L’Encyclopédie à deux sous et l’instruction du peuple

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DE
L’ENCYCLOPÉDIE
À 2 SOUS,
ET
DE L’INSTRUCTION DU PEUPLE.

Au milieu des indécisions et des faiblesses dont se compose aujourd’hui notre état politique, il se passe dans la société quelque chose qui doit nous rendre tranquilles et fermes : de plus en plus l’instruction se répand dans les rangs du peuple. Jamais la diffusion des connaissances humaines n’a été plus vaste. La science, qui, dès l’origine des sociétés, passa de la tête de quelques hommes dans l’ombre des temples et des sanctuaires, qui ne se laissait arracher de cette religieuse obscurité que par l’audace de quelques philosophes, qui resta long-temps la propriété de l’école après avoir été celle du sacerdoce, aujourd’hui répandue par le monde, accessible, n’ayant plus de voiles, et se prêtant à toutes les formes, facile, agréable, on la voit s’insinuer dans tous les esprits, dans les plus tendres comme dans les plus rebelles ;

Dono Divûm, gratissima serpit.

C’est un bienfait de la Providence, que cette popularité toujours croissante de la science après une révolution populaire : il y a là un enchaînement de causes et d’effets qu’il importe de saisir et de comprendre.

C’est avec la somme des idées accumulées pendant trois siècles que nous avons acheté et payé notre émancipation politique en 1789. Les travaux législatifs de la Constituante sont proprement la traduction politique des idées acquises jusqu’alors et suffisamment élaborées ; quand on voulut les outrepasser, quand, par des élans d’enthousiasme et d’abstraction, on déborda l’état philosophique et politique de 1791, on s’égara : pourquoi ? Parce que la provision des idées claires et justes étant épuisée, il fallait en attendre d’autres avant de provoquer de nouveaux changemens, et faire, non pas de nouvelles constitutions, mais de nouvelles études. Mais les choses se passèrent autrement. Non-seulement les représentans de la démocratie improvisèrent des théories extrêmes sans préparation suffisante ; mais au moment même où la vie politique et républicaine, s’élargissant toujours, rendait de plus en plus urgente l’instruction populaire, car le droit se mesure sur l’intelligence, cette instruction populaire s’arrêta tout à coup. Nous avions l’Europe sur les bras, et nous dûmes la secouer violemment. En vain la Convention avait pris des mesures pour que, dans le plus court délai possible, tout Français sût lire ; le champ de bataille ravissait la jeunesse, même l’enfance, aux écoles, et nos tambours purent devenir maréchaux sans avoir trouvé le temps d’apprendre la grammaire. L’empire se soucia peu de propager l’instruction ; Napoléon estimait que ses grenadiers n’avaient besoin que de lire dans les yeux de leur empereur. La restauration comprimait l’essor des esprits populaires ; à son avis, des sujets et des chrétiens[1] en savaient toujours assez : mais aujourd’hui, qui mettra des obstacles et des bornes à l’intelligence du citoyen et de l’homme ?

La révolution de 1830, avant restauré la dignité du peuple, a remis ce peuple à l’école progressive de la science humaine ; depuis trois ans nous assistons à un double spectacle ; les théories ont repris leur cours, leurs expériences, et l’instruction acquise veut devenir universelle ; d’une part, les théoriciens éprouvent des vérités nouvelles ; de l’autre, le peuple acquiert la connaissance des vérités reconnues : deux opérations parallèles, également nécessaires, et qui se soutiennent l’une l’autre. En somme, la dernière révolution n’est qu’une position des problèmes, mais une position invincible. Oui, le peuple en triomphant et en mourant a posé les questions ; quelques-uns se sont entremis pour les embrouiller ; mais qui donc oserait les déplacer ouvertement ?

Aussi l’instruction du peuple est considérée par tous comme un devoir, ou du moins comme une nécessité. Tous les partis politiques parlent au peuple et lui apprennent quelque chose. Une loi sur l’instruction primaire commence à réaliser les grandes pensées de la Convention, très imparfaitement sans doute ; mais enfin on est entraîné par le mouvement révolutionnaire, même en s’efforçant de l’outrager, et l’on est l’imitateur de Condorcet, tout en s’en affichant le contempteur. Cependant toutes les opinions se sont constituées pédagogues du peuple : le catholicisme s’emploie à répandre ce qu’il appelle les bons livres ; le républicanisme dissémine ses enseignemens. Mais voici venir les spéculateurs avec leurs almanachs. Les manuels pleuvent de toutes parts ; nous sommes inondés de livres élémentaires ; c’est un chorus universel et sans fin de leçons, de méthodes et de théories ; tous les esprits sont remués, jusqu’aux plus incultes ; partout on lit, on discute, on raisonne ; fiat lux.

