L’Homme à la longue barbe/9. Le capitaine de gendarmerie
CHAPITRE IX.
Le Capitaine de Gendarmerie.
Le Superbe, profitant de sa liberté pour échapper aux nouvelles embûches de ses ennemis désappointés, s’embarqua sur un corsaire, fit avec lui une croisière de quatre mois, et revint une troisième fois à Bordeaux.
Au consulat avait succédé l’empire. Le Superbe, dont les opinions étaient inébranlables, abhorra dans Bonaparte ce qu’il admirait dans Hugues Capet. Ses discours, sa conduite, donnèrent la mesure de ses sentimens, et Fontet, capitaine de la gendarmerie de Bordeaux, reçut l’ordre de tirer sus partout où le Superbe serait rencontré.
Le général Mergier commandait alors la ville ; il se rend chez la maîtresse de Duclos et l’avertit du danger de son amant. Elle, dans un désordre difficile à décrire, fait mettre les chevaux à la voiture, part, le cherche, le découvre, et lui apprend la fatale nouvelle. « Malheureux ! ajoute-t-elle en pleurant, que vas-tu faire à présent ? Fontet te tuera ! » Toujours ferme et calme, Duclos ne répond que par ces mots, prononcés avec l’accent de la pitié : « Il n’est pas assez adroit ! Tiens toujours prête pour ce soir une filadière (barque) et j’irai passer huit jours au château de Montferrant. »
S’emparant alors d’une paire de pistolets, il les charge tranquillement, va se promener à Tourny, précisément à l’endroit le plus populeux, et en entrant par une des grilles, qu’aperçoit-il ?… le capitaine de gendarmerie lui-même. Le Superbe va droit à lui ; mais Fontet s’étant retourné pour ne pas le voir : « Le lâche ! s’écrie alors Duclos, je puis partir à présent ; » et il s’embarqua le soir même sur la filadière qu’on avait eu soin de lui tenir prête, et se relégua au château de Mantferrant propriété d’un de ses amis.