L’Enfant du plaisir, ou les délices de la jouissance/02

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A dix-huit ans on n’est pas exempt de folies.


Le personnage qui voulait me servir dans cette occasion était un maître sire ; en fait d’amour et de malice, il avait été trompé tant de fois, qu’enfin il apprit à tromper les autres, ou tout au moins à éviter de l’être ; finalement monsieur Albino était dans le cas de soutenir une querelle et incapable d’abandonner un ami.

Le jour indiqué par le billet de mon infidelle n’étant point celui où l’on devait donner opéra, nous nous imaginâmes être joués par un nouveau subterfuge ; mais ayant appris que ce retard n’était occasionné que par quelques réparations qu’on avait voulu faire au théâtre, nous ne perdîmes point espérance, d’ailleurs Rose, que je voyais quelquefois, me prévint à l’instant favorable. Une femme affidée guetta Julienne monter en voiture pour se rendre à l’Opéra : elle l’y suivit, entra dans le spectacle, vit la loge où elle se plaça. Pour ne point la perdre de vue elle se munit d’un superbe bouquet, et passant de temps à autre devant le lieu où était ma perfide, elle parvint à se faire remarquer d’elle au point que celle-ci ne douta point que cette femme ne fut la messagère de son intrigue avec Lindor.

Albino et moi nous étions à un rendez-vous préparé pour l’exécution de notre projet sous le prétexte de prendre l’air entre deux actes ; Julienne impatiente, sortit, joignit la personne qui sans lui souffler mot, lui offrit le bouquet, et la suivit ; une voiture à portée les attendait et les conduisit dans le local où nous étions à les attendre.

Tout y était préparé pour nous soustraire à sa vue, Julienne entra avec son introductrice, ses regards se portaient sur tous les objets qui garnissaient l’appartement, elle s’assit, et la femme ressortit pour savoir où était monsieur Lindor, il devrait y être cependant, ou il n’est point loin d’ici ; en s’en allant elle éteignit sa lumière et revint sur ses pas : imprudente, lui dit Julienne ; pourquoi n’avez-vous pas eu la précaution d’en allumer une autre, toutes deux furent les cendres et cherchent le briquet, soins inutiles ; il leur est impossible d’allumer du feu ; il faut en aller chercher quelque part. C’est le plus court, reprit la messagère d’un ton fâché, je me suis si fort empressée pour vous aller trouver que j’ai oublié le plus nécessaire : encore si monsieur était ici, il vous tiendrait compagnie ; mais non il vaut mieux qu’il n’y soit pas, peut-être se fâcherait-il de mon imprévoyance. Allons je vais me hâter de réparer ma sottise. A ces mots elle rouvre la porte en lui disant, ah ! le voilà, et la tire fortement après elle ; je sors de derrière le rideau je m’étais tapi et je m’avance vers Julienne ; nous nous trouvons dans la plus grande obscurité, elle me croit son cher Lindor ; et comme il était sourd et muet je me retins de lui parler ; je brusque les circonstances en l’entraînant vers le lit ; en un clin-d’œil ses appas sont au pillage. Elle se fâche, se débat avec force, en disant à voix basse, je ne l’ai point encore vu comme ça ; il faut qu’il ait bu pour être aussi brusque le manant ; comment lui faire entendre raison ? Ah ! mon Dieu, que je suis donc malheureuse ; il était si complaisant la dernière fois… le plus prudent c’est de le laisser faire avant que cette femme n’arrive… Oh ! le butor… s’étant décidément résolue à se laisser faire pour n’avoir point à se défendre si long-temps, et s’éviter d’être chiffonnée davantage ; elle se poste contre le lit, se retrousse elle-même, et s’écarte avec soin. Je lui lève les cuisses et la fais tomber à la renverse par-dessus, et sans autres caresses j’introduisis avec précipitation mon vigoureux postillon dans le lieu que lui présentait Julienne. A peine y suis-je, que par un mouvement le plus inespéré la friponne reconnut que ce n’était point son amant. Elle glissa sa main par dessous sa fesse saisit les deux grélots velus qui sont toujours les témoins à la douce affaire ; après les avoir soigneusement tâtés elle fit un cri, en disant : malheureuse, je suis trompée, mon amant en a trois…

Je luttai toujours contre les efforts qu’elle faisait pour se dégager de mes bras, et j’aurais assurément triomphé si mon imprudent Albino qui sortit tout à coup de sa cachette n’eût tout empêché. Il ouvrit une petite lanterne sourde dont il s’était muni et parut en lui disant ; si votre amant vous en fait sentir trois, la belle, moi je vais vous en faire présent de quatre, et cela sur le champ.