La lumière sortira de ce chaos intelligent : il y a dans les voies de la Providence des méthodes secrètes par lesquelles le bien se trouve séparé du mal, et répand efficacement ses vertus sur la société. Assurément tout ce qu’on offre au peuple n’est pas digne de cette destination sacrée ; on lui sert des choses plates, communes et parfois aigries par des irritations ; mais ce mal inévitable est inférieur au bien qui s’accomplit. La diffusion des connaissances humaines dans les rangs populaires est un évènement dont la bienfaisance compensera largement quelques abus et quelques excès : il faut croire au bon sens du peuple et au bon vouloir de Dieu.

Parmi les publications qui ont pour but immédiat l’instruction de la foule, les meilleures, à notre sens, sont celles qui éveillent les facultés de l’esprit sans prétendre leur imprimer sur-le-champ une direction particulière. Socrate se vantait de posséder, avec sa méthode, l’art de faire accoucher les gens ; l’instruction, à quelque degré qu’on la donne, ne saurait avoir ni d’autre mission ni d’autre résultat. Or, pour frapper avec une justesse vigoureuse les esprits du peuple et de l’enfance, il n’y a rien de meilleur que ce qui est imagé, pittoresque : les images provoquent les idées ; aimables interprètes de la pensée, elles prêtent des formes et des couleurs à ce qui est abstrait et rationnel ; elles animent et représentent la vérité ; car l’imagination n’est pas seulement une enchanteresse, mais une personne fort raisonnable. Montaigne, dans un moment d’humeur, a pu la nommer la folle du logis ; prenez le mot pour une saillie, mais non pas pour une vérité. Sans doute, l’imagination peut devenir folle ; mais cette folie même où elle s’égare suppose le bon sens dont elle aura dévié. Qui eut l’esprit plus juste que Bacon ? Qui l’eut mieux garni de grandes images ? L’imagination n’habite pas la terre pour faire schisme avec l’intelligence, mais pour lui dresser des temples. Voyez le peuple dans nos musées, devant les œuvres de nos artistes : l’image et l’imagination le conduisent à la pensée : les impressions de l’art sont pour lui comme un fil précieux qui doit le mener devant une vérité qu’il n’avait pas encore vue ; et dans son ingénuité pleine de profondeur, il s’élève sans le savoir au-dessus de ces poétiques étranges qui séparent la cause du beau de celle du vrai. C’est donc chose sagement faite que d’appeler l’imagination à l’enseignement du peuple. Il y a un an parut la première livraison d’un Magasin pittoresque (9 février 1833). On le considéra, dès les premiers jours, comme une inutilité presque bizarre ; il compte aujourd’hui soixante mille souscripteurs, Le jeune écrivain, plein d’imagination et d’ame, qui le dirige, M. Charton, n’a pas à regretter d’avoir mis pour quelque temps la délicatesse de son talent au service de l’instruction populaire.

Mais voici quelque chose de plus sérieux et de plus considérable, une Encyclopédie pittoresque, une Encyclopédie à deux sous. Je voudrais que Diderot pût la voir et la lire. Le fils du coutelier, qu’animait l’amour du peuple, et qui écrivait pour lui, en était séparé cependant par le prix élevé de son encyclopédie ; et ce livre révolutionnaire s’adressait aux rois, aux grands seigneurs et à leurs maîtresses. De quelle joie ne serait pas inondé l’ardent ami de d’Alembert en voyant une encyclopédie à deux sous ! L’homme qui a écrit ces lignes : Hâtons-nous de rendre la philosophie populaire ; si nous voulons que les philosophes marchent en avant, approchons le peuple du point où en sont les philosophes, pousserait un cri d’allégresse en voyant la science armée des moyens d’une infaillible popularité.

Une encyclopédie est le meilleur livre pour propager l’instruction, car, parlant au peuple, il faut lui dire non pas une chose, non pas une autre, il faut lui dire tout. Dans une encyclopédie, rien d’arbitraire et d’incomplet, puisqu’il n’y a d’autre ordre que l’universalité alphabétique des choses. En parcourant les vingt premières livraisons de l’œuvre que nous annonçons, en y puisant des notions saines, simples et savantes, nous n’avons pu songer sans reconnaissance aux fruits salutaires que portera ce livre répandu parmi le peuple. Figurez-vous un jeune artisan, d’un esprit encore inculte, mais grand, s’ignorant lui-même dans les obscurités de son génie, naïf, ouvert à tout, intelligent sans rien savoir, cherchant à la fois la science et la conscience de lui-même, et trouvant dans des feuilles, dont l’acquisition est permise à son modique salaire, le mobile de sa pensée, le rayon générateur qui doit la féconder : il pourra devenir mathématicien et astronome comme Tycho-Brahé, à la lecture des Éphémérides de Stadius, historien comme Thucydide pleurant à côté d’Hérodote, poète comme Milton au spectacle d’un Mystère célébré en Italie. Une encyclopédie est une provocation qui s’adresse au génie du peuple, qui descend dans tous les rangs, et tend un vaste réseau autour de la société, afin qu’aucun talent ne lui échappe.

