Aller au contenu

L’Heptaméron des nouvelles (1559)/Nouvelle 61

La bibliothèque libre.
Texte établi par Claude Gruget, Vincent Sertenas (p. 182r-185v).

LA SEPTIESME IOVRNEE DES
NOVVELLES DE LA ROYNE DE NAVARRE.


Av matin ne faillit ma dame Oiſille, de leur adminiſtrer la ſalutaire paſture, qu’elle print en la lecture des actes & vertueux faicts des glorieux cheualiers & apoſtres de Ieſus Chriſt, ſelon ſainct Luc : leur diſant, que ces comptes lá deuoient eſtre ſuffiſans pour deſirer veoir vn tel temps, & plorer la fortune de ceſtuy-cy. Et quand elle eut ſuffiſamment leu & expoſé le commencement de ce digne liure, les pria d’aller à l’egliſe, en l’vnion que les Apoſtres faiſoient leur oraiſon, & demander à Dieu ſa grace, laquelle n’eſt iamais refuſée à ceux qui en foy la requierent. Ceſte opinion fut trouuée de chacun tres-bonne, & arriuerent à l’egliſe, ainsi que lon commencoit la meſſe du ſainct Eſprit, qui leur ſembloit choſe venir à leur propos, qui leur feit ouyr le ſeruice en grande deuotion : & apres à leur diſner ramanteurent ceſte heureuſe vie apoſtolique, à quoy ils prindrent tel plaiſir, que quaſi leur entreprinſe eſtoit oubliée. Dequoy s’aduiſa Nomerfide, comme la plus ieune, & leur diſt : Ma dame Oiſille nous a tant roulées en deuotion, que nous paſſons l’heure accouſtumée de nous retirer, pour nous preparer à racõpter noz nouuelles. Sa parole fut occaſion de faire leuer toute la compagnie : & apres auoir bien peu demeuré en leurs chambres, ne faillirẽt à ſe trouuer, cõme ils auoient faict le tour de deuant. Et quand ils furent bien à leurs aiſes, ma dame Oiſille diſt à Saffredent : Encor que ie ſois aſſeurée, que vous ne direz rien à l’auantage des femmes, ſi eſt-ce qu’il fault que ie vous aduiſe de dire la nouuelle, que des hier au ſoir vous auez promiſe. Ie proteſte, ma dame, diſt Saffredent, que ie n’acquerray point le deshonneur de meſdiſant pour dire verité, ny ne perdray la grace des dames vertueuſes, pour racompter ce que les folles font. Car i’ay bien experimenté que c’eſt d’eſtre ſeulement eſlongné de leur veuë : & ſi ie l’euſſe eſté autant de leur bonne grace, ie ne fuſſe pas à ceſte heure en vie. Et en ce diſant, tourna les yeux au contraire de celle, qui eſtoit cauſe de ſon bien & de ſon mal. Mais en regardant Emarſuitte, la feit außi bien rougir, comme ſi c’euſt eſté celle à qui le propos s’adreſſoit : ſi eſt-ce qu’il n’en fut moins entendu de celle dont il deſiroit eſtre ouy. Et ma dame Oiſille l’aſſeura, qu’il pouuoit dire verité librement aux deſpens de qui il appartiendroit. Parquoy Saffredent commenca, & diſt.



Merueilleuſe pertinacité d’amour effrontée d’vne Bourguignonne enuers vn chanoine d’Authun.


NOVVELLE SOIXANTEVNIESME.