Nous n’étions point convenus Albino et moi du signal que j’aurais lui faire pour qu’il ne parut qu’à propos. Jugez de la surprise et de la honte de Julienne dans un moment aussi critique. Jugez de sa confusion en se voyant dans un si grand désordre entre deux hommes, dont l’un la prend pour une putain, et moi pour une fausse prude ; ma contenance n’était pas moins critique ; car ma proie m’ayant échappé, je paraissais vaincu moi-même pour en avoir voulu vaincre un autre… Mon cher monsieur d’Angeville me dit alors Julienne en me prenant les mains, ne me perdez point de réputation, je vous en supplie ; intéressez-vous pour moi auprès de votre ami pour m’accorder la même grâce… Laissez-moi aller ; une compagnie qui est avec ma mère doit m’attendre ; je me suis servie du prétexte que la chaleur m’incommodait pour m’esquiver un moment, je les ai trompés, j’en suis bien punie, grand Dieu !… laissez moi m’en aller avant que cette femme ne revienne…

Albino l’assura qu’elle ne reviendrait point ; mais que lui, allait envoyer son laquais chez madame Naucré, pour lui mander de venir chercher sa fille qui a donné un rendez-vous amoureux à un certain Lindon, sourd et muet… Par la seule raison qu’il en a trois, en l’assurant aussi que nous lui remettrions la lettre… Les pleurs, les plaintes et les supplications de Julienne m’attendrirent ; mais Albino demeura inflexible… Enfin, on en vint aux accords ; la capitulation était précise, et quand le danger est pressant les sacrifices ne coûtent guères. « C’est donc à tous les deux, nous dit en tremblant la belle, qu’il faut que je me prostitue, pour obtenir la grâce que je vous demande. Oui, ma chère, lui répond mon ami, avec un peu plus de douceur ; ce sera l’affaire d’un quart-d’heure, vous accorderez à d’Angeville le bijou dont vous lui aviez laissé la jouissance, quant à moi, c’est différent ; chacun à son caprice, je vous demande le bisarre voisin, cela ne peut être bien long ; il est huit heures un quart, à neuf heures vous serez chez vous bien avant même que l’opéra ne soit fini… D’après ce, je vous jure ma parole que nous serons tous deux aussi sourds-muets que Lindon, et nous vous rendrons le billet que vous lui avez envoyé…

Eh bien ! ma proposition est-elle acceptée ?… Puisqu’il le faut répondit Julienne, en évitant de nous fixer… Allons, soit… Viens d’Angeville, et toi aussi ma belle… Voyons… voyons, examinons ensemble tous les trésors dont jouit ce monsieur Lindon… Nous allumons deux flambeaux sur la table de nuit et deux autres sur la cheminée ; à la proximité de la lumière, nous amenons notre victime et nous considérons dans le plus grand détail les charmes qu’elle abandonna à nos désirs ; nos attitudes sont plaisantes : Julienne est debout au milieu de nous ; Albino lui relève les jupes par derrière, tandis que j’en fais autant par devant, les épingles de son fichu que nous lui ôtons, nous servent pour attacher sa chemise de chaque côté ; chacun de nous adore le temple où il brûle de se fixer. Albino écarte ses fesses rebondies, le sentier lui paraît trop étroit, pour s’en rendre l’entrée plus facile, il humecte avec sa langue ; moi plus heureux, ma route était frayée, je venais d’en juger l’instant d’auparavant, après avoir ainsi provoqué ma belle au plaisir, nous nous introduisons tous deux dans le centre qui nous convient… La pauvre Julienne ne soufflait pas le mot, quelques soupirs échappés à regret ne se faisaient qu’à peine entendre ; pour nous faciliter davantage ou pour que sa honte soit moins longue, elle ouvre les cuisses, nous jouissons tous les trois ensemble, elle sent et reçoit à la fois l’effusion mutuelle de nos désirs, par ce voluptueux mouvement Albino lui disait, ma bonne amie, tu en sens quatre.

L’Enfant du plaisir, ou les délices de la jouissance, figure
L’Enfant du plaisir, ou les délices de la jouissance, figure

Cette scène fut courte, mais heureusement terminée ; nous procurâmes à notre amante commune tout ce qu’il lui fallait pour faire sa toilette, elle en avait vraiment besoin, nous bûmes ensemble un flacon de vin de Madère ; notre belle alors prit congé de nous, une voiture la remit chez elle.

Je ne pus m’empêcher en quittant Albino, de lui témoigner combien l’affront qu’il venait de faire à Julienne m’affligeait, et je lui représentai que nous aurions pu ne point pousser les choses si loin. — Quoi, me répondit-il, nous n’avons poussés les choses qu’au point où elles doivent aller ordinairement, par conséquent je ne vois pas que nous ayons été trop loin ; tout le monde a sa manière de voir, comme chacun a sa façon de penser… Moi, je ne trouve aucun mal à cela.

