L’Exposition pour tous/II/La Porte Monumentale

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Montgredien et Cie Voir et modifier les données sur Wikidata (p. 12).

La Porte Monumentale.

La Porte Monumentale, précédée de deux grands mâts artistiques surmontés de phares électriques et brillamment pavoisés, s’élève à l’entrée du Cours-la-Reine, à 150 mètres de la statue qui forme le coin de la place de la Concorde. Bien que classée modestement, sur le plan officiel, comme « porte numéro 29 », c’est certainement l’un des « clous » de l’Exposition, tant par ses dimensions imposantes que par l’éclat de sa décoration. On devine, en la voyant, que M. René Binet, son architecte, est doublé d’un peintre de talent.

Ce monument est constitué par trois grandes arches égales, de 20 mètres d’écartement, accolées en triangle, et portant une coupole hémisphérique qui couvre 500 mètres carrés de superficie[1]. Les trois voussures sont ajourées comme une dentelle et les ajours entourés de cabochons de couleur pris dans un ornement, qui deviennent lumineux la nuit. La coupole est dorée et ajourée.

la porte monumentale
Entrée principale de l’Exposition.

L’arche principale, en façade sur la place de la Concorde, s’épanouit à son sommet en une sorte de large fronton, au milieu duquel se projette en avant la proue du vaisseau de la Ville de Paris sur laquelle chante le coq gaulois. Au-dessus, s’élève à 35 mètres une statue de 6 mètres de hauteur, œuvre de M. Paul Moreau-Vauthier, représentant la Ville de Paris accueillant ses hôtes. L’originalité de cette figure réside surtout dans son modernisme. Rompant avec la tradition des allégories grecques et romaines, son auteur a reproduit hardiment une Parisienne mondaine, mise à la dernière mode, à la fois hautaine et séduisante. De chaque côté de l’arche, deux exèdres portent chacun une grande frise décorative cintrée, de 9m,50 de développement sur 2m,16 de hauteur, en grès flammé, c’est-à-dire, à teinte grise sillonnée de traînées rougeâtres. C’est la frise du Travail, exécutée par le statuaire Guillot représentant, plus grands que nature, des ouvriers et artisans de tous les corps de métiers qui apportent leurs œuvres à l’Exposition Universelle.

pilier de droite de la porte monumentale
Vue de l’intérieur.

Ces frises relient le corps du monument à deux pylônes latéraux de 35 mètres de hauteur, surmontés de puissants fanaux électriques. Sous la frise et dans le soubassement, règne une théorie d’animaux se détachant sur des lianes.

La teinte générale du monument est d’un blanc crème, mais toutes ses parties sont revêtues d’une décoration polychrome dont les tons rouges dorés et noirs sont du plus heureux effet, et lui donnent un aspect à la fois luxueux et artistique. Cette décoration comporte 3.116 lampes à incandescence de formes et de couleurs variées. Comme il y a outre, 12 lampes à arc sur la coupole et les minarets, 8 lampes à réflecteurs-projecteurs, et 16 lampes à réflecteurs simples sur les pylônes, le soir, lorsque toutes ces lampes sont allumées, le spectacle est féerique.

Ce spectacle est rendu d’une façon saisissante dans la magnifique planche en couleurs tirée hors texte qui accompagne, dans l’Exposition de Paris de 1900 (t. I, p. 185), la description détaillée de la porte monumentale de M. Binet, avec onze autres dessins dans le texte représentant les diverses décorations de ce superbe édifice.

La foule accède librement sous la coupole, où peuvent trouver place deux mille personnes. Là, le spectacle n’est pas moins attrayant. Par suite de leur disposition en triangle, les six retombées des arches sont groupées deux par deux. Entre celles qui se trouvent nécessairement dans l’axe et en face de l’arc principal, a été ménagée une entrée destinée aux cortèges officiels. Entre les couples latéraux sont pratiquées deux hautes niches, ornées de fontaines que surmontent des statues colossales de l’Électricité.

Nos dessins donnent une idée de la double retombée de droite et de la statue de l’Électricité qui y figure.

Celle-ci est d’une allure archaïque qui n’est pas sans surprendre le regard.

Elle est debout sur des électro-aimants, attributs de sa puissance. Une tunique collante, imitée du costume des mages d’Assyrie, moule son corps au sexe imprécis. Des bijoux étranges la couvrent d’une carapace métallique et lui donnent l’aspect de ces machines inquiétantes, aux cuivres brillants, aux verreries singulières, que l’on voit dans les laboratoires, et dont on ne s’approche pas sans appréhension, car elles récèlent la foudre en leurs flancs. La tête est calme, sans expression ; c’est la force latente, indifférente, prête au bien comme au mal, et le haut diadème qui la coiffe caractérise la souveraine incontestée.

la porte monumentale
La statue de l’Électricité.

En prévision des foules qui se porteront de préférence vers cette entrée, M. Binet a imaginé une disposition neuve et ingénieuse permettant à 36 guichets disposés en hémicycle, dans les intervalles des deux arches opposées à l’arche principale, — de donner entrée dans l’Exposition à environ 42.000 personnes par heure[2].

  1. La superficie totale occupée par la Porte Monumentale est de 2.340 mètres carrés.
  2. En suivant extérieurement la palissade qui file obliquement à droite de la Porte Monumentale, les visiteurs qui voudraient se rendre à l’Exposition en bicyclette, trouveront, entre cette porte et le Petit Palais, un vaste garage de 150 mètres de longueur sur 5 mètres de largeur et 2m,50 de hauteur, que l’administration a fait tout spécialement construire à leur intention. Les droits exigés pour la garde des bicyclettes ne pourront, sous aucun prétexte, être supérieurs à 50 centimes par machine et par jour.