L’Heptaméron des nouvelles (1559)/Nouvelle 61
LA SEPTIESME IOVRNEE DES
NOVVELLES DE LA ROYNE DE NAVARRE.
v matin
ne faillit
ma dame Oiſille, de leur
adminiſtrer la ſalutaire
paſture, qu’elle print en la
lecture des actes & vertueux
faicts des glorieux
cheualiers & apoſtres de
Ieſus Chriſt, ſelon ſainct
Luc : leur diſant, que ces
comptes lá deuoient eſtre
ſuffiſans pour deſirer veoir
vn tel temps, & plorer la fortune de ceſtuy-cy. Et quand elle
eut ſuffiſamment leu & expoſé le commencement de ce digne liure,
les pria d’aller à l’egliſe, en l’vnion que les Apoſtres faiſoient
leur oraiſon, & demander à Dieu ſa grace, laquelle n’eſt iamais
refuſée à ceux qui en foy la requierent. Ceſte opinion fut trouuée
de chacun tres-bonne, & arriuerent à l’egliſe, ainsi que lon commencoit
la meſſe du ſainct Eſprit, qui leur ſembloit choſe venir à
leur propos, qui leur feit ouyr le ſeruice en grande deuotion : & apres
à leur diſner ramanteurent ceſte heureuſe vie apoſtolique, à
quoy ils prindrent tel plaiſir, que quaſi leur entreprinſe eſtoit oubliée.
Dequoy s’aduiſa Nomerfide, comme la plus ieune, & leur
diſt : Ma dame Oiſille nous a tant roulées en deuotion, que nous
paſſons l’heure accouſtumée de nous retirer, pour nous preparer à racõpter noz nouuelles. Sa parole fut occaſion de faire leuer toute
la compagnie : & apres auoir bien peu demeuré en leurs chambres,
ne faillirẽt à ſe trouuer, cõme ils auoient faict le tour de deuant. Et
quand ils furent bien à leurs aiſes, ma dame Oiſille diſt à Saffredent :
Encor que ie ſois aſſeurée, que vous ne direz rien à l’auantage
des femmes, ſi eſt-ce qu’il fault que ie vous aduiſe de dire la nouuelle, que des hier au ſoir vous auez promiſe. Ie proteſte, ma dame,
diſt Saffredent, que ie n’acquerray point le deshonneur de meſdiſant
pour dire verité, ny ne perdray la grace des dames vertueuſes,
pour racompter ce que les folles font. Car i’ay bien experimenté
que c’eſt d’eſtre ſeulement eſlongné de leur veuë : & ſi ie l’euſſe eſté
autant de leur bonne grace, ie ne fuſſe pas à ceſte heure en vie.
Et en ce diſant, tourna les yeux au contraire de celle, qui eſtoit
cauſe de ſon bien & de ſon mal. Mais en regardant Emarſuitte,
la feit außi bien rougir, comme ſi c’euſt eſté celle à qui le propos
s’adreſſoit : ſi eſt-ce qu’il n’en fut moins entendu de celle dont il deſiroit
eſtre ouy. Et ma dame Oiſille l’aſſeura, qu’il pouuoit dire
verité librement aux deſpens de qui il appartiendroit. Parquoy
Saffredent commenca, & diſt.
NOVVELLE SOIXANTEVNIESME.