Tout plaisir qui ne tend pas au scandale, doit être permis ou au moins toléré… En son particulier notre belle se serait moquée de nous, si nous eussions eu la faiblesse d’en agir autrement. Un vieux philosophe nous dit que dans le principe de la création, un certain Être-Suprême ne forma qu’une créature de chaque espèce ; il s’aperçut bientôt qu’il s’était trompé, pour remédier à sa bévue, il divisa chaque créature en deux parties l’un fut le mâle et l’autre la femelle, pour qu’ils connussent le bonheur de se reproduire et de jouir entr’eux, et c’est depuis ce temps que les deux moitiés de cette première créature cherchent sans cesse à se joindre ensemble.

Il se faisait déjà tard, et comme je ne voulais point laisser à ma tante un motif de mauvais soupçon, ni de fâcheuse inquiétude, je rentrai au logis aussitôt que j’eus pris congé d’Albino. Le portier me prévint que l’on m’attendait avec impatience ; parce que nous avions quelqu’un, à souper. La curiosité m’excita à remonter plus vite, voir la compagnie qui venait de nous arriver. Je fus fort agréablement surpris d’y trouver une jeune personne de seize ans, son teint ne brillait pas de ces couleurs empruntées que mettent souvent les grandes dames, ou celles qui les imitent, il surpassait les roses et les lys ; la pudeur colorait souvent ses joues charmantes ; le feu de l’amour pétillait dans ses regards, ils pénétraient les cœurs de plaisir et de volupté ; un doux sourire achevait de l’embellir. Lorsqu’elle s’abandonnait à un rire enjoué, on découvrait des dents d’une blancheur ravissante. Un léger spincer pressait sa taille fine ; son mouchoir disposé artistement, montrait les contours d’une gorge dont le mouvement précipité, attirait tous les yeux ; ses bras étaient l’ouvrage des grâces, et son pied aurait donné de nouveaux charmes à Vénus… Mais quoi ! j’ose entreprendre de tracer le portrait de Lucille, car c’est ainsi qu’elle se nommait ; sa beauté le rend impossible. Elle était accompagnée d’une dame âgée d’à peu près trente-six ans, grande, bien prise dans sa taille intéressante par sa figure qui était encore très-fraîche, du reste costumée à la mode, point trop élégamment. Nous avions de plus deux jeunes gens guères plus âgés que mademoiselle Lucille, tous deux avaient un physique généralement agréable, raisonnaient peu, mais prudemment. Enfin, le dernier des convives était le frère de M. Audebert, naguère mon professeur, et si l’on peut s’en rappeller, maintenant le consolateur et le visiteur de madame de Naucré, etc., etc… Ce frère maternel s’appelait Osmond ; c’était un grand drôle brun à sourcils noirs, carré et taille à profil, l’œil vif, la jambe belle et nerveuse, la démarche altière, au demeurant il ressemblait au vigoureux étalon d’un couvent de cordelier.

Ma tante, après m’avoir présenté à toute la compagnie que je n’avais point encore l’honneur de connaître, comme je n’en étais pas connu ; nous fit mettre à table, j’eus la faveur d’être placé à côté de Lucille ; un feu brûlant s’alluma dans mes veines, je sentis mes yeux s’animer, je repris un nouvel être. Oh ! beau sexe que j’adorerai toujours, si tu pouvais toujours m’être sincère, reçois ici un hommage que je dois te rendre, en t’aimant on est heureux, sans toi, il n’existe point de bonheur ; mais achève de remporter ta victoire, que tout l’univers soit soumis à tes lois. Que tes soupirs, que ta voix nous fassent tomber les armes des mains ; empêche-nous d’être cruels, c’est là le terme de ton triomphe.


Traitez-moi de fou, d’imbécille,
De libertin, de suborneur.
Peu m’importe, jamais Lucille
Ne s’effacera de mon cœur.


On fit honneur au repas, on mangea beaucoup, on but encore davantage, surtout monsieur Osmond ; Bacchus lui donnait l’organe de Stentor et la gaîté d’Anacréon ; sa conversation n’était point ennuyante, elle me laissa l’avantage de déclarer mon amour à Lucille, un doux sourire fut sa réponse et me permit de penser que je parviendrais à l’attendrir. Les deux jeunes gens, l’un qui portait le nom de Limade, était le neveu d’Osmond ; l’autre Julien, était destiné à voyager dans les villes de commerce pour en apprendre les élémens ; je leur fis d’autant plus d’accueil que je savais qu’ils ne pouvaient me nuire auprès de Lucille, dont même il ne fut point question à leur égard. Quant à la dame qui était avec Lucille, ma tante ne l’appelait que sa bonne amie, et ce ne fut que quelque temps après que je pus la connaître ; tout ce que j’appris, c’est qu’elle avait amené cette aimable société chez nous.

Je demandai à cette dame et à Lucille la permission de les reconduire, et cela me fut accordé ; nous partîmes sur-le-champ ; car elles ne voulurent pas demeurer davantage, et nous laissâmes chez ma tante Julien et Limade avec M. Osmond. Cette heureuse mission me facilita pour parler à mon adorable Lucille, qui ne me répondait autre chose que : vous êtes bien honnête, monsieur. Sa compagne porta un heaume consolateur dans mon âme en me répondant pour Lucille que la chose n’était point impossible.