Mais aussi une encyclopédie vraiment digne d’être populaire est une œuvre fort difficile à rédiger. Elle ne saurait être une compilation arrangée avec les lambeaux de l’Encyclopédie française du dernier siècle, et des encyclopédies anglaises et allemandes ; un assemblage d’emprunts mal cousus. Pour enseigner son siècle, il faut en être ; sa nation, il faut l’aimer. Si vous vous placez au centre du temps et du peuple, si vous avez des connaissances nombreuses et positives, l’esprit philosophique, une raison indépendante, un cœur ardent, un sens élevé, qui vous éloigne à la fois des choses vulgaires et des propositions paradoxales, un style lumineux et ferme qui puisse éclairer et nourrir tous les esprits, une probité sévère qui s’arme d’un foudroyant mépris contre toutes les allures des spéculateurs et des intrigans, vous pouvez aspirer à l’honneur d’être les rédacteurs d’une encyclopédie populaire. MM. Leroux et Reynaud n’ont fait que se rendre justice avec une noble fierté, en jetant les fondemens d’une semblable entreprise, en l’entamant avec vigueur, en appelant à une œuvre immense et commune les savans et les jeunes écrivains, en portant eux-mêmes le poids le plus lourd de cette grande affaire, en imprimant à l’ordonnance de tous les matériaux une unité morale qui n’en mutile jamais ni l’intégrité, ni la vérité.

Depuis deux ans ces deux écrivains philosophes ont publié, dans la Revue Encyclopédique, une série de travaux féconds en notables résultats. Il est impossible de sentir et d’exprimer plus vivement l’originalité philosophique de notre siècle, et de mieux établir la loi progressive et continue qui préside à l’éducation du genre humain. Ces deux écrivains, liés entr’eux par une intime amitié, mettent en commun des facultés puissantes, mais diverses, et sont animés du même sentiment, de l’amour de la science et du peuple. Il y aura dix ans dans quelques mois que M. Leroux a fondé le Globe. Il a assisté à tous les mouvemens de la politique, de la science et de l’art qui se sont accomplis depuis cette époque ; il a causé avec tous les hommes d’état, tous les savans et tous les artistes qui occupent la scène ; il a été le témoin et quelquefois le confident de toutes les ardeurs et de toutes les ambitions ; que de chutes et d’élévations n’a-t-il pas vues ! Le spectacle a varié, le spectateur est resté le même, toujours simple, toujours désintéressé, toujours fier, toujours oublieux de lui-même. Je me trompe néanmoins ; quelque chose a changé dans M. Leroux, son esprit, qui s’est singulièrement discipliné et réglé. Ce philosophe, qui est de la famille de Spinosa et de Diderot, n’avait rien à gagner pour les idées en étendue, mais en économie ; non pas en puissance, mais en méthode. Il fut un temps où l’émission de sa pensée s’accomplissait par une force latente et désordonnée, où la lumière s’interrompait tout à coup pour faire place à des ténèbres que venaient bientôt couper d’autres éclairs ; mais enfin la pensée de l’auteur, toujours profonde, n’évitait pas toujours d’être indigeste et diffuse. Aujourd’hui la lumière est également répandue sur toutes les parties du style et des idées ; et la transparence des formes n’est pas inférieure à l’immensité du fond. Le beau fragment philosophique, intitulé : De la loi de continuité qui unit le dix-huitième siècle au dix-septième, n’a pas moins de lucidité que de grandeur. À côté de cet esprit panthéiste, dont l’étendue est, pour ainsi parler, la forme particulière, figure par un contraste plein de convenance le talent aussi fort, mais plus svelte et plus dégagé de M. Reynaud. Cet écrivain plein d’éclat a quelque chose de mâle et de plébéien dans son style et la conception de ses idées ; il unit à des connaissances spéciales et exactes une imagination nerveuse dont les effets sont pleins de vigueur et de simplicité ; parfois, au milieu de ses pages où il s’échauffe sur les intérêts du peuple et du genre humain, on dirait Spartacus ayant rompu ses fers. Rien de plus éloquemment patriotique que l’espèce d’oraison funèbre que lui inspira récemment la mort de Merlin de Thionville ; il n’est pas rare d’y trouver des lignes aussi belles que celles-ci : « La politique de Dieu dépasse toutes les nôtres : les hommes, sous sa main, ne sont que des tranchans qu’il prend ou dépose suivant chaque détail de son œuvre éternelle ; mais ils se doivent à eux-mêmes, et ils doivent à Dieu d’attendre patiemment qu’il les appelle et de ne point fausser leur nature pour s’immiscer en des choses où ils n’ont pas qualité. » L’association de MM. Leroux et Reynaud, si efficace et si heureuse dans la Revue Encyclopédique, ne nous semble pas promettre de moins bons résultats dans leur nouvelle entreprise.

