L’Encyclopédie/1re édition/ZIBELINE

La bibliothèque libre.
◄  ZIAZAA
ZICLOS  ►

ZIBELINE, s. f. (Hist. nat. Zoolog.) marte zibeline ; animal quadrupede qui ressemble beaucoup à la marte, mais il est un peu plus petit. Il a tout le corps de couleur fauve obscure, excepté la gorge qui est grise, & la partie antérieure de la tête & les oreilles qui sont d’un gris blanchâtre. On trouve cet animal en Lithuanie, dans la Russie blanche, dans la partie septentrionale de la Moscovie, & dans la Scandinavie.

Zibeline, (Hist. nat. des animaux.) en allemand zobel, en anglois sable, espece de belette ou de marte, de la grosseur d’un écureuil, dont la peau est d’un brun très foncé ou presque noire ; mais quelquefois entre-mêlée de quelques poils blancs : c’est une des fourrures les plus rares, & qui se paye le plus chérement. On trouve des zibelines dans la Laponie, chez les Samoyedes, & dans les autres contrées septentrionales ; mais celles de la Sibérie sont les plus recherchées ; on estime sur-tout celles que l’on trouve près de Vitimski ; elles passent pour l’emporter en beauté sur toutes les autres : on en trouve en grande abondance dans la péninsule de Kamschatka, & dans le pays des Korekis ; mais elles sont d’une qualité inférieure aux précédentes. Suivant le rapport de quelques voyageurs, les zibelines y sont aussi communes que les écureuils ; ainsi les habitans de ces pays, s’ils étoient aussi industrieux que ceux de Vitimski, pourroient compenser par la quantité la supériorité que les zibelines de Sibérie ont pour la qualité.

Avant que les Russes eussent fait la conquête de la Sibérie, les zibelines étoient assez communes ; mais ces animaux farouches s’eloignent des endroits habités ; & ce n’est pas sans peine que les chasseurs en obtiennent ; ils sont obligés de remonter la riviere de Vitim & les deux rivieres de Massia qui s’y jettent, & d’aller jusqu’au lac Oronne dans des lieux deserts & fort éloignés de toute habitation.

Les zibelines vivent dans des trous comme les martes, les belettes, les hermines, & les autres animaux de ce genre. Les chasseurs prétendent qu’il y en a qui se font des nids au haut des arbres avec des herbes seches, de la mousse, & des petites branches ; & que tantôt elles vivent dans leurs trous, & tantôt dans leurs nids ; qu’elles y restent environ douze heures, & qu’elles employent les douze autres à chercher leur nourriture. L’été avant que les fruits & les baies des arbres soient mûrs, elles mangent des écureuils, des martes, des hermines, &c. & surtout des lievres ; l’hiver elles mangent des oiseaux ; mais lorsque les fruits & les baies sont mûres, elles en sont très-friandes, & sur-tout du fruit du cormier, qu’elles mangent avidement ; ce qui leur cause des démangeaisons qui les obligent à se frotter contre les arbres ; par-là leur peau s’use & devient défectueuse ; quand les cormiers ont beaucoup de fruit, les chasseurs ont de la peine à se procurer de belles fourrures.

Les zibelines ont des petits vers la fin de Mars ou au commencement d’Avril ; elles en ont depuis trois jusqu’à cinq d’une portée ; elles les allaitent pendant cinq ou six semaines.

Ce n’est jamais que pendant l’hiver que l’on va à la chasse des zibelines ; la raison est que le poil leur tombe au printems ; il est très-court pendant l’été, & pendant l’automne il n’est point encore assez fourni : les habitans du pays appellent ces sortes de zibelines, nedasobili, ou zibelines imparfaites ; elles se vendent à bas prix.