De retour au logis, je remonte à ma chambre, mon valet était absent : de peur d’interrompre quelqu’un, ou plutôt d’éveiller ma tante, je m’évite de l’appeller, je le cherche pour avoir ma clef, et je le rencontre sur l’escalier ; il me dit tout bas de me taire, et me fait remarquer la fenêtre de l’appartement de ma tante ; les rideaux blancs étaient fermés ; mais à la faveur de la lumière qui était dans l’intérieur, on voyait l’ombre de deux personnes des deux sexes qui s’approchaient l’une de l’autre pour se donner des baisers. Nous descendons lestement dans la cour, mon valet m’aide à monter après la grille d’une cuisine, je me cramponne au balcon de la croisée du premier dont un battant était ouvert ; je me blottis derrière le rideau en empêchant que le vent ne l’entr’ouvre ; je vois tout l’amoureux mystère. C’était ma chère tante avec Je vigoureux Osmond. Abeline avait été une beauté, et quoiqu’âgée de trente-trois ans, elle était encore très-bien : depuis cinq ans elle était veuve. Mais, lui dit-elle, à voix basse, y songez-vous ? Que signifient ces façons-là ?… Est-ce qu’on manque à ce point à une femme comme moi ?… en vérité c’est affreux… oui, d’honneur, cela est bien honnête de votre part… pour moi, je ne vous conçois pas… Osmond… je vous en prie… ôtez donc… vôtre… doigt… ah !…! ah !… mon… ami, je… b… rûle… dieux… finissez donc… je n’en… puis… plus… ah !… ciel… tenez… tenez… comme vous… m’accommodez… quelle imprudence… mon neveu peut venir.

Pendant ce dialogue et ce tendre exercice il la tenait sur ses genoux ; mais d’une façon à ne point craindre sa résistance ; il parvenait à la déshabiller presqu’entièrement. Dans cet état il la porta sur une ottomane, pour se préparer lui-même à triompher de ses charmes ; il s’approcha d’elle tout rayonnant de gloire et de luxure, et montrant un priape capable d’étonner et de révolter même par la rareté de sa taille. J’avoue que quoique je m’attendisse à quelque chose d’approchant, je fus confondu de l’apparition.

« Hélas ! lui dit Abeline, d’un ton de langueur dès qu’elle sentit la première tentative, finissez, de grâce… vous me tuez… fous m’étouffez… Ah !… juste ciel… vous êtes monstrueux… ah ! cela est terrible… Ne comptez pas désormais que j’aurai cette complaisance… je vous le dis pour la dernière fois… Si l’on savait des choses pareilles !… Vous me blessez… doucement… plus doucement… ah !… dieux… je n’aurais jamais cru… que tu eusses entré… jusques… là… » Les deux amans commencèrent alors une joute aussi rapide que vigoureuse. Abeline croisait ses jambes sur le dos de son amant ; les transports d’amour et de plaisir remplacèrent de vaines simagrées. Elle secondait par de fréquens bondissemens les secousses qu’elle recevait de son robuste vainqueur, en lui disant… Quel plaisir voluptueux tu me fais… mon bon ami… encore… toujours… ah !… foutr… mon tendre ami… je me pâme… je… je… me meurs dans… tes bras… Osmond était moins parlant dans l’action ; il ne lui disait rien autre chose que ma petite, ma petite reine, ma petite maîtresse, ma petite f… emme… mon… cœur… que tu es jolie… comme tu es… étroite… tiens… tiens… ma bonne… que tu me fais plaisir… je t’aimerai toute ma vie…

Par leurs transports, je comptai environ trois assauts qu’ils s’étaient donnés mutuellement, lorsqu’Abeline se plaignit d’être fatiguée… Tu ne peux point coucher ici, lui dit-elle, et il est bien tard. — Je le voudrais, ma bonne amie, mais cela m’est impossible. Depuis hier que je suis à Paris, on ne saurait à mon hôtel garni ce qui pourrait m’être arrivé ; mon neveu et mon domestique, qui m’ont laissé avec toi, pourraient penser quelque chose à ton égard. — Te reverrai-je avant ton départ pour Nantes ? — Oui, je l’espère, il faudra faire en sorte de jouir encore un moment… Adieu, ma chère amie. — Adieu, mon tendre ami ; je t’en prie de la discrétion. — Je te prie de n’en point douter. Ils s’embrassèrent tendrement et Osmond se retira dans le plus grand silence.