Les dix-huit premières livraison de l’Encyclopédie à deux sous renferment d’excellens fragmens qui doivent nous inspirer de hautes et justes espérances pour ce qui concerne l’ensemble du monument à élever : elles sont occupées par la première partie des mots si nombreux que commence la lettre A. Le philosophe Abeilard est bien posé ; le mot Abstraction est expliqué clairement ; la description de l’Abyssinie est pleine d’intérêt ; le tableau de l’Afrique est tracé avec les nouvelles connaissances de la géographie. Adonis témoigne d’une intelligence saine de la mythologie ; Adrien est apprécié d’une manière originale ; Adultère se termine par des considérations éloquentes sur un avenir possible dans la législation ; Âge est un des meilleurs morceaux ; il est divisé en âge géologie et âge histoire : les idées les plus nouvelles de la science géologique et de la science historique s’y trouvent résumées avec une force supérieure.

On ne peut lire la nouvelle Encyclopédie sans être frappé du talent probe et plein d’élévation qui en dirige l’esprit ; rien de futile ; pas de promesses ambitieuses ; les planches et les représentations pittoresques sont employées avec un sage discernement qui ne prodigue pas au début et hors de saison les ressources attrayantes de l’imagination. Les auteurs semblent tout-à-fait maîtres de leurs idées et de leurs matériaux ; leur marche est calme, parce qu’elle sera persévérante. « L’esprit de notre Encyclopédie, ont-ils dit en commençant, sera, nous l’espérons bien, de notre temps et de notre pays. On ne nous accusera sans doute pas d’indiquer par là des tendances exagérées et excessives ; il semble que jamais notre nation n’ait senti plus qu’aujourd’hui le besoin de se recueillir et de juger sainement sa position, avant de se décider à rien faire de nouveau ; et cette opinion est trop bien la nôtre, pour ne pas nous donner à l’avance notre garantie contre tous les reproches d’imprudence ou de légèreté. Cette publication sera donc une revue élémentaire et concise de la nature et de l’histoire, telles qu’elles doivent toutes deux nous apparaître du point de vue que nous occupons au milieu du dix-neuvième siècle et de la France. Nous ne négligerons ni les changemens introduits dans le ciel par les vues nouvelles de l’astronomie, ni les récits de la géologie sur les temps primitifs de notre globe, ni la connaissance de ces anciens êtres dont il ne nous reste plus que la dépouille, ni la description de ceux qui appartiennent à notre époque, ni les théories modernes sur le genre humain, ni surtout les lumières maintenant répandues, grace à l’étude des langues orientales, sur cette histoire si variée et si peu connue des nations d’Asie. Nous n’oublierons pas que Rome et la Grèce sont, dans la succession des âges et des idées, nos plus proches voisins, mais nous tâcherons de les tenir à leur juste valeur, et d’éviter la redite des anciennes leçons. Voilà, en aussi peu de mots que possible, ce que nous voulons ; cela nous paraît d’accord avec ce désir de connaître, si universellement senti dans toutes les classes, et nous nous mettons en marche, soumis en même temps à la pensée du public et à la nôtre. » Que dire de plus sage ? un langage aussi simple et aussi ferme ne saurait être tenu que par des hommes qui trouveront dans leurs convictions la puissance de l’exécution et de la persévérance. Ils ont su communiquer à d’autres cette foi qui fortifie et attire les hommes : tous les jours des savans célèbres viennent leur offrir leur concours ; des jeunes gens d’un talent plein d’avenir affluent ardemment ; les travailleurs se multiplient ; les rangs s’organisent ; il se forme un bataillon sacré pour l’instruction du peuple.

Mais faudrait-il craindre que cette vaste diffusion des connaissances altérât la grandeur de la science, de l’art, de l’érudition ? que l’étendue fît obstacle à la profondeur, et que les flots toujours grossissant de la foule instruite diminuassent l’élite des grands hommes ? Il n’y a pas de danger, car les progrès de l’humanité n’ont jamais compromis que la médiocrité. Il est vrai que les conditions de la grandeur individuelle deviennent plus dures et plus sévères ; mais cette grandeur augmentera au lieu de décroître, puisque, pour être, les grands hommes auront besoin de grandir encore.

Croire à la dégénérescence du génie, c’est dégrader l’esprit même qui n’en est qu’une diminution ; abdiquer volontairement quelques-unes des parties de la grandeur humaine, c’est à la fois faire les honneurs de l’humanité et les siens ; c’est trop de la moitié.

Mais la grandeur humaine varie, mais en variant elle augmente ; sans doute il est quelques-unes de ses faces qui peuvent pâlir dans un siècle pour reprendre dans un autre plus de couleur et de vie ; mais le temps ne fait que mûrir et fortifier les racines même du genre humain ; il ne les corrompt pas ; il remplace par des récoltes nouvelles les fruits dont l’espèce peut manquer ou s’amoindrir passagèrement.

