L’Encyclopédie/1re édition/ZURICH

La bibliothèque libre.
◄  ZUREND
ZURITA  ►

ZURICH, (Géog. mod.) en latin moderne Tigurum, ville de Suisse, capitale du canton de ce nom, sur le penchant de deux collines, à l’extrémité septentrionale du lac de Zurich, d’où sort la riviere de Limmat. Cette riviere partage la ville en deux parties inégales, qui communiquent l’une à l’autre par deux grands ponts de bois.

La ville de Zurich n’est pas ancienne ; mais elle est une des plus considérables de la Suisse, pour sa beauté & pour sa puissance ; elle est fortifiée par de larges fossés revêtus de pierres de taille ; ses rues sont propres, ses maisons assez bien bâties, & son hôtel-de-ville d’une belle symmétrie. Son arsenal composé de plusieurs grands bâtimens, est le mieux fourni de toute la Suisse.

Il y a dans cette ville une bonne académie & une vieille bibliotheque assez bien entretenue. Les greniers publics sont toujours fournis de bons blés ; les hôpitaux sont bien rentés ; mais en prenant soin de pourvoir ces maisons de charité de bons revenus, on a pris pour principe d’y soulager les pauvres, conformément à leur condition, sans chercher à les loger en princes.

On sait que la ville de Zurich embrassa la réformation en 1524, & que Zwingle y contribua beaucoup par ses prédications. Depuis ce tems-là cette ville a cultivé les sciences, & a produit quelques savans illustres que nous nommerons dans la suite de cet article.

Les Zurichois imiterent le canton de Lucerne, & se formerent eux-mêmes en canton l’an 1351. La ville étoit impériale, & n’avoit jamais fait partie de la domination de la maison d’Autriche. Albert & Othon d’Autriche ayant forme le projet d’assiéger cette ville, les bourgeois s’unirent aux quatre cantons ; ils s’emparerent du pays qui forme aujourd’hui le canton de Glaris, & obligerent Albert d’Autriche à les respecter.

La forme du gouvernement de la ville du Zurich tient de l’aristocratie & de la démocratie. Ce gouvernement est formé d’un grand & d’un petit conseil, qui composent ensemble le nombre de deux cens douze membres. Le grand en a cent soixante-deux, & le petit quarante-huit : ce qui fait deux cens dix membres, auxquels il faut ajouter les deux chefs de l’état que l’on appelle bourgmestres. Chaque tribu bourgeoise fournit douze personnes pour le grand conseil, & trois pour le petit.

La ville de Zurich est à 18 lieues au sud-ouest de Constance, à 15 au sud-est de Basle, & à 23 au nord-est de Berne. Long. suivant Cassini & Scheuchzer, 26. 51′. 30″. latit. 47. 22.

Je ne dois pas oublier les noms de quelques savans nés dans cette ville.

Bibliander (Théodore) y prit naissance au commencement du xvj. siecle, & mourut de la peste qui attaqua Zurich en 1564. Il avoit mis auparavant la derniere main à l’édition de la bible qui parut à Zurich en 1543, & que le rabin Léon de Juda avoit commencée. Bibliander a aussi composé des commentaires latins sur plusieurs livres du vieux Testament. On estime sa consultation contre les Turcs, & son traité de communi ratione linguarum.

Gesner (Conrad) l’un des plus savans hommes du xvj. siecle, naquit en 1516, & mourut en 1565, à 49 ans. Ses principaux ouvrages sont 1°. historiæ animalium, dont la meilleure édition est de Francfort, 1604, 5 vol. in-fol. 2°. de chirurgiâ scriptores optimi, Tiguri, 1555. in-fol. 3°. epistolarum medicinalium lib. III. Tiguri, 1577, in-quarto : 4°. lexicon græco-latinum : 5°. bibliotheca authorum universatis, Tiguri, 1545, in-fol. Ce dernier ouvrage est un des premiers dictionnaires historiques modernes, & qui mérite par conséquent beaucoup d’indulgence pour les défauts & les fautes qu’on y trouve. Le pere Nicéron a donné l’article de cet illustre savant, consultez-le.

Gualter (Rodolphe), gendre de Zwingle, naquit en 1519, & mourut en 1586, âgé de 67 ans. Il a commenté la plupart des livres du vieux & du nouveau Testament, & a publié sous le nom d’Eubulus Dynaterus, annotationes in verrinas Ciceronis. Il se délassoit aussi quelquefois à faire des vers latins qui ont été imprimés.