Ayant fermé sa porte, Abeline rentra dans son appartement, je sortis du lieu où j’étais et je me trouvai devant elle. Elle fit un cri et se trouva mal ; je lui donnai du secours. Dès qu’elle eût repris connaissance, elle me demanda ce que j’avais vu et comment je m’y étais pris. Je lui en rendis un fidèle compte sans lui parler de mon valet… Elle pleura amèrement, me demanda grâce, me pria d’être discret, en m’assurant que, pour éviter la visite d’Osmond, elle allait aller à la campagne pour quelque temps. Elle me prévint que, pour deux ou trois jours, le jeune Julien coucherait dans ma chambre jusqu’à son départ pour Bordeaux. — Après l’avoir embrassée et consolée mille fois, je lui dis jugez, ma chère petite tante, dans quel état je vais passer la nuit après avoir été témoin d’un aussi joli tableau, après vous avoir vue dans les bras d’un homme qui, bien sincèrement parlant, occupait la place que je devais avoir dans votre cœur, seriez-vous donc assez cruelle de me refuser par amitié ce qu’un téméraire vous a fait pour ainsi dire par force… Abeline me pria instamment de ne rien exiger d’elle surtout par intérêt, me représentant que le saisissement qu’elle avait éprouvé à mon aspect la rendait en ce moment incapable d’être reconnaissante. Elle me dit, combien doit inspirer du dégoût pour soi-même un lieu qui vient d’être si copieusement pollué par un autre, que d’ailleurs elle sentait une certaine apparition périodique qui rendait la chose impossible pour le moment ; mais que quand elle se serait convaincue de ma prudence, elle ne serait point ingrate. Je voulus insister, tous mes propos furent inutiles.

Etant retiré dans ma chambre, je trouvai l’aimable Julien, il ne s’était ni déshabillé ni couché, il craignait d’être malhonnête à mon égard ; son valet l’avait quitté pour aller au devant de moi, et n’avait point reparu… Si j’eusse présumé que vous fussiez ici, lui dis-je, j’aurai frappé, vous m’auriez ouvert, et je me serais évité d’interrompre ma tante jusqu’à présent.

Julien s’était amusé pendant mon absence à fouiller dans ma bibliothèque ; il y avait trouvé les livres les plus licencieux, enrichis de gravures. Parmi celles qui lui faisaient le plus de sensations, c’était Socrate qui s’amusait à jouir d’Alcibiade et d’Agathon. Connaissez-vous ce plaisir-là, me dit-il ? — Non, et vous ? — Moi, j’en ai connaissance ; quand j’étais au collège avec Limade, nous nous y sommes amusés plusieurs fois. Songez qu’il n’est pas sans mérite ; peut-être que si nous eussions pu nous procurer des femmes nous n’y aurions jamais pensé. Souvent on tombe dans l’erreur par excès de délicatesse. Je lui racontai la scène d’une petite femme-de-chambre (Rose), qui me tira du séjour de Vénus sans me laisser le temps de fournir ma carrière pour me glisser dans son centre voisin, par la crainte d’être mère sans être femme légitime. Il me crut ah ! lui dis-je, si c’était Lucile, elle est capable de me faire commettre tous les excès et toutes les folies. — Vous l’aimez ? — Oh ! plus que moi-même. — Eh bien ! mon cher d’Angeville, si vous voulez que nous socratisions ensemble, dès demain je vous mène auprès d’elle. — Je le veux bien, de tout mon cœur. — Touchez-là. — Soit, ainsi qu’il est dit.

La posture où j’avais vu Abeline m’avait animé jusqu’à la fureur, l’espérance de voir Lucile me transporta jusqu’à la folie ; c’est ce qui m’engageait à consentir à tout. D’ailleurs, me dis-je, si c’est un plaisir, il faut au moins que j’en connaisse les effets.

Julien se disposa. — Tiens, mon ami, me dit-il, tu vas me servir ; je ne te le cède pas pendant ce temps par une douce pollution, tu me provoqueras au plaisir sans en réaliser la cause, pour que je puisse avoir mon tour. Il se découvre : mes yeux novices et égarés admirent ses proportions. Quoi, me dis-je à moi-même, je ne vois rien là de hideux ni de rebutant ; il joignait à une carnation superbe des formes séduisantes, une peau aussi douce que celle d’une vestale, un ventre, des cuisses et des fesses rondes, lisses et fermes comme du marbre. Il me considéra aussi, et parut aussi satisfait de moi-même, que je semblais l’être de lui.

Julien prit alors mon doigt viril, l’humecta fortement avec sa salive. Je me présentai, il se prêtait à la circonstance ; je saisis ses deux globes postérieurs, je les entrouvris autant que possible : au bout de quelques secondes, je pénétrai dans ce séjour masculin, que le crépuscule des ignorans dévoue à l’horreur des imbéciles. Dieux ! quelle étrange sensation… quelle mâle chaleur semble embraser l’objet qu’on y introduit… Je m’empare de son pénil pour le titiller un moment. Julien me prodigua les expressions les plus transportées… pousse… enfonce, me dit-il, mon cher d’Angeville, ne me chatouille plus, va, va toujours… Bientôt l’effusion essentiel me donna la fin de mon expérience… Mon camarade, transporté, se relève et me place les deux mains appuyées sur mon canapé, une glace répétait nos positions. Je sens moi-même intérieurement l’effet que je viens de communiquer ; il était bouillant de luxure, il me pollue lui-même fortement, et enfin un extase voluptueux finit le duo entre nous.

