient trop séveres. Il prouve tous ces articles par l’exemple des princes juifs & des empereurs chrétiens.

Il observe ensuite que l’empereur Justinien, dans ses novell. constitut. a réglé ce qui regarde la doctrine & la discipline de l’Eglise, la conduite des évêques & des patriarches sur la célébration des sacremens, la convocation des synodes, l’ordination des ecclésiastiques, les mariages, les divorces. & autres choses de cette nature, qui étoient en ce tems-là du ressort de la puissance civile, & que le pape prétend aujourd’hui appartenir à la puissance ecclésiastique.

En 1593, il publia un traité du gouvernement de l’église de Christ, & de l’autorité qu’avoient les anciens patriarches. Ce livre fut traduit en latin en 1611.

Enfin, il mit au jour à Londres, en 1604, un savant ouvrage, sous le titre de Description des souffrances de Jésus-Christ, & de sa descente aux enfers. Il prouve dans cet ouvrage par l’Ecriture & par les peres, que notre Seigneur est allé de la terre dans le séjour du parfait bonheur, & qu’il n’y a rien dans l’Ecriture qui nous autorise à croire que son ame est allée en enfer après sa mort, & de-là au ciel ; qu’ainsi tout concourt à nous persuader que les fideles vont d’ici-bas dans le ciel ; & qu’enfin le hadès du symbole est le paradis. (Le chevalier de Jaucourt.)

Winchester, (Géog. mod.) bourgade d’Angleterre dans le comté de Northumberland. Ceux du pays l’appellent Winchester in the wald, ou old Winchester, c’est-à-dire Winchester près du rempart, ou le vieux Winchester. Ce lieu est peu éloigné des ruines du mur de Sévere. (D. J.)