Avpres de la ville d’Authun, y auoit vne fort belle femme, grande, blanche, & d’autãt belle façon de viſage, que i’en aye point veu. Elle auoit eſpousé vn honneſte homme, qui ſembloit eſtre plus ieune qu’elle, lequel l’aimoit, & la traictoit tant bien, qu’elle auoit cauſe de s’en contenter. Peu de temps apres qu’ils furent mariez, la mena en la ville d’Authun, pour quelques affaires. Et durant que le mary pourchaſſoit la iuſtice, ſa femme alloit à l’egliſe prier Dieu pour luy. Et tant frequenta le lieu ſainct, qu’vn chanoine fort riche, fut amoureux d’elle : & la pourſuiuit ſi fort, qu’en fin la pauure malheureuſe luy accorda : dont le mary n’auoit nul ſoupçon, & penſoit plus à garder ſon bien, que ſa femme. Et quand ce vint au departir, & qu’il falloit retourner en la maiſon, qui eſtoit loing de la ville de ſept grandes lieuës, ce ne fut pas ſans vn grand regret : mais le chanoine luy promiſt de l’aller ſouuent viſiter : ce qu’il feit, feignant aller en quelque voyage, ou ſon chemin s’adreſſoit touſiours par la maiſon de ceſt homme, qui ne fut pas ſi ſot, qu’il ne s’en apperceuſt, & y donna ſi bon ordre que quand le chanoine y venoit, il n’y trouuoit plus ſa femme, mais la faiſoit ſi bien cacher, qu’il ne pouuoit parler à elle. La femme cognoiſſant la ialouſie de ſon mary, ne feit ſemblant qu’il luy deſpleuſt : toutesfois ſi penſa elle qu’elle y donneroit biẽ ordre : car elle eſtimoit vn enfer, de perdre la viſion de ſon Dieu. Vn iour que ſon mary eſtoit hors de ſa maiſon, empeſcha ſi bien les chambrieres & varlets, qu’elle y demeura ſeule : incontinẽt print ce qui luy eſtoit neceſſaire, & ſans nulle compagnie, que de la folle amour, s’en alla de ſon pied à Authun, ou elle n’arriua pas ſi tard, qu’elle ne fuſt biẽ recogneuë de ſon chanoine, qui la tint enfermée & cachée plus d’vn an, quelques monitions & excommunications qu’en feiſt ietter ſon mary. Lequel ne trouuant meilleur remede, en feit la plaincte à l’Eueſque, qui auoit vn Archediacre autãt homme de bien, qu’il y en euſt en France. Et luy meſmes chercha ſi diligemment toutes les maiſons des chanoines, qu’il trouua celle que lon tenoit perduë, laquelle il meit en priſon, & condamna le chanoine en groſſe penitence. Le mary, ſçachant que ſa femme eſtoit retrouuée par la monition du bon Archediacre, & de pluſieurs gens de bien, fut cõtent de la reprendre auec les fermẽts, qu’elle luy feiſt de viure le temps aduenir en femme de bien. Ce que le bon homme creut volontiers, pour la grande amour qu’il luy portoit, & la mena en ſa maiſon, la traictant auſsi honneſtement qu’au parauant, ſinon qu’il luy bailla deux vieilles chambrieres, qui iamais ne la laiſſoient ſeule, que l’vne des deux ne fuſt auec elle. Mais quelque bonne chere, que luy feiſt ſon mary, la meſchante amour, qu’elle portoit au chanoine, luy faiſoit eſtimer tout ſon repos tourment. Et combien qu’elle fuſt treſbelle femme, & luy homme de bõne complexion, fort & puiſſant, ſi eſt-ce que iamais elle n’eut enfans de luy : car ſon cueur eſtoit touſiours à ſept lieuës de ſon corps. Ce qu’elle diſsimuloit ſi bien, qu’il ſembloit à ſon mary, qu’elle euſt oublié tout le paſſé, comme il auoit faict de ſon coſté. Mais la malice d’elle n’auoit pas ceſte opinion : car à l’heure qu’elle veid ſon mary mieux l’aymant, & moins la ſoupçonnant, va feindre d’eſtre malade, & continua ſi bien ceſte feincte, que ſon pauure mary eſtoit en merueilleuſe peine, n’y eſpargnant bien, ny choſe qu’il euſt pour la ſecourir. Toutesfois elle ioüa ſi bien ſon roole, que luy & tous ceux de la maiſon la penſerent malade iuſques à l’extremité, & que peu à peu elle s’afoibliſſoit : & voyant que ſon mary en eſtoit autant marry, qu’il en deuoit