L’Idée mystique dans l’œuvre de Richard Wagner
Les grands poètes de tous les temps furent des mystiques, si l’on entend ce mot dans le sens le plus large et le plus profond. Il suffit de les lire, même superficiellement, pour s’apercevoir que l’âme est pour eux une réalité supérieure à celle du corps, et qu’ils croient tous à un monde spirituel qui se cache derrière la traîne mouvante du monde visible. Leur pensée nous apparaît plus ou moins imprégnée de cet ensemble d’idées que les anciens nommaient les « mystères » et que les modernes ont désigné tour à tour sous le nom de magie, d’occultisme, de doctrine ésotérique et de théosophie.
N’en citons que les plus frappans exemples. Les créateurs de la tragédie grecque vécurent dans un âge où la foi religieuse se mêlait intimement à toute la vie sociale et politique et où les enseignemens d’Eleusis fournissaient aux initiés une explication philosophique des mythes populaires. Il suffit de nommer l’Orestie, le Prométhée d’Eschyle, l’Œdipe-Roi et l’Œdipe à Colone de Sophocle, pour rappeler à toutes les mémoires les liens étroits que les grands tragiques établissaient entre la destinée humaine et le monde des Dieux. Dante, le grand poète chrétien du moyen âge, ne met pas seulement en œuvre, dans sa Divine Comédie, la doctrine catholique orthodoxe de saint Thomas d’Aquin. Il y greffe des idées singulières et hardies, qui n’ont pu lui venir que de la Kabbale ou des doctrines secrètes des frères de Saint-Jean. Son Paradis semble l’œuvre d’un voyant saturé de science occulte. Passons à Shakspeare, le grand poète de la Renaissance et le père du drame moderne. Nous n’avons sur lui que peu de renseignemens biographiques, si ce n’est qu’il s’éduqua lui-même, au hasard de sa vie aventureuse de comédien et d’auteur dramatique. Il y a dans ses drames des notions d’occultisme si précises et si documentées qu’on est forcé d’admettre qu’il eut, dans cette science, un maître très avancé et en connut la tradition. Etait-ce Bacon ? Était-ce le duc de Southampton ? Etait-ce un autre ? Je l’ignore, mais il y en eut un. Sinon, comment Shakspeare aurait-il ces idées claires sur la différence entre l’hallucination et les apparitions réelles dont témoigne Hamlet, cette connaissance profonde de l’état somnambulique dépeint dans lady Macbeth, enfin cette science synthétique et lumineuse de la haute magie incarnée dans le Prospero de la Tempête ? — Prenons maintenant l’un des plus grands poètes modernes, Goethe. Rien de plus ésotérique que son Faust, qui montre comment le Mal lui-même coopère, malgré lui, au Bien, et qui développe, dans son ensemble, l’idée de la rédemption par l’effort personnel. Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, où grandit le génie de Gœthe, la science mystique flottait encore dans l’air. Tout porte à croire qu’il reçut dans sa première jeunesse une initiation rosicrucienne, qui laissa sur son esprit une empreinte indélébile[1].