vpres de la ville d’Authun, y auoit vne
fort belle femme, grande, blanche, & d’autãt
belle façon de viſage, que i’en aye point
veu. Elle auoit eſpousé vn honneſte homme,
qui ſembloit eſtre plus ieune qu’elle,
lequel l’aimoit, & la traictoit tant bien,
qu’elle auoit cauſe de s’en contenter. Peu
de temps apres qu’ils furent mariez, la mena en la ville d’Authun,
pour quelques affaires. Et durant que le mary pourchaſſoit la iuſtice, ſa femme alloit à l’egliſe prier Dieu pour luy. Et
tant frequenta le lieu ſainct, qu’vn chanoine fort riche, fut amoureux
d’elle : & la pourſuiuit ſi fort, qu’en fin la pauure
malheureuſe luy accorda : dont le mary n’auoit nul ſoupçon, &
penſoit plus à garder ſon bien, que ſa femme. Et quand ce vint
au departir, & qu’il falloit retourner en la maiſon, qui eſtoit
loing de la ville de ſept grandes lieuës, ce ne fut pas ſans vn
grand regret : mais le chanoine luy promiſt de l’aller ſouuent
viſiter : ce qu’il feit, feignant aller en quelque voyage, ou ſon
chemin s’adreſſoit touſiours par la maiſon de ceſt homme, qui
ne fut pas ſi ſot, qu’il ne s’en apperceuſt, & y donna ſi bon ordre
que quand le chanoine y venoit, il n’y trouuoit plus ſa femme,
mais la faiſoit ſi bien cacher, qu’il ne pouuoit parler à elle. La
femme cognoiſſant la ialouſie de ſon mary, ne feit ſemblant
qu’il luy deſpleuſt : toutesfois ſi penſa elle qu’elle y donneroit
biẽ ordre : car elle eſtimoit vn enfer, de perdre la viſion de ſon
Dieu. Vn iour que ſon mary eſtoit hors de ſa maiſon, empeſcha
ſi bien les chambrieres & varlets, qu’elle y demeura ſeule : incontinẽt
print ce qui luy eſtoit neceſſaire, & ſans nulle compagnie,
que de la folle amour, s’en alla de ſon pied à Authun, ou
elle n’arriua pas ſi tard, qu’elle ne fuſt biẽ recogneuë de ſon chanoine,
qui la tint enfermée & cachée plus d’vn an, quelques monitions & excommunications qu’en feiſt ietter ſon mary. Lequel ne trouuant meilleur remede, en feit la plaincte à l’Eueſque,
qui auoit vn Archediacre autãt homme de bien, qu’il y en
euſt en France. Et luy meſmes chercha ſi diligemment toutes
les maiſons des chanoines, qu’il trouua celle que lon tenoit
perduë, laquelle il meit en priſon, & condamna le chanoine
en groſſe penitence. Le mary, ſçachant que ſa femme eſtoit
retrouuée par la monition du bon Archediacre, & de pluſieurs
gens de bien, fut cõtent de la reprendre auec les fermẽts, qu’elle
luy feiſt de viure le temps aduenir en femme de bien. Ce que
le bon homme creut volontiers, pour la grande amour qu’il
luy portoit, & la mena en ſa maiſon, la traictant auſsi honneſtement
qu’au parauant, ſinon qu’il luy bailla deux vieilles chambrieres,
qui iamais ne la laiſſoient ſeule, que l’vne des deux ne
fuſt auec elle. Mais quelque bonne chere, que luy feiſt ſon mary,
la meſchante amour, qu’elle portoit au chanoine, luy faiſoit eſtimer tout ſon repos tourment. Et combien qu’elle fuſt treſbelle
femme, & luy homme de bõne complexion, fort & puiſſant,
ſi eſt-ce que iamais elle n’eut enfans de luy : car ſon cueur
eſtoit touſiours à ſept lieuës de ſon corps. Ce qu’elle diſsimuloit
ſi bien, qu’il ſembloit à ſon mary, qu’elle euſt oublié tout le
paſſé, comme il auoit faict de ſon coſté. Mais la malice d’elle
n’auoit pas ceſte opinion : car à l’heure qu’elle veid ſon mary
mieux l’aymant, & moins la ſoupçonnant, va feindre d’eſtre
malade, & continua ſi bien ceſte feincte, que ſon pauure mary
eſtoit en merueilleuſe peine, n’y eſpargnant bien, ny choſe qu’il
euſt pour la ſecourir. Toutesfois elle ioüa ſi bien ſon roole, que
luy & tous ceux de la maiſon la penſerent malade iuſques à
l’extremité, & que peu à peu elle s’afoibliſſoit : & voyant que
ſon mary en eſtoit autant marry, qu’il en deuoit eſtre ioyeux,
luy pria qu’il luy pleuſt l’auctoriſer de faire ſon teſtament. Ce
qu’il feit volontiers en plorant. Et elle, ayant puiſſance de teſter,
combien qu’elle n’euſt enfans, donna à ſon mary, ce qu’elle
luy pouuoit donner, luy requerant pardon des fautes qu’elle
luy auoit faictes. Apres enuoya querir le curé, ſe confeſſa, receut