Nous nous déshabillâmes pour nous mettre au lit, car il était trop tard pour ne pas se coucher, et trop tôt pour rester debout. Je lui renouvelai la promesse qu’il m’avait faite, il me la confirma de nouveau, et nous nous reposâmes paisiblement tous deux jusqu’à

Au moment où je me levai, j’appris par mon valet, qu’un nombre infini de visites était venu, qui toutes s’en étaient retournées en me laissant un mot d’avis ; l’un était de Mme Constance, qui ne sait à quoi attribuer le motif d’une absence aussi longue, elle ne m’avait point vu depuis quinze jours ; un autre était de madame D…, marchande de modes, qui demandait, ainsi que l’on faisait aux ministres, le jour et l’heure où l’on pourrait me voir. Enfin, un autre de ma tante, qui m’avait attendu inutilement pour déjeuner, et qui me faisait dire que je ne manque pas de me trouver à dîner.

Je me dépitais contre moi-même ; je me disais avec humeur : quel danger d’être connu, on se fait des amis, ils vous envoient à la fois cinquante rendez-vous. Mais, puisqu’on ne peut suffire à tout, à qui faut-il que je donne la préférence ? à ma tante. Oui, ce ne doit être qu’elle qui gagnera la préférence ; d’ailleurs elle me fait des avances qui ne doivent pas être négligées, elles sont l’effet de ses promesses. Mais, je me trompe, en fait d’amour, il faut être sincère et juste, ce doit être Constance, depuis long-temps je ne l’ai vue, elle doit passer avant elle. Quant à la modiste, elle reviendra quand elle voudra. Voyons ceux qui ne m’ont point écrit, c’est Albino ; j’ai parole avec lui, il aura la préférence… Que dis-je, insensé, bourreau de mon amour, et Julien doit me mener chez Lucile ; c’est le seul objet dont je dois m’occuper… il en arrivera tout ce qu’il pourra avec les autres, peu m’importe, tous mes vœux seront pour Lucile.

Julien arriva au milieu de mes réflexions ; il avait été faire une brillante toilette chez son ami Osmond, et venait me prendre pour aller voir mademoiselle Lucile. Costumés tous les deux dans le dernier goût, nous descendions l’escalier, ma tante, qui me guettait, nous aperçut, et me dit d’un ton si doux, qui lui était toujours naturel, où allez-vous donc, messieurs ? J’eus l’imprudence de lui répondre assez brusquement ; Madame, nous allons quelque part où nous sommes attendus. A propos, dit sans ménagement, lui fit de la peine ; je me retournai pour la fixer, et je la vis les yeux larmoyans, rentrant dans son appartement. Dès que nous fûmes montés en voiture, mon ami et moi, mon esprit s’occupa d’elle ; je pensais au chagrin que j’avais pu lui causer par mon imprudence, je me la représentai accablée de douleur et de regrets relativement à ce que je savais, puis à l’indifférence marquée de ne lui avoir point répondu à l’invitation qu’elle m’avait faite de me rendre chez elle. Insensé, imprudent ; moi-même j’afflige dans ce moment l’objet à qui je suis le plus cher, la seule peut-être qui m’aime bien sincèrement, à qui je dois tout… Qui sait… elle imagine sûrement que je la déteste ou que je la méprise… Mon silence étonna Julien ; il m’en demanda la cause. Ne voulant pas la lui faire connaître, je feignis l’ignorer moi-même, et notre voiture allait toujours grand train ; elle s’arrêta dans un des guichets du Louvre, comme une autre voiture entrait. Nos cochers, jaloux l’un de l’autre de ne point reculer, restaient immobiles ainsi que nous ; une dame aussi élégante que jolie mit la tête à la portière, et me dit d’un ton un peu piqué, nous y resterons, monsieur d’Angeville… C’était madame Constance, qui venait de la campagne ; elle demanda la permission à Julien de me laisser entrer dans son carrosse, pour me faire part de quelque chose qui devait m’intéresser. J’obéis, n’ayant point la force de refuser, et mon ami me dit qu’il allait m’attendre au café des Tuilleries. Je reçus de madame les plus sanglans reproches ; j’eus beau inventer mille prétextes, il n’y en eut aucun qui fut trouvé valable : on me reprocha mon inconstance ou plutôt mon ingratitude. Je demandai mon pardon ; je l’obtins, mais aux conditions de me trouver le lendemain au lever de madame ; elle avait mille choses à me communiquer, qu’il n’était ni prudent ni possible de se dire en si peu de temps, surtout dans une voiture et en présence de ses laquais. Je promis donc tout ce qui me fut possible de promettre, et je la quittai pour rejoindre mon camarade… Enfin nous arrivons au lieu qui flattait mon espoir ; nous trouvons mademoiselle Lucile avec une femme d’environ soixante-dix ans, maigre, laide, jaune et ridée comme une panse de mouton : ce spectre vivant était pourtant la mère de ma bien aimée. Sa petite fille lui dit qui nous étions, où et comment elle nous avait vu. A quoi la vieille répondit : « Eh bien ! qu’est-ce que cela m’importe ; je vous ai déjà dit que je ne voulais point que vous m’ameniez de freluquets chez nous. Quand j’étais fille et que je fus femme, il ne venait jamais personne à la maison ». Je le crois bien, dis-je en moi-même, vous étiez assez laide pour cela.