Richard Wagner, dont l’œuvre est aussi importante pour l’histoire du drame que pour l’histoire de la musique ; Richard Wagner, qu’on pourrait appeler le restaurateur de la tragédie dans sa dignité sociale et dans sa portée religieuse, est lui aussi un poète ésotérique. Il l’est autant que ses plus illustres prédécesseurs et plus qu’aucun de ses contemporains. Non seulement toutes ses grandes conceptions ont leur base dans un mysticisme profond, non seulement elles en exultent et en débordent, mais sa musique est devenue un des agens occultes les plus actifs du temps présent parce qu’elle excelle à réveiller, chez ceux qui s’en doutent le moins, de nouvelles aspirations et de nouvelles perceptions psychiques. Néanmoins, la situation de Wagner vis-à-vis de la mystique diffère de celle des grands génies dont je viens de parler. Ceux-ci ont tous été en rapport direct avec la tradition ésotérique. Ils se sont baignés dans son atmosphère. A un certain moment de leur vie, cette tradition les a bercés sur ses genoux, les a couvés du regard comme une mère passionnée berce son enfant et lui insuffle son âme. Rien de pareil chez Wagner. La religion n’a exercé aucune influence sur lui ; il n’a eu aucune crise mystique dans son existence agitée ; il n’a connu aucun grand mystique. Il ignore la tradition ésotérique. En philosophie, ses seuls maîtres furent Feuerbach et Schopenhauer, un matérialiste et un pessimiste. Toutes les vérités mystiques, qu’il a magnifiées dans ses drames, il les a découvertes en lui-même, par son génie, à l’encontre de son temps et de ses maîtres. Je vais plus loin, et je dis : il les a exprimées dans ses poèmes et sa musique, en dépit de sa propre philosophie. Je ne suis donc pas de l’avis de M. Chamberlain dans son livre d’ailleurs remarquable et suggestif sur ce sujet[2]. Il prétend que « la caractéristique de la pensée de Wagner est une merveilleuse unité. » Cela est vrai de l’esthéticien, du musicien et du poète, mais non du penseur spéculatif et du philosophe. Celui-là flotte perpétuellement entre une conception naturaliste du monde et ses aspirations spiritualistes, entre un pessimisme fataliste et un optimisme libérateur. Quant au poète-musicien, il vit dans une autre région et y plane fièrement. Ses créations sont toujours inspirées d’un spiritualisme vivant, d’une foi ardente en l’avenir de l’homme et de l’humanité. C’est que chez Wagner le poète est très supérieur au philosophe. Celui-ci s’appuie sur le monde extérieur et visible, l’autre s’inspire d’un monde intérieur et transcendant. L’un marche ; l’autre vole. L’un est un raisonneur ; l’autre un voyant. L’un vit dans l’éphémère ; l’autre dans l’éternel.
Wagner est par là une des preuves les plus éclatantes de la supériorité de l’inspiration sur le pur raisonnement. Mieux que personne il prouve qu’il y a chez le vrai créateur une subconscience, qui, de temps à autre, fait irruption dans la conscience ordinaire. Cette subconscience est la source profonde du génie. Lui-même l’avoue. Il écrit à Liszt en 1853 : « De moins en moins je puis écrire ce que je vis en moi, je ne pourrais même pas le dire. Je n’éprouve alors qu’un seul besoin : sentir et agir. » Or, pour lui, agir c’est créer, et créer c’est penser. Le génie ne pense qu’en images. Le Wagner, qui moule des figures idéales et les anime du souffle de sa musique, représente donc, pour nous, un moi très supérieur à celui qui raisonne à tête reposée et arrange péniblement sa philosophie. Celui-là est sous l’influence de son temps. Devant l’autre s’ouvrent les perspectives d’un monde divin, le royaume éternel de l’Ame et de l’Esprit.
C’est ce contraste, demeuré inaperçu jusqu’à ce jour, entre le penseur et le poète, que je voudrais mettre en pleine lumière, car il est à la fois une des caractéristiques de l’œuvre de Wagner et un phénomène ésotérique des plus intéressans de notre époque. Il démontre l’énergie inlassable avec laquelle l’esprit humain, comprimé par le matérialisme ou le dogmatisme étroit de notre temps, cherche une issue vers le monde divin et par quelles voies extraordinaires il y parvient.
Au point de vue philosophique, le développement intellectuel de Wagner se résume en trois périodes : 1° la période révolutionnaire (1840 à 1853) marquée par Tannhäuser et Lohengrin ; 2° la période pessimiste (1853-1876) illustrée par la Tétralogie ; 3° La période chrétienne (1876-1883)[3] où il couronne son œuvre avec Parsifal. Suivons-le dans ces trois phases de sa vie intellectuelle et créatrice. Nous y verrons le poète intuitif contredire le penseur, le combattre et finalement l’entraîner dans le chemin de sa vision et de sa foi.
Wagner ne commence véritablement à penser philosophiquement sur son art et sur le fond des choses que vers sa trentième année. Il a déjà composé Rienzi et le Vaisseau fantôme, mais