Quand l’artiste et le savant instruisent le peuple, ils augmentent et exhaussent le public, dont ils relèvent ; ils rendent aussi plus nombreux et plus puissans les mobiles de leur génie. Quel poète, quel orateur, quel historien, quel statuaire, vraiment visité par l’enthousiasme, ne voudra pas appeler à la contemplation de son œuvre la plus grande majorité possible du genre humain, et ne voudra pas multiplier les échos sonores qui lui renvoient la gloire, les acclamations et les avertissemens ? Tournez-vous vers le peuple, artistes de notre âge, comme les orateurs d’Athènes se tournaient vers la mer ; parlez à tous, inspirez-vous de l’infini ; dédaignez les choses éphémères ; ne regardez même pas les idoles dorées ; n’ayez d’autre maître que Dieu, et d’autre roi que le peuple.

Si le peuple est souverain, il faut l’instruire ; mais comment est-il souverain ? La souveraineté du peuple est éternelle ; son application est successive.

La souveraineté du peuple est éternelle. Dès l’origine des sociétés, il a été vrai que la souveraineté appartenait aux sociétés même ; la souveraineté du peuple n’est autre chose que la supériorité de ce qui est général sur ce qui est particulier, du dévouement sur l’égoïsme, du droit universel sur le droit individuel ; la souveraineté du peuple est la traduction humaine de l’omnipotence de Dieu ; elle est la plus grande idée qui puisse avoir cours sur la terre ; elle est contemporaine de la vérité et du commencement des âges ; elle ne s’évanouira que dans le sein de Dieu, rappelant à lui les mondes ; elle est si peu, dans son essence, le triomphe brut de la force matérielle, qu’elle est le dogme le plus idéal auquel puisse s’élever l’esprit.

L’application de la souveraineté du peuple est successive, parce que l’éternité de la vérité ne se développe sur la terre que par la chronologie. Le prêtre a dit qu’il était peuple, et il ne mentait pas. Le roi, plus populaire que le noble, vint dire qu’il affranchissait le peuple, et il l’affranchit en effet. L’affranchissement donne la liberté ; la liberté mène à la science, et la science au pouvoir.

Instruire le peuple, c’est faciliter et élargir l’application de sa souveraineté ; comprendre cette souveraineté, c’est élever l’esprit humain à sa plus sainte vocation.

Quand on croit, en la comprenant, à la souveraineté du peuple, les choses les plus grandes et les plus dissemblables en apparence se revêtent de clarté. Inspectez-vous les religions, étudiez-vous les langues différentes du Verbe de Dieu, vous les trouvez toutes sacrées, inégalement dans la forme, identiquement au fond. Alors l’homme aime toutes les religions et n’en reconnaît qu’une ; la vaste symbolique de l’humanité lui réjouit l’ame et l’imagination ; sa pensée devient un temple où sont convoquées toutes les images qui ont été faites de Dieu : et derrière ces représentations brille comme une lampe éternelle l’idée, l’inépuisable idée d’où s’échappent d’âge en âge des étincelles que les hommes appellent des flambeaux. Alors on sent que dans les révélations historiques rien ne saurait être définitivement vrai : on les apprécie d’autant mieux qu’on distingue la convenance de leur avènement et la possibilité de leur fin ; on est juste, on a un tendre respect pour celle des religions dont on se trouve le contemporain ; on l’étudie dans ses beautés comme dans ses faiblesses ; avec un cœur bien placé on n’outrage jamais une religion, pas plus qu’on n’insulte une femme ; que si on croyait voir le présent échapper à cette religion, et l’avenir se fermer pour elle, on serait plus enclin que jamais à exagérer les mérites de son passé par une pieuse reconnaissance, et jamais de plus unanimes hommages n’auraient honoré son berceau, ses martyrs et son nom. Mais aussi le désir immortel qui invite l’homme à l’espérance d’un avenir meilleur redoublerait ses aiguillons : croire à la souveraineté du peuple, c’est croire au développement infini du génie humain, aux forces inépuisables d’une verve créatrice. Nous ne sommes pas seulement sur la terre pour écrire des oraisons funèbres ; les souvenirs du passé ne nourrissent pas l’ame suffisamment. Quand le christianisme fit une vertu de l’espérance, il crut au progrès, moins la volonté humaine ; croire vraiment au progrès, c’est outrepasser l’espérance chrétienne, ou si on le préfère, c’est lui donner l’appui de la volonté. L’homme du dix-neuvième siècle peut poser la question comme le fondateur du christianisme ; non solvere legem, sed adimplere : il ne saurait être anti-chrétien, mais il a le droit de travailler à devenir plus que chrétien.