Ceux qui vont à la chasse des zibelines partent à la fin du mois d’Août ; ils forment des compagnies qui sont quelquefois de quarante hommes & se pourvoient de bateaux pour remonter les rivieres, de guides qui soient au fait des lieux où ils trouveront des zibelines, & d’amples provisions pour subsister dans les deserts. Arrivés au lieu de la chasse, ils y bâtissent des cabanes & se choisissent un chef expérimenté dans ces sortes d’expéditions ; celui-ci divise les chasseurs en plusieurs bandes, à chacune desquelles il nomme un chef particulier, & il leur assigne l’endroit où elles iront chasser. Quand le tems de se séparer est venu, chaque bande va de son côté & fait sur sa route des trous dans lesquels on enfouit des provisions. A mesure qu’on s’avance, les chasseurs tendent partout des piéges, en creusant des fosses, qu’ils entourent de pieux, & qu’ils recouvrent de planches pour empêcher la neige de les remplir ; l’entrée de ces piéges est étroite, & au-dessus est une planche mobile qui tombe aussi-tôt que l’animal vient prendre l’appât de viande ou de poisson qu’on lui a préparé. Les chasseurs continuent ainsi d’aller en-avant, & tendent partout des piéges ; à mesure qu’ils avancent, ils renvoient en arriere quelques-uns d’entre eux pour chercher les provisions qu’ils ont enfouies ; ceux-ci en revenant visitent les piéges pour en ôter les zibelines qui ont pu s’y prendre.

On chasse aussi les zibelines avec des filets ; pour cet effet on suit leur piste sur la neige ; ce qui conduit à leurs trous, que l’on enfume afin de les forcer d’en sortir ; le chasseur tient son filet tout prêt à les recevoir, & son chien pour les saisir ; il les attend quelquefois deux ou trois jours. On les tire aussi sur les arbres avec des fleches émoussées ; lorsque le tems de la chasse est fini, les bandes se rassemblent auprès du chef commun, à qui l’on rend compte de la quantité de zibelines ou d’autres bêtes que l’on a prises ; & on lui dénonce ceux qui ont fait quelque chose de contraire aux regles ; le chef les punit ; ceux qui ont volé sont battus & privés de leur part au butin. En attendant le tems du retour, qui est celui du dégel des rivieres, on prépare les peaux ; les chasseurs remontent alors dans leurs barques ; & de retour chez eux, ceux qui sont chrétiens donnent d’abord à l’Eglise quelques-unes de leurs fourrures, suivant le vœu qu’ils en on fait avant que de partir ; ces zibelines se nomment zibelines de Dieu. Ensuite ils payent leur tribut en fourrures aux receveurs du souverain ; ils vendent le reste & partagent également les profits. Voyez la description de Kamtschatka, par M. Kracheninikon.

Les fourrures de zibelines les plus cheres & les plus estimées, sont celles qui sont les plus noires, & dont les poils sont les plus longs. Depuis la conquête de la Sibérie, les souverains de la Russie se sont réservé le débit de cette marchandise, dans laquelle les habitans payent une partie de leur tribut. Le gouverneur de Sibérie met son cachet sur les zibelines prises dans son gouvernement, & les envoye au sénat de Petersbourg ; on les assortit alors par paquêts de dix peaux, & l’on en fait des caisses, dont chacune est composée de dix paquets ; ces caisses se vendent à proportion de leur beauté ; les plus belles se vendent jusqu’à 2500 roubles, (environ 12500 livres) ; celles d’une moindre qualité se vendent 1500 roubles (7500 livres). Ce sont les grands de la Turquie qui sont les plus curieux de cette marchandise. (—)

Zibeline, Fourrure.) nom que l’on donne aux peaux de martes les plus précieuses : les zibelines se tirent de la Laponie moscovite & danoise. Il s’en trouve aussi une grande quantité en Sibérie, province des états du czar : l’animal qui fournit la zibeline est du genre des belettes, & de la grosseur d’un chat ; il a de longs poils autour des yeux, du nez, & du museau ; sa couleur est jaune obscur, mêlangé d’un brun foncé ; mais le devant de sa tête & ses oreilles, sont d’un gris brunâtre. (D. J.)