Monsieur Julien, pour me servir, veut raccommoder l’affaire et lui conte bref le motif légitime de notre visite, il s’agit de mariage et ceci est un point d’honneur et de délicatesse. Ce n’est qu’après avoir connu positivement mes intentions et mon amour pour la belle Lucile que monsieur Julien s’est chargé de m’introduire et de me présenter, voilà le véritable fait lui dit-il, ma respectable dame. La vieille toujours revêche, lui répondit : « Par ma foi, monsieur voilà une belle recommandation que la vôtre, il sied bien à un morveux tel que vous de m’en amener un autre que je ne connais pas davantage ; allez tous les deux à l’école avant de vouloir vous marier, mademoiselle n’a pas besoin de vous ; elle a ce qu’il lui faut, ce qui lui convient ; c’est un homme mûr, rassis et qui ne cache point la moitié de sa figure sous ses cheveux et l’autre dans sa cravatte, » Je voulais me retirer ; mais mon complice insista pour lui répondre : « Pardonnez, lui dit-il, hideux et respectable reste du temps passé ; sur votre avis nous allons retourner à l’école pour apprendre la politesse ; car vous n’êtes pas capable de nous la montrer. Sans attendre la fin de ce discours, la vieille en colère nous détache un soufflet, le meilleur que l’on puisse donner ; il n’est point d’harengère de la halle capable de mieux s’en acquitter, nous faisions alors tous les quatre le plus comique tableau, Molière en eût tiré un parti excellent ; Julien tenait sa joue meurtrie, et moi mon nez ensanglanté, l’aimable et sensible Lucile fit un cri de douleur et d’effroi ; elle tomba évanouie, la vieille édentée nous dit : donnez-lui du secours, et s’adressant à Julien : conduisez-moi dans ma chambre, lui dit-elle pour m’aider à chercher le flacon d’eau de Luce, il la conduisit et tous deux disparaissent pour aller chez cette mégère dont le logis était un étage au dessus.

Je pris alors ma Lucile dans mes bras et la portai sur un vaste fauteuil qui se trouvait à ma portée, je lui desserre son corset et je colle ma bouche sur son sein de neige, et sur ses lèvres décolorées par la faiblesse qu’elle éprouvait ; elle ne respirait que difficilement, brûlant d’amour et de désirs, je perds dans ce moment tout sentiment de délicatesse. Je glisse une main libertine sous sa jupe légère. Dieux que d’attraits ! que de beautés ! Je ne savais auquel donner la préférence, tous indistinctement reçurent et mes baisers et mes hommages ; je m’enivrais de plaisir sans pouvoir me rassasier, Lucile, la tendre Lucile toujours évanouie, ne se défendait pas. Enfin en proie aux transports les plus vifs, j’achevai d’écarter tous ses vêtemens, et les obstacles qui s’opposaient à mes désirs. Heureux d’Angeville ? que de charmes devinrent la proie de tes mains et de tes regards avides ! rien ne fut plus capable de m’arrêter, le monde entier aurait en vain tenté de me faire lâcher prise, bientôt je transportai Lucile sur un lit, après avoir fermé la porte. Je la place dans la posture la plus voluptueuse : j’entrouvre sa coquille adorable, sa garniture touffue et frisée était couleur de châtain et cadrait parfaitement avec la rose de son centre, deux petits cygnes en forme de lentille se trouvaient au bas de ses bords ; on aurait dit que la nature les y eût peins exprès ; ce que je voulais y introduire ne put pénétrer dans ce séjour où nul mortel n’avait point encore eu le bonheur d’habiter ; Lucile était encore vierge, elle demeurait toujours évanouie.

