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L’Homme à la longue barbe/17. Trait apocryphe

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CHAPITRE XVII.

Trait apocryphe.


Tout ce qui précède est de la vérité la plus scrupuleuse ; on peut nous démentir, mais nous ne craignons pas de l’être, parce qu’il suffit d’un mouvement nerveux, du transport d’une passion haineuse, de l’impulsion que donne l’appât d’un intérêt sordide, pour démentir la vérité même.

Et pourtant nos droits à la faire admettre et respecter sont incontestables, puisque les opinions que nous nous faisons gloire de professer sont diamétralement opposées, comme on a pu le voir, à celles de l’homme dont nous venons d’esquisser la vie.

La loi que nous nous sommes imposée de signaler indistinctement les abus comme les grandes actions, quelle caste qui les ait produits, quel parti qui les revendique, nous a donc animés aujourd’hui ; l’abnégation la plus entière a guidé notre plume impartiale ; tout ce qui précède comme ce qui suit, nous le répétons, est donc de la vérité la plus scrupuleuse : on n’aura plus aucun doute à cet égard.

Quant au trait suivant, nous n’osons en garantir l’authenticité ; mais il est tellement dans le caractère de l’homme singulier que nous venons de peindre, qu’on ne trouvera pas étonnant qu’il lui ait été appliqué.

Un individu lui devait cinq cents francs. Depuis long-temps la lettre-de-change était échue ; mais Duclos n’en avait pas fait usage : il se contentait d’importuner de temps à autre son débiteur, qui lui répondait toujours d’un ton brusque qu’il n’avait pas d’argent. Enfin le Superbe, impatienté, l’épie, le suit au Palais-Royal, le voit monter au jeu, y monte avec lui et l’observe. Le joueur perd, perd perd encore, pose à la fin sur la noire un billet de cinq cents francs, qu’il gagne, et se dispose à le recevoir ; mais au moment où le banquier le lui passe, une large main tombe tout-à-coup sur le tapis vert, et ne se relève qu’en possession du papier-monnaie. C’était Duclos, qui dit alors avec le plus grand sang-froid : « Ceci est à moi ! »

Le débiteur jette les hauts cris, et poursuit avec les joueurs le Superbe, qui sort d’un pas ferme, et mesurant des yeux les flots de peuple ameuté, que son attitude imposante et terrible tient comme en arrêt à une certaine distance. Cependant les clameurs redoublent, la garde arrive ; les grilles du Palais sont fermées : Duclos se présente pour sortir ; il n’hésite pas : de ses deux mains il secoue les barreaux de la grille, qu’il ébranle, l’arrache de ses gonds, la met de côté et disparaît aux regards de la foule pétrifiée.