Heidegger (Jean-Henri), né près de Zurich en 1633, mourut dans cette ville en 1698, après avoir publié plusieurs ouvrages théologiques, qui lui acquirent de la réputation.

Hottinger (Jean-Henri), l’un des fameux écrivains du xvij. siecle, & des plus versés dans la littérature orientale, naquit à Zurich en 1620, & commença à s’ériger en auteur à l’âge de 24 ans, pour attaquer sur une matiere très-épineuse, le célebre p. Morin ; il entreprit de réfuter les dissertations de ce théologien sur le pentateuque samaritain. Ce coup d’essai fut son chef-d’œuvre ; il intitula son ouvrage, exercitationes anti-morinianæ ; & tous les protestans en firent d’autant plus d’éloges, que la matiere ne pouvoit pas être plus favorable à leur façon de penser, puisqu’Hottinger se battoit pour le texte hébreu de la bible, dont le p. Morin énervoit l’autorité de tout son pouvoir. Il voyagea aux frais de la ville de Zurich, dans les pays étrangers, & apprit les langues orientales sous Golius. De retour dans sa patrie, il ne cessa de produire livre sur livre, dont vous trouverez le catalogue dans sa vie écrite par Heidegger. Les principaux sont 1°. historia orientalis : 2°. bibliothecarius quadripartitas : 3°. thesaurus philologicus sacræ Scripturæ : 4°. historia ecclesiastica : 5°. promptuarium sive bibliotheca orientalis : 6°. etymologicum orientale : 7°. dissertationes miscellancæ, &c. Il n’a pas toujours gardé dans ses écrits la modération convenable, & il les a donnés avec trop de précipitation ; mais quoi qu’en dise M. Arnauld, il est plus croyable dans ses disputes que ne l’étoit Allatius, parce qu’il réunit toutes les marques d’un homme de bonne foi. Allatius, grec de nation, & façonné en Italie, a plus de politesse & plus de tour ; mais le zurichois a plus de candeur & de simplicité. Allatius dit de sa tête tout ce qu’il lui plait : Hottinger allegue ses témoins. Enfin Zurich le combla d’honneurs & de distinction ; elle ne voulut que le prêter à l’électeur palatin, pour ranimer les études de l’université d’Heidelberg. Au bout de six ans elle le rappella, & lui confia des affaires importantes. L’académie de Leyde le demanda pour être professeur en théologie, & l’obtint enfin par la faveur des états de Hollande, auxquels Mrs. de Zurich crurent ne pouvoir refuser cette marque de leur condescendance.

Comme il préparoit toutes choses pour son voyage, il périt malheureusement à 47 ans, le 5 Juin 1667, sur la riviere qui passe à Zurich. Il s’étoit mis dans un bateau avec sa femme, trois de ses enfans, son beau-frere, un de ses bons amis, & sa servante, pour terminer le bail d’une terre qu’il avoit à deux lieues de Zurich ; le bateau ayant donné sur un pieu, que la crue de la riviere empéchoit de voir, se renversa. Hottinger, son beau-frere & son ami se tirerent du péil à la nage ; mais ils rentrerent dans l’eau, quand ils apperçurent le danger où le reste de la troupe étoit encore. Ce fut alors qu’Hottinger périt ; son ami & ses trois enfans eurent la même destinée ; sa femme, son beau-frere & sa servante furent les seuls sauvés ; il laissa quatre fils & deux filles qui ne se trouverent pas de ce triste voyage.

Scheuchzer (les) ont tous honoré leur patrie par leurs ouvrages en médecine & en lustoire naturelle. Jean Jacques Scheuchzer mort en 1733, à 61 ans, a donné une physique sacrée ou histoire naturelle de la bible, imprimée à Amsterdam, en quatre volumes in-fol. Jean Scheuchzer son frere fut nommé premier médecin de Zurich, & mourut en 1738. Jean-Gaspard Scheuchzer, fils de Jean-Jacques, est mort avant son pere en 1729, & s’étoit déja fait connoître par une traduction en anglois de la belle histoire du Japon de Kempfer.

Schweitzer (Jean-Gaspar), en latin Suicerus, habile philologue du xvij. siecle, mourut en 1688 à 68 ans. On a de lui un savant lexicon, ou trésor ecclésiastique des peres grecs, & d’autres savans ouvrages. La meilleure édition de son trésor ecclésiastique est celle d’Amsterdam en 1728, en deux volumes in-folio.

Simler (Josias) mort dans sa patrie en 1576, à 45 ans, a donné quelques ouvrages d’histoire & de théologie, outre un assez bon abrégé de la bibliotheque de Conrad Gesner.