Croyez-vous à la souveraineté du peuple et portez-vous cette foi dans l’étude de la philosophie et de l’histoire ? Alors la philosophie n’est plus pour vous un divertissement de l’école, une série d’abstractions inanimées, une manière de distraire les esprits en les abusant ; on ne sépare plus les vérités métaphysiques des conséquences sociales ; on aurait honte de la faiblesse ou de la perfidie d’un schisme semblable. La philosophie devient, pour celui qui croit à la souveraineté du genre humain, la modératrice naturelle des sociétés, la source éternelle où se baptisent et se régénèrent les religions, la somme, la formule et l’application de toutes les sciences. La philosophie n’est plus seulement une méthode, mais une conquête ; non-seulement une étude, mais une pratique ; non-seulement une spéculation, mais un gouvernement. On est homme enfin ; on n’affuble pas ses épaules du manteau de sophiste, et on apporte au peuple des idées fortes comme des armes destinées à ne pas ployer. L’étude de l’histoire n’a pas moins besoin que la philosophie de la croyance à la souveraineté des sociétés qu’on n’enferme plus dans un cercle fatal, quand on les sent progressives et maîtresses d’elles-mêmes. Vico fut novateur il y a cent ans, en rassemblant toute l’histoire pour la faire aboutir aux vérités formulées par le catholicisme, en enfermant l’humanité dans des cercles qui se multipliaient comme les replis du serpent mystérieux. Mais aujourd’hui le serpent s’est déroulé, et il trace aux yeux des nations une ligne droite. Si donc il y a dans les destinées humaines une direction fatale, comment en être l’historien sans croire à la loi qui les pousse ? Mais faut-il se contenter d’une foi tiède, vague, plus vaporeuse que claire, plus intermittente que continue ? Faut-il repasser sur les traces de la scienza nuova qui aujourd’hui n’est plus nouvelle ? Faut-il entrecouper le récit des choses humaines par des gémissemens ? Non, mille fois non. C’est dégrader l’histoire que de la faire pleurer, de l’ensevelir dans les catacombes ou dans les cloîtres du moyen-âge, et de se faire l’écho de vieilles douleurs. Vous lamenterez-vous plus éloquemment que Jérémie ? Éclaterez-vous par de mystiques indignations, plus véhémentes que celles de saint Bernard ? Prenez les sentimens de votre siècle et non pas ceux du douzième. Sans doute il y a au fond des choses humaines de la tristesse et du mysticisme. Mais ces deux mystères de l’humanité se trouvent à une bien autre profondeur que celle où croient les saisir de superficielles mélancolies. Il y a des hommes qui pleurent quand ils voient des ruines, ne soupçonnant pas que ces ruines sont la seule consolation du genre humain : mais pour pleurer plus justement, pleurons sur la difficulté de bâtir, ou plutôt n’amolissons pas par des larmes la trempe de notre volonté et encourageons le genre humain par des espérances pleines de raison et de gravité.

Quand on croit à la souveraineté du peuple, et qu’on a reçu du ciel la vocation d’artiste ; quand, par les vers, la palette ou le ciseau, on a mission d’enchanter les hommes et de leur donner des pressentimens de l’éternelle beauté, on puise dans l’amour du peuple cette moralité instinctive et profonde qui a toujours servi de fondement sacré aux chefs-d’œuvre reconnus et adorés par le genre humain. Le vrai poète ne peut pas plus renier le peuple, qu’il ne saurait renier Dieu : le grand écrivain, qu’il se serve du mètre ou de la prose, appartient au peuple, il rougirait d’écrire pour une caste et de descendre à une littérature aristocratique ; son génie est à lui, son ame à tous ; il frappe à son coin les idées du genre humain, métal précieux qu’il importe de faire circuler entre toutes les mains. On ne saurait contempler les débris mutilés de la sculpture antique, sans que ces marbres divins ne vous offrent une grande leçon : par ces vestiges on reconnaît comment les anciens comprenaient l’art ; ils s’en servaient pour prêter aux croyances sociales la forme la plus harmonieuse et la plus belle ; la société tout entière passait, pour ainsi dire, dans l’ame de leurs statues, et la pensée devenait claire à tous par des miracles de proportion et de grandeur, de convenance et de beauté. L’idéal et le populaire sont plus voisins qu’on ne pense. L’imagination du peuple offre toujours à ce qui est vraiment sublime une avide et intelligente passivité : elle s’ouvre plus facilement aux grandes splendeurs, qu’à ce qui est médiocre, restreint et terne.