J’aurais dû, je l’avoue maintenant, respecter sa situation et son innocence, cela fut impossible ; je hâtai sa défaite et mes plaisirs avec une vigueur qui m’était bien nécessaire dans cette occasion ; ce fut hélas ! plutôt un massacre que le sacrifice volontaire d’une victime ; le sang sortit abondamment de la blessure, la pauvre petite fit un cri à fendre l’air et reprit connaissance, ses pleurs ne purent m’arrêter ; que de larmes précieuses ! que de soupirs ardens ! quelle volupté indiscible ! le lit gémissait sous les coups redoublés du sacrificateur ; je serrais ses cuisses sous mes bras, et mes mains posées sous ses fesses adorables… « juste ciel ! s’écria Lucile, au secours… que je suis donc malheureuse ! c’est vous, c’est vous monsieur qui agissez ainsi envers celle à qui vous avez juré tant de sentimens d’estime, d’attachement et d’amour ? est-ce là l’effet de vos promesses ! vous venez de me perdre en vous perdant vous-même ; car songez que mes parens ne laisseront pas là les choses… ah ! monsieur d’Angeville, ce n’est pas ainsi qu’on parvient à se faire aimer… je souffre le martyr… monstre que vous êtes… ! c’est vous qui profitez d’un instant de faiblesse et d’anéantissement pour m’immoler à votre luxure… sont-ce là les secours que j’aurais dû attendre de votre humanité ou de votre bienveillance ?… lâche… infâme, libertin qui avez l’audace ou plutôt la barbarie de profiter d’un moment où une innocente s’évanouit pour la deshonorer, pour la perdre peut-être à jamais, s’il en résulte quelque suite…, retirez-vous, vous êtes un malheureux, un traître, un scélérat, retirez-vous, vous dis-je, je ne veux plus vous voir… Grands Dieux ! les infâmes ! qu’ont-ils fait de ma bonne maman ? pourquoi s’en est-elle allée ?… les indignes ! l’un d’eux l’a emmenée pour laisser à l’autre le temps de réaliser son projet perfide… Miséricorde ! dans quel état suis-je ? »

Sa jupe et sa chemise étaient tachées ; nous étions tous les deux dans un désordre inexprimable ; Lucile avait le teint pâle et défait, elle était si tremblante qu’elle ne pouvait se soutenir qu’avec peine ; une sueur abondante mouillait son front… je m’offris pour l’aider ; mais elle me repoussa brusquement ; des pleurs amères, effets sensibles du chagrin, de la honte et de la douleur se répandaient sur ses traits enchantés… J’éprouvai dans ce moment moi-même le repentir de mon audace en frémissant sur la témérité de mon crime… ce fut alors pour la première fois de ma vie, que je sentis dans mon âme les atteintes du désespoir…

Je me jettai aux genoux de ma belle, l’amour rend éloquent ; tout ce que sa force m’inspirait, me suscita les expressions les plus passionnées : « Lucile, lui dis-je avec cet air contrit qu’éprouve toujours un cœur repentant, je ne veux point me retirer, je préfère attendre de vous la punition dûe à mon forfait ; déclarez à vos parens l’attentat commis sur votre personne ; qu’ils me dénoncent à la justice ; je me soumets à tout ce qui peut m’arriver de votre part… votre beauté est l’auteur de mon crime, et ma perte dépend de votre cœur. »

Elle ne me répondait rien ; la pauvre innocente s’occupait à se rajuster. Elle prit une petite cuvette de porcelaine, de l’eau, une éponge, quelques gouttes d’eau de lavande pour rafraîchir sa blessure, je l’aidai dans cette opération ; elle changea de chemise, puis se remit dans le même fauteuil où je l’avais placé au départ de la vieille : il était temps, car on frappa fortement à la porte. Je repris mon mouchoir et j’ouvris en me tenant le nez comme si j’eusse éprouvé une vive douleur.

La vieille et Julien reparurent, Lucile d’un ton faible et dolent lui dit : « Vous n’avez pas été long-temps, ma bonne maman, en vérité ; d’où venez-vous donc maintenant ? on aurait bien le temps de mourir en attendant votre secours » madame Raimond lui répond avec tendresse : « Ah ! ma chère enfant, j’en suis au désespoir ; ma clef s’est remplie d’ordures, et voilà près de trois quarts d’heure que monsieur Julien passe à la déboucher. » « Ah ! lui dis-je, ma respectable dame, Je n’ai trouvé qu’une fiole d’eau de lavande et je m’en suis servi assez à propos, et votre demoiselle se porte moins mal. Julien et moi, nous présentâmes les plus humbles excuses à la grand’mère des soufflets que nous avions reçus. Je lui demandai avec instance la permission de venir quelquefois lui présenter mes respects, et m’informer de la santé de l’adorable Lucile, ma demande fut accordée et nous partîmes.

Pendant notre retour, je racontai mon aventure à mon ami ; il en avait quelque soupçon… Eh bien ! me dit-il voilà la connaissance entièrement faite avec Lucille ; mais il peut se faire qu’elle ne soit pas pour vous, car la vielle m’a raconté qu’un monsieur Méau de Saint-Didié, homme fort riche, mais âgé de soixante ans, secrétaire d’ambassade, la recherche pour le mariage, et en a déjà fait la demande à sa mère… Il en arrivera tout ce qu’il doit en arriver, lui dis-je ; mais je lui ai frayé un chemin qu’il n’aurait jamais pu se frayer lui-même. Je me séparai de Julien qui allait rendre quelques visites, et je retournai au logis pour consoler Abeline du plaisir que mon absence m’avait paru lui causer au moment de mon départ.