eſtre ioyeux, luy pria qu’il luy pleuſt l’auctoriſer de faire ſon teſtament. Ce qu’il feit volontiers en plorant. Et elle, ayant puiſſance de teſter, combien qu’elle n’euſt enfans, donna à ſon mary, ce qu’elle luy pouuoit donner, luy requerant pardon des fautes qu’elle luy auoit faictes. Apres enuoya querir le curé, ſe confeſſa, receut le ſainct ſacrement de l’autel tant deuotement, que chacun ploroit de veoir vne ſi glorieuſe fin. Et quand ce vint le ſoir, pria ſon mary de luy faire porter l’extreme vnctiõ, & qu’elle s’affoibliſſoit tant, qu’elle auoit peur de ne la pouuoir receuoir viue. Son mary luy feit apporter en grande diligence, & elle, qui la receuoit en grande humilité, incitoit chacun à la louër. Quand elle eut faict tous ſes beaux miſteres, elle diſt à ſon mary, que, puis que Dieu luy auoit faict tant de grace d’auoir prins tout ce que l’egliſe commande, elle ſentoit ſa conſciẽce en ſi grande paix, qu’il luy prenoit enuie de ſe repoſer vn petit : priant ſon mary de faire le ſemblable, & qu’il en auoit biẽ beſoing pour auoir tant ploré, & veillé auec elle. Quand ſon mary fut endormy, & tous les varlets auecques luy, les deux vieilles, qui en ſa ſanté l’auoient ſi longuement gardée, ne ſe doutans plus de la perdre, ſinon par mort, ſe vont tresbien coucher à leur aiſe. Et quand elle les ouyt dormir & ronfler bien hault, ſe leua en ſa chemiſe, & ſaillit hors de ſa chambre, eſcoutant ſi perſonne de leans faiſoit point de bruit. Mais quand elle fut aſſeurée de ſon baſton, ſceut tresbien ſaillir par vn petit huys du iardin qui ne fermoit point, & tant que la nuict dura toute en chemiſe & nuds pieds feit ſon voyage à Authun, deuers le ſainct, qui l’auoit gardée de mourir. Mais pource que le chemin eſtoit lõg, n’y peut aller toute d’vne traicte, que le iour ne la ſurprint. À l’heure regarda partout le chemin, & aduiſa deux cheuaucheurs, qui couroient bien fort, & ſe doutant que ce fuſt ſon mary, qui la cherchaſt, ſe cacha tout le corps dans vn maraiz & la teſte entre les ioncs, & ſon mary paſſant par aupres d’elle, diſoit à vn ſien ſeruiteur, comme tout deſeſperé : O la meſchante ! qui euſt penſé que ſous le manteau des ſaincts ſacrements de l’egliſe, on euſt peu couurir vn ſi vilain & abominable cas ? Le ſeruiteur luy reſpondit : Puis que Iudas, prenant vn tel morceau, ne craignit à trahir ſon maiſtre, ne trouuez point eſtrange la trahiſon d’vne femme. En ce diſant paſſa outre le mary, & la femme demeura plus ioyeuſe entre les ioncs, de l’auoir trompé, qu’elle n’eſtoit en ſa maiſon dans vn bon lict en ſeruitude. Le pauure mary chercha par toute la ville d’Authun, mais il ſceut certainement qu’elle n’y eſtoit point entrée. Parquoy s’en retourna ſur ſes briſées, & ne faiſoit que ſe plaindre d’elle ſur le chemin, & de ſa grande perte : ne la menaçant point moins, quant au reſte, que de la mort, s’il la trouuoit : dont elle n’auoit peur en ſon eſprit, non plus qu’elle ſentoit de froid en ſon corps : combien que la ſaiſon & le lieu meritoient de la faire repentir de ſon damnable voyage. Et qui ne ſçauroit comme le feu d’enfer eſchauffe ceux qui en ſont rempliz, lon deüroit eſtimer à merueilles, comme ceſte pauure femme, ſaillant d’vn lict bien chauld, peut demeurer tout vn iour en ſi extreme froidure. Si ne perdit elle point le cueur ny l’aller : car incontinent que la nuict fut venuë, reprint ſon chemin, Et ainſi que lon vouloit fermer la porte d’Authun, arriua ceſte pauure pelerine, & ne faillit d’aller tout droict ou demeuroit ſon corps ſainct : qui fut tant eſmerueillé de ſa venuë, qu’à peine pouuoit il croire, que ce fuſt elle. Mais quand il l’eut bien regardée & viſitée de tous coſtez, trouua qu’elle auoit oz & chair, ce qu’vn eſprit n’a point. Et ainſi s’aſſeura que ce n’eſtoit fantoſme, & des l’heure furent ſi bien d’accord, qu’elle demeura quatorze ou quinze ans auec luy. Et ſi quelque temps elle fut cachée, à la fin perdit toute crainte, & qui pis eſt, print vne telle gloire d’auoir vn tel amy, qu’elle ſe mettoit à l’egliſe deuant la plus part des plus femmes de bien de la ville, tant femmes d’officiers que autres, & eut des enfans du chanoine, & entre autres vne fille, qui fut mariée à vn riche marchand, & ſi gorgiaſe à ſes nopces, que toutes les femmes de la ville en murmuroient tresfort, mais n’auoient pas la puiſſance d’y mettre ordre. Or aduint qu’en ce temps lá, la Royne Claude, femme du Roy François, paſſa par la ville d’Authun, ayant en ſa compagnie, ma dame la regente mere du Roy, & la Ducheſſe d’Alençon ſa fille. Vint lors vne femme de chambre nommée Perrette, qui trouua ladicte Ducheſſe, & luy diſt : Ma dame, ie vous ſupplie eſcoutez moy, & vous ferez œuure auſsi ou plus grande, que d’aller ouyr tout le ſeruice du iour. La Ducheſſe s’arreſta volontiers, ſçachant que d’elle ne pouuoit venir que bon conſeil. Perrette luy alla compter incontinent, comme elle auoit prins vne petite fille pour luy aider à ſauonner le linge de la Royne : & en luy demandant des nouuelles de la ville, luy compta la peine qu’auoient les femmes de bien, de veoir ainſi aller deuãt elles la femme de ce chanoine, laquelle luy compta vne partie de ſa vie. Tout ſoudain s’en alla ladicte Ducheſſe à la Royne, & à ma dame la regente, & leur racompta ceſte hiſtoire : qui, ſans autre forme de proces, enuoyerent querir ceſte pauure malheureuſe, laquelle ne ſe cachoit point : car elle auoit changé ſa honte en gloire, d’eſtre dame de la maiſon d’vn ſi riche homme, & ſans eſtre eſtonnée & honteuſe ſe vint preſenter deuant leſdictes dames : qui auoient ſi grand honte de ſa hardieſſe, que ſoudain elles ne luy ſceurent que dire. Mais apres ma dame la regente luy feit de telles remonſtrances, qu’elles deuſſent auoir faict plorer vne femme de bon entendement. Ce que ne feit ceſte pauure femme : mais d’vne audace treſgrande leur diſt : Ie vous ſupplie, mes dames, que vous vouliez garder, que lon ne touche point à mon honneur. Car, Dieu mercy, i’ay veſcu auec monſieur le chanoine ſi bien & vertueuſement, qu’il n’y a perſonne viuant, qui m’en ſceuſt reprendre. Et ſi ne fault point que lon pẽſe que ie viue contre la volonté de Dieu : car il y a trois ans qu’il ne me fut rien, & viuons auſsi chaſtement, & en auſsi grande amour, que deux beaux petits anges, ſans que iamais entre nous deux il y ayt eu parole ne volonté au contraire : & qui nous ſeparera, fera grand peché : car le bon homme, qui a bien pres de quatre vintgs ans, ne viura plus gueres ſans moy, qui en ay quarantecinq. Vous pouuez penſer cõme ces dames ſe peurent tenir, & les remonſtrances q̃ chacune luy feit, voyãt l’obſtinatiõ, ꝗ à l’heure n’eſtoit amollie par paroles, que lon luy diſt, pour aage qu’elle euſt, ne pour l’honorable cõpagnie. Et pour l’humilier plus fort, enuoyerẽt querir le bõ Archediacre d’Authun, qui la cõdemna d’eſtre en priſon vn an au pain & à l’eau. Et les dames enuoyerent querir ſon mary, lequel, pour leur bon enhortement, fut content la reprendre, apres qu’elle auroit faict ſa penitẽce. Mais ſe voyant priſonniere, & le chanoine deliberé de iamais plus la reprendre, remerciant les dames de ce qu’elles luy auoyẽt iecté vn diable hors de deſſus les eſpaules, eut vne ſi grande & parfaicte contrition, que ſon mary, au lieu d’attẽdre le bout de l’année à la reprẽdre, n’attendit pas quinze iours, qu’il ne la vint demander à l’Archediacre, & depuis ont veſcu en bonne paix & amytié.

Voyla, mes dames, comme les chaiſnes ſainct Pierre ſont cõuerties par les mauuais miniſtres, en celles de ſathan, & ſi fortes à rompre, que les ſacrements, qui chaſſent les diables du corps, ſont à ceux cy les moyens de les faire plus lõguement demeurer en leurs conſciences. Car les meilleures choſes ſont celles, quand on en abuſe, dont lon faict plus de maulx. Vrayement, diſt Oiſille, ceſte femme eſtoit bien mal-heureuſe : mais auſsi fut elle bien punie de venir deuant tels iuges, comme les dames que vous auez nommées : car le regard ſeul de ma dame la regente eſtoit de telle vertu, qu’il n’y auoit ſi femme de bien qui ne craignit de ſe trouuer deuãt ſes yeux, & qui ne ſ’eſtimaſt indigne de ſa veuë. Car la regardant doulcement, ſ’eſtimoit meriter grand honneur, ſçachant que femmes autres que vertueuſes ne pouuoit ceſte dame regarder de bon cueur. Si eſt il meilleur, diſt Hircan, que lon ayt plus de craincte du ſainct ſacrement (lequel n’eſtant receu en foy, & charité, eſt en damnation eternelle) que des yeux d’vne femme. Ie vous promets, diſt Parlamente, que ceux, qui ne ſont point inſpirez, craignent plus les puiſſances temporelles que les ſpirituelles. Encores ie croy que ceſte pauure creature ſe chaſtia plus par la priſon, & pour l’opinion de ne veoir plus ſon chanoine, qu’elle ne feit pour remonſtrãce que lon luy euſt ſceu faire. Mais, diſt Simontault, vous auez oublié la principale choſe, qui la feit retourner à ſon mary, c’eſt, que le chanoine auoit quatre vingts ans, & ſon mary eſtoit plus ieune qu’elle. Ainſi gaigna ceſte bonne dame en tous ſes marchez. Mais ſi le chanoine euſt eſté ieune, elle ne l’euſt point voulu abandonner. Les enſeignemens des dames n’euſſent pas eu plus de valeur, que les ſacrements qu’elle auoit prins. Encore me ſemble il, diſt Nomerfide, qu’elle faiſoit bien, de ne confeſſer point ſon peché ſi aiſément : car ceſte offenſe lá, ſe doit dire à Dieu ſeulement, & la renier fort & ferme deuant les hommes. Car encores qu’il fuſt vray, à force de mentir & iurer, on engendre quelque doute à la verité. Si eſt-ce, diſt Longarine, qu’vn peché a grand peine peult il eſtre ſi ſecret, qu’il ne ſoit reuelé, ſinon quand Dieu le couure en ceux qui pour l’amour de luy en ont vraye repentance. Et que diriez vous, diſt Hircan, de celles qui n’ont pas pluſtoſt faict vne folie, qu’elles ne la racõptent à quelque vne ? Ie le trouue bien eſtrange, diſt Lõgarine, & eſt ſigne que le peché ne leur deſplaiſt pas. Et, comme ie vous ay dict, celuy qui n’eſt couuert par la grace de Dieu, ne ſe ſçauroit nier deuant les hommes, & y en a maintes qui prennent plaiſir de parler de tels propos, & font gloire de publier leurs vices : & autres, qui en ſe couppant ſ’acuſent. Si eſt ce coupper bien lourdemẽt, diſt Saffredẽt : mais ie vous prie, ſi vous en ſçauez quelqu’vne, que ie vous dõne ma place, & que vous la nous diſiez. Or eſcoutez donc, diſt Longarine,