Styckius (Jean-Guillaume), littérateur, né en 1542, mourut en 1607. Il s’est fait connoître par plusieurs ouvrages, dont les principaux sont 1°. commentarius in Arriani periplum Ponti-Euxini & maris Erythræi : 2°. de sacrificiis Judæotum & Ethnicorum : 3°. antiquitatum convivalium libri IV. Dans le dernier ouvrage sur les festins des anciens, l’auteur traite avec érudition la maniere dont les Hébreux, les Chaldéens, les Grecs, les Romains & plusieurs autres nations faisoient leur repas d’apparat, & les cérémonies qu’ils y observoient. (Le chevalier de Jaucourt.)

Zurich, canton de, (Géog. mod.) canton de la Suisse, & le premier en rang. Il est borné au nord par le Rhin, qui le sépare du canton de Schafhouse ; au midi par le canton de Schwitz, au levant par le Thourgaw & le comté de Toggenbourg, & au couchant par le canton de Zug.

Le territoire de ce canton fait partie du pays des anciens Tigurini, célebres dans l’histoire romaine ; car plusieurs années avant que Jules-César commandât dans les Gaules, les Tigurini avoient défait l’armée romaine, & tué le consul Lucius Cassius qui la commandoit, & son lieutenant Pison qui avoit été consul. Leur pays appellé anciennement pagus Tigurinus, s’étendoit jusqu’au lac de Constance ; les anciens y marquent deux villes, l’une appellée forum Tiberii, & l’autre Arbor fælix, qui est Arbon. Sous les rois francs, le Pagus Tigurinus s’appella Durgau ou Turgau, dans lequel pays de Turgau étoit Turig aujourdhui Zurich, comme il paroît par une charte de Louis le germanique. Cette même charte nous apprend que l’on avoit commencé à prononcer Zurige pour Turige, suivant la coutume teutonique, où l’on change le T en Z.

Quand les cantons de la Suisse formerent une alliance fédérative, ils céderent la préséance au canton de Zurich, à cause de la puissance, de la grandeur & de la richesse de la ville de Zurich. Ce canton conserve encore cet honneur d’avoir le titre de premier entre les égaux ; il ne préside pas seulement aux dietes, mais il a le soin de les convoquer, en écrivant des lettres circulaires aux cantons, pour les informer des raisons au sujet desquelles on les assemble, & pour les prier d’envoyer leurs députés avec les instructions nécessaires. La ville de Zurich est comme la chancellerie de la Suisse, & c’est par ce motif que toutes les lettres des souverains y sont portées.

Le canton de Zurich est d’une étendue considérable, & c’est le plus grand de la Suisse après celui de Berne. On distingue les baillifs qui le gouvernent, en trois classes : ceux de la premiere sont appellés administrateurs ; ils ont soin de recevoir les rentes, sans exercer aucune jurisdiction, & ils sont au nombre de dix : la seconde classe comprend les baillifs qui demeurent dans la ville de Zurich, & qui ne sont point obligés d’en sortir : ce sont ceux qu’on nomme baillifs intérieurs, & on en compte dix-neuf ; la troisieme classe est celle des baillifs qui résident dans les villages & dans les châteaux du canton, pour y exercer leur emploi ; & ceux-ci sont au nombre de treize. On compte cinq bailliages hors de l’enceinte du canton, & ces bailliages ont chacun leurs lois & leurs coutumes, auxquelles les baillifs ne peuvent rien changer dans l’administration de la justice. Il y a encore deux villes assez considérables, savoir Stein sur le Rhin, & Wintherthour, qui sont soumises à la souveraineté de Zurich, mais qui en même tems nomment leurs propres magistrats, & se gouvernent selon leurs lois.

Le terroir du canton de Zurich est un pays de montagnes & de plaines que les habitans ont soin de bien cultiver ; il produit des grains, tandis que le lac & les rivieres fournissent du poisson ; mais la principale richesse des habitans consiste dans leur commerce & leurs manufactures. Zurich est la capitale du canton. Voyez son article. (D. J.)

Zurich, lac de, (Géog. mod.) lac de Suisse, dans le canton de ce nom. Il a environ une lieue de largeur & neuf de longueur. Il est formé par la riviere de Lint, qui en sort à Zurich sous le nom de Lindmatt. Il abonde en diverses especes de poissons, & ses deux bords sont garnis de vignobles, de prairies, de jardins, de petites maisons de plaisance & de chaumieres. (D. J.)