le ſainct ſacrement de l’autel tant deuotement, que chacun
ploroit de veoir vne ſi glorieuſe fin. Et quand ce vint le
ſoir, pria ſon mary de luy faire porter l’extreme vnctiõ, & qu’elle
s’affoibliſſoit tant, qu’elle auoit peur de ne la pouuoir receuoir
viue. Son mary luy feit apporter en grande diligence, &
elle, qui la receuoit en grande humilité, incitoit chacun à la
louër. Quand elle eut faict tous ſes beaux miſteres, elle diſt à
ſon mary, que, puis que Dieu luy auoit faict tant de grace d’auoir
prins tout ce que l’egliſe commande, elle ſentoit ſa conſciẽce
en ſi grande paix, qu’il luy prenoit enuie de ſe repoſer vn
petit : priant ſon mary de faire le ſemblable, & qu’il en auoit biẽ
beſoing pour auoir tant ploré, & veillé auec elle. Quand ſon
mary fut endormy, & tous les varlets auecques luy, les deux
vieilles, qui en ſa ſanté l’auoient ſi longuement gardée, ne ſe
doutans plus de la perdre, ſinon par mort, ſe vont tresbien coucher
à leur aiſe. Et quand elle les ouyt dormir & ronfler bien
hault, ſe leua en ſa chemiſe, & ſaillit hors de ſa chambre, eſcoutant
ſi perſonne de leans faiſoit point de bruit. Mais quand elle
fut aſſeurée de ſon baſton, ſceut tresbien ſaillir par vn petit huys du iardin qui ne fermoit point, & tant que la nuict dura
toute en chemiſe & nuds pieds feit ſon voyage à Authun, deuers
le ſainct, qui l’auoit gardée de mourir. Mais pource que le
chemin eſtoit lõg, n’y peut aller toute d’vne traicte, que le iour
ne la ſurprint. À l’heure regarda partout le chemin, & aduiſa
deux cheuaucheurs, qui couroient bien fort, & ſe doutant que
ce fuſt ſon mary, qui la cherchaſt, ſe cacha tout le corps dans vn
maraiz & la teſte entre les ioncs, & ſon mary paſſant par aupres
d’elle, diſoit à vn ſien ſeruiteur, comme tout deſeſperé : O
la meſchante ! qui euſt penſé que ſous le manteau des ſaincts
ſacrements de l’egliſe, on euſt peu couurir vn ſi vilain & abominable
cas ? Le ſeruiteur luy reſpondit : Puis que Iudas, prenant
vn tel morceau, ne craignit à trahir ſon maiſtre, ne trouuez
point eſtrange la trahiſon d’vne femme. En ce diſant paſſa
outre le mary, & la femme demeura plus ioyeuſe entre les
ioncs, de l’auoir trompé, qu’elle n’eſtoit en ſa maiſon dans vn
bon lict en ſeruitude. Le pauure mary chercha par toute la ville
d’Authun, mais il ſceut certainement qu’elle n’y eſtoit point
entrée. Parquoy s’en retourna ſur ſes briſées, & ne faiſoit que
ſe plaindre d’elle ſur le chemin, & de ſa grande perte : ne la menaçant
point moins, quant au reſte, que de la mort, s’il la trouuoit :
dont elle n’auoit peur en ſon eſprit, non plus qu’elle ſentoit
de froid en ſon corps : combien que la ſaiſon & le lieu meritoient
de la faire repentir de ſon damnable voyage. Et qui ne
ſçauroit comme le feu d’enfer eſchauffe ceux qui en ſont rempliz,
lon deüroit eſtimer à merueilles, comme ceſte pauure femme, ſaillant d’vn lict bien chauld, peut demeurer tout vn iour
en ſi extreme froidure. Si ne perdit elle point le cueur ny l’aller :
car incontinent que la nuict fut venuë, reprint ſon chemin,
Et ainſi que lon vouloit fermer la porte d’Authun, arriua ceſte
pauure pelerine, & ne faillit d’aller tout droict ou demeuroit
ſon corps ſainct : qui fut tant eſmerueillé de ſa venuë, qu’à peine
pouuoit il croire, que ce fuſt elle. Mais quand il l’eut bien regardée
& viſitée de tous coſtez, trouua qu’elle auoit oz & chair,
ce qu’vn eſprit n’a point. Et ainſi s’aſſeura que ce n’eſtoit fantoſme,
& des l’heure furent ſi bien d’accord, qu’elle demeura
quatorze ou quinze ans auec luy. Et ſi quelque temps elle fut
cachée, à la fin perdit toute crainte, & qui pis eſt, print vne telle gloire d’auoir vn tel amy, qu’elle ſe mettoit à l’egliſe deuant
la plus part des plus femmes de bien de la ville, tant femmes
d’officiers que autres, & eut des enfans du chanoine, & entre
autres vne fille, qui fut mariée à vn riche marchand, & ſi gorgiaſe
à ſes nopces, que toutes les femmes de la ville en murmuroient
tresfort, mais n’auoient pas la puiſſance d’y mettre ordre.
