L’Espion libertin ou le Calendrier du plaisir/01

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Au palais égalité (Gay et Doucé) (p. Frontisp.-8).
L’espion libertin, 1882 - Frontispice
L’espion libertin, 1882 - Frontispice
L’espion libertin, Bandeau de début de chapitre
L’espion libertin, Bandeau de début de chapitre

DIALOGUE

ENTRE
LE PASSANT ET LE COLPORTEUR


LE COLPORTEUR.

Monsieur, voulez-vous l’Espion libertin ou le Calendrier du plaisir ?

LE PASSANT.

Hum !., ces titres-là…

LE COLPORTEUR.

Sont des titres à la reconnaissance de tous ceux qui aiment à se divertir avec garantie.

LE PASSANT.

Quelle main a pu tracer un pareil écrit ?

LE COLPORTEUR.

Celle du plus sincère et du plus galant libertin.

LE PASSANT.

C’est-à-dire celle d’un homme sans mœurs, sans vertu. Un pareil libelle ne peut que faire naître le désir, émousser les passions, provoquer au vice, et accroître le nombre, déjà trop dangereux, des héros du libertinage. C’est un conducteur perfide qui, se pavanant d’un faux zèle, s’engage à nous mener dans les lieux les plus agréables de cette nouvelle ville de Cythère, et finit par nous perdre dans des détours sinueux, dans un dédale obscur, où nous attend le Minotaure sous la figure de Vénus.

LE COLPORTEUR.

Monsieur, ce petit recueil n’est pas tout cela ; c’est Mercure se promenant dans les jardins riants de Cythère ou d’Idalie ; indiquant à ceux qui se promènent avec lui, les parterres où fleurissent les plus douces, les plus agréables plantes, et nous écartant des fleurs vénéneuses, en nous montrant les bosquets où elles croissent, et en nous faisant connaître le poison cruel qu’elles cachent sous l’apparence des plus beaux attributs de Pomone et de Flore.

LE PASSANT.

Pour un colporteur, tu emploies assez bien la similitude, les parallèles.

LE COLPORTEUR.

Eh bien ! monsieur, laissant à part les figures de rhétorique, cela veut dire que vous avez la liste des plus jolies femmes du palais du Tribunat, leur manière de se conduire ; et que vous pouvez ainsi fréquenter les plus aimables, et fuir celles qui sont dangereuses.

LE PASSANT.

Combien vends-tu ton Mercure, puisque tu le nommes ainsi ?

LE COLPORTEUR.

Trois francs, monsieur.

LE PASSANT.

Donne-m’en une douzaine, je connais beaucoup d’honnêtes bourgeois qui se laissent tromper tous les soirs, et je leur en céderai un exemplaire : je suis sûr qu’ils me sauront gré d’avoir pensé à eux. Tiens, voici trente-six livres.

LE COLPORTEUR.

Monsieur, je vous remercie.



L’Espion libertin, vignette fin de chapitre
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