Enfin, si vous croyez à la souveraineté du peuple, et si, poussé dans la vie publique, vous concourez soit au pouvoir législatif, soit au pouvoir exécutif, la foi qui vous anime agrandira vos actions et vos pensées. La politique, cette science et cette application des propriétés de la sociabilité humaine, perce à jour les hommes dans leurs grandeurs et leurs faiblesses : les petites ames y sont démasquées sur-le-champ, et leurs pauvretés s’y trouvent dénoncées par d’effrayantes lumières. Il faut aimer et comprendre le peuple pour valoir quelque chose dans la gestion des affaires communes : les hommes qui croient à la souveraineté sociale ne se cantonneront pas dans des préoccupations mesquines, ne se réfugieront pas dans les calculs et les négations de l’égoïsme, dans les appréhensions et les déshonneurs de la peur. Mener les choses dans un intérêt particulier, dans l’intérêt bourgeois, par exemple, c’est avoir l’air de se défendre, ce n’est pas gouverner ; au lieu d’unir les hommes et de résoudre les problèmes, c’est multiplier les difficultés et les dissensions, c’est, pour ainsi dire, organiser la guerre civile. Aux affaires il faut être peuple et non pas bourgeois. Eh ! le peuple, c’est tout le monde ; c’est le bourgeois, l’ouvrier, l’artiste, le soldat, le marchand et le savant ; c’est une collection d’hommes dont les différences et les inégalités se rallieront toujours à une idée générale, à une passion généreuse ; c’est une réunion de parties toujours destinées et toujours dociles Mais si, au lieu de comprendre le peuple, vous vous sauvez dans je ne sais quelle neutralité, qui n’est pas le centre véritable de la véritable unité, vous vous trouvez séparé tant des souvenirs et des derniers prestiges du passé que des forces et des espérances de l’avenir. Alors tout vous est dangereux et suspect ; le plus petit incident devient péril, le plus faible mouvement terreur ; alors on déclare la plus légère réforme aussi coupable que la plus considérable, parce qu’elle peut y conduire ; on veut, avec une obstination colère, fermer la vie politique à la pauvreté, au talent, à la vertu ; et de petits bras s’emploient à placer le dieu Terme entre le privilège et la privation. Devant l’Europe on n’aura pas plus de grandeur ; non-seulement on découragera les peuples ; on n’osera même pas regarder en face les rois ; la nation de louis xiv, de la République et de Napoléon, ne sera plus estimée suffisamment ; et il sera douloureux de passer la frontière pour aller entendre sur la patrie les propos des étrangers. Est-ce là donc vivre ? Est-ce là diriger une société ? Non, c’est se contenter d’y faire la patrouille, c’est réduire la santé à ne pas mourir aujourd’hui. Si l’amour du peuple inspirait ceux qui gouvernent, si le culte de la souveraineté sociale leur était une religion, ils trouveraient dans cette foi des ressources infaillibles. Mon Dieu ! ce qui est grand et vrai n’est pas si difficile ; et toujours on s’est donné plus de peine pour tromper l’humanité que pour la servir.

La souveraineté du peuple est donc un dogme, une religion, une philosophie, une poétique, une politique ; elle est le seul système vrai, parce qu’elle est le seul complet. Elle embrasse tout ; nous nous agitons dans son sein ; elle a commencé avec le monde ; le temps, à travers les siècles, n’a pas une minute qui n’ait coulé pour elle ; elle avance toujours ; sur son passage elle se nourrit de tout ; les hommes essuient leur front et fatiguent leurs bras en son honneur ; tantôt elle est patiente, tantôt fougueuse, jamais immobile ; elle est la civilisation même élevée à la moralité, elle est l’image de Dieu sur la terre.

Instruisons donc le peuple, puisqu’il est souverain de droit ; car le peuple le mieux et le plus instruit deviendra vraiment le peuple roi. À Rome il y avait un rhéteur, au rapport de Tite-Live et de Quintilien[2], qui recommandait toujours à ses élèves d’obscurcir les choses ; obscurcissez, obscurcissez, leur criait-il, et le plus grand éloge qu’il pouvait leur adresser était celui-ci : C’est parfait, je n’y ai rien compris moi-même. Il faut donner le conseil contraire ; éclaircissez, éclaircissez les choses. Ceux qui diminueront l’empire des ténèbres accélèreront le règne de la liberté.

Au surplus, comment ne pas placer dans la propagation de l’instruction populaire d’immenses espérances ? Les têtes humaines ne sont pas plus infidèles que la terre à rendre avec usure ce qu’on y a semé, et l’astre de la France a peut-être encore des ardeurs qui mûrissent vite les idées. Cinq ans d’instruction populaire, répandue avec ferveur, doivent multiplier largement dans la société les chances de génie et de talent ; ces premiers résultats, s’enchaînant à d’autres, augmenteront les germes et les virtualités ; la science s’accroît par la distribution : voilà la traduction démocratique du miracle des pains et des poissons. On nous criait, il y a quelque temps : Prenez garde, voici les Barbares. Ah ! prenez garde à votre tour, peut-être ces Barbares seront plus intelligens que vous ; peut-être trouverez-vous dans leurs rangs des talens qui étoufferont les vôtres ; peut-être les habiletés de votre rhétorique éprouveront-elles un jour la supériorité de la conviction et du génie. Si notre première révolution n’a pu triompher de l’Europe qu’en amenant sur les champs de bataille le peuple pieds nus et sans pain, et si des villageois sont devenus de grands capitaines, pourquoi donc la science, répandue dans les rangs populaires, n’aurait-elle pas les mêmes effets que la contagion de l’héroïsme, et n’amènerait-elle pas aussi des troupes fraîches sur le théâtre de l’action et de la pensée ?

L’esprit humain ne se met jamais en jachère, et il offre à l’intelligence éternelle d’inépuisables couches à féconder.

Il y a aussi dans l’esprit de notre nation je ne sais quelle promptitude et quelle vitesse à prendre les choses, les saisir, les tourner, les pénétrer, les retourner, les parcourir dans leur étendue, les mettre à nu, les mener à leur conséquence directe, les peser à leur juste valeur ; nous comprenons vite, nous concluons vite. Aussi je ne doute pas que la diffusion de l’instruction populaire ne produise en France des effets plus prompts, et des effets différens que dans d’autres pays : en Allemagne l’instruction populaire, répandue plus profondément qu’en France, s’est empreinte de ce que le génie national a d’intime, de sentimental et de mystique ; en France, cette instruction populaire, quand elle sera propagée comme elle doit l’être, se teindra également des couleurs de notre génie. Or, les deux plus saillantes facultés, et les deux plus grands besoins du peuple français, sont l’imagination et la logique ; aussi, quand vous aurez suffisamment instruit ce peuple, il vous donnera surtout des poètes, des orateurs et des philosophes.

Oui, l’imagination et la logique se montrent toujours dans notre nation avides de s’accroître et de s’exercer : néanmoins il s’est trouvé des hommes qui nous ont catéchisés pour nous engager à nous modérer sur ce point. L’imagination, nous ont-ils dit, est chose dangereuse, et dans notre siècle, elle doit faire place à la sagesse. En 89, on avait de l’imagination, on en avait encore en 96, à l’armée d’Italie ; mais aujourd’hui ce serait suranné. D’ailleurs nous-mêmes nous n’en avons pas, imitez-nous. Nous ne concevons rien à vos transports, à vos regrets, à vos désirs ; de vous ou de nous, quelqu’un a tort ; et comme ce ne peut être nous, soumettez-vous à la raison, à la souveraineté de la raison. La France, forcée de se passer d’imagination, voulut au moins, puisqu’on lui parlait de la raison, se retourner vers la logique ; mais aussitôt nos gens accoururent pour lui signaler d’autres périls. — La logique ! mais c’est une peste ; la logique est la ruine des empires ; jamais les états ne sont tombés que par la logique ; si vous raisonnez, vous nous perdez. — Mais que faut-il donc faire ? reprend la France ébahie. – N’ayez pas d’imagination, n’ayez pas de logique, et vivez bien. — Nos grands hommes d’état ne pourraient-ils pas au plus tôt se pourvoir d’une majorité parlementaire assez sage pour supprimer législativement l’imagination et la logique ? Pour nous, qui n’avons rien de commun avec cette inconcevable méconnaissance du génie de la France et de notre siècle, considérons comme un grand évènement et une grande espérance les progrès de l’instruction populaire, et puis encore ayons des conjonctures présentes la plus claire conscience. La fortune ne maltraite pas si fort les doctrines du progrès social, puisqu’elle leur donne du temps pour se former, se coordonner et se recueillir, puisqu’elle veut enrichir la liberté des résultats de l’étude et de la réflexion ; en vérité nous pourrions dire : Deus nobis hœc otia fecit. Réfléchissons : les révolutions victorieuses n’ont-elles pas une soudaineté fatale qui ne vous est révélée qu’au moment de les accomplir ? N’a-t-on pas trop appris que Dieu ne permet pas aux actions humaines de copier heureusement un dénouement sublime qui a déjà réussi ? La cause démocratique n’a plus besoin de martyrs : hélas ! elle n’en compte que trop ; elle a besoin de triomphes ; qu’elle continue tous les jours à grossir ses représentans dans tous les rangs, à s’enorgueillir des plus vigoureux talens parmi les hommes jeunes, à croire à la puissance et à la vertu des idées. Parce qu’il y a des gens qui se sont servis des idées, comme le héros du beau drame d’Angèle se sert des femmes, pour monter aux honneurs, et qui les brisent et les déshonorent quand ils sont arrivés au but de leurs convoitises, faut-il imputer aux idées une faiblesse et un déshonneur irrémédiables ? Faisons notre devoir, unissons-nous par un vaste prosélytisme d’idées et de sentimens ; exerçons notre volonté, appliquons-la à de bonnes et grandes choses par une persévérance qui en aiguise toujours l’efficacité. Dans les affaires humaines, il y a deux parts, celle de la volonté, celle de la destinée. La destinée n’est autre chose que la volonté de Dieu qui s’ajoute à la nôtre, le travail des hommes est de faire que Dieu doive attacher à leurs actions le succès comme récompense.


Lerminier
  1. On comprend dans quel sens est ici pris le mot chrétiens.
  2. Quintilien, livre viii.