Or aduint qu’en ce temps lá, la Royne Claude, femme
du Roy François, paſſa par la ville d’Authun, ayant en ſa compagnie,
ma dame la regente mere du Roy, & la Ducheſſe d’Alençon
ſa fille. Vint lors vne femme de chambre nommée Perrette,
qui trouua ladicte Ducheſſe, & luy diſt : Ma dame, ie vous
ſupplie eſcoutez moy, & vous ferez œuure auſsi ou plus grande,
que d’aller ouyr tout le ſeruice du iour. La Ducheſſe s’arreſta
volontiers, ſçachant que d’elle ne pouuoit venir que bon conſeil.
Perrette luy alla compter incontinent, comme elle auoit
prins vne petite fille pour luy aider à ſauonner le linge de la
Royne : & en luy demandant des nouuelles de la ville, luy compta
la peine qu’auoient les femmes de bien, de veoir ainſi aller
deuãt elles la femme de ce chanoine, laquelle luy compta vne
partie de ſa vie. Tout ſoudain s’en alla ladicte Ducheſſe à la
Royne, & à ma dame la regente, & leur racompta ceſte hiſtoire :
qui, ſans autre forme de proces, enuoyerent querir ceſte
pauure malheureuſe, laquelle ne ſe cachoit point : car elle auoit
changé ſa honte en gloire, d’eſtre dame de la maiſon d’vn ſi riche
homme, & ſans eſtre eſtonnée & honteuſe ſe vint preſenter
deuant leſdictes dames : qui auoient ſi grand honte de ſa
hardieſſe, que ſoudain elles ne luy ſceurent que dire. Mais apres
ma dame la regente luy feit de telles remonſtrances, qu’elles
deuſſent auoir faict plorer vne femme de bon entendement.
Ce que ne feit ceſte pauure femme : mais d’vne audace treſgrande
leur diſt : Ie vous ſupplie, mes dames, que vous vouliez garder,
que lon ne touche point à mon honneur. Car, Dieu mercy,
i’ay veſcu auec monſieur le chanoine ſi bien & vertueuſement,
qu’il n’y a perſonne viuant, qui m’en ſceuſt reprendre. Et ſi ne
fault point que lon pẽſe que ie viue contre la volonté de Dieu :
car il y a trois ans qu’il ne me fut rien, & viuons auſsi chaſtement,
& en auſsi grande amour, que deux beaux petits anges,
ſans que iamais entre nous deux il y ayt eu parole ne volonté au contraire : & qui nous ſeparera, fera grand peché : car le bon
homme, qui a bien pres de quatre vintgs ans, ne viura plus gueres
ſans moy, qui en ay quarantecinq. Vous pouuez penſer cõme
ces dames ſe peurent tenir, & les remonſtrances q̃ chacune
luy feit, voyãt l’obſtinatiõ, ꝗ à l’heure n’eſtoit amollie par paroles,
que lon luy diſt, pour aage qu’elle euſt, ne pour l’honorable
cõpagnie. Et pour l’humilier plus fort, enuoyerẽt querir le bõ
Archediacre d’Authun, qui la cõdemna d’eſtre en priſon vn an
au pain & à l’eau. Et les dames enuoyerent querir ſon mary, lequel,
pour leur bon enhortement, fut content la reprendre, apres
qu’elle auroit faict ſa penitẽce. Mais ſe voyant priſonniere,
& le chanoine deliberé de iamais plus la reprendre, remerciant
les dames de ce qu’elles luy auoyẽt iecté vn diable hors de deſſus
les eſpaules, eut vne ſi grande & parfaicte contrition, que
ſon mary, au lieu d’attẽdre le bout de l’année à la reprẽdre, n’attendit
pas quinze iours, qu’il ne la vint demander à l’Archediacre,
& depuis ont veſcu en bonne paix & amytié.
Voyla, mes dames, comme les chaiſnes ſainct Pierre ſont cõuerties par les mauuais miniſtres, en celles de ſathan, & ſi fortes à rompre, que les ſacrements, qui chaſſent les diables du corps, ſont à ceux cy les moyens de les faire plus lõguement demeurer en leurs conſciences. Car les meilleures choſes ſont celles, quand on en abuſe, dont lon faict plus de maulx. Vrayement, diſt Oiſille, ceſte femme eſtoit bien mal-heureuſe : mais auſsi fut elle bien punie de venir deuant tels iuges, comme les dames que vous auez nommées : car le regard ſeul de ma dame la regente eſtoit de telle vertu, qu’il n’y auoit ſi femme de bien qui ne craignit de ſe trouuer deuãt ſes yeux, & qui ne ſ’eſtimaſt indigne de ſa veuë. Car la regardant doulcement, ſ’eſtimoit meriter grand honneur, ſçachant que femmes autres que vertueuſes ne pouuoit ceſte dame regarder de bon cueur. Si eſt il meilleur, diſt Hircan, que lon ayt plus de craincte du ſainct ſacrement (lequel n’eſtant receu en foy, & charité, eſt en damnation eternelle) que des yeux d’vne femme. Ie vous promets, diſt Parlamente, que ceux, qui ne ſont point inſpirez, craignent plus les puiſſances temporelles que les ſpirituelles. Encores ie croy que ceſte pauure creature ſe chaſtia plus par la priſon, & pour l’opinion de ne veoir plus ſon chanoine, qu’elle ne feit pour remonſtrãce que lon luy euſt ſceu faire. Mais, diſt Simontault, vous auez oublié la principale choſe, qui la feit retourner à ſon mary, c’eſt, que le chanoine auoit quatre vingts ans, & ſon mary eſtoit plus ieune qu’elle. Ainſi gaigna ceſte bonne dame en tous ſes marchez. Mais ſi le chanoine euſt eſté ieune, elle ne l’euſt point voulu abandonner. Les enſeignemens des dames n’euſſent pas eu plus de valeur, que les ſacrements qu’elle auoit prins. Encore me ſemble il, diſt Nomerfide, qu’elle faiſoit bien, de ne confeſſer point ſon peché ſi aiſément : car ceſte offenſe lá, ſe doit dire à Dieu ſeulement, & la renier fort & ferme deuant les hommes. Car encores qu’il fuſt vray, à force de mentir & iurer, on engendre quelque doute à la verité. Si eſt-ce, diſt Longarine, qu’vn peché a grand peine peult il eſtre ſi ſecret, qu’il ne ſoit reuelé, ſinon quand Dieu le couure en ceux qui pour l’amour de luy en ont vraye repentance. Et que diriez vous, diſt Hircan, de celles qui n’ont pas pluſtoſt faict vne folie, qu’elles ne la racõptent à quelque vne ? Ie le trouue bien eſtrange, diſt Lõgarine, & eſt ſigne que le peché ne leur deſplaiſt pas. Et, comme ie vous ay dict, celuy qui n’eſt couuert par la grace de Dieu, ne ſe ſçauroit nier deuant les hommes, & y en a maintes qui prennent plaiſir de parler de tels propos, & font gloire de publier leurs vices : & autres, qui en ſe couppant ſ’acuſent. Si eſt ce coupper bien lourdemẽt, diſt Saffredẽt : mais ie vous prie, ſi vous en ſçauez quelqu’vne, que ie vous dõne ma place, & que vous la nous diſiez. Or eſcoutez donc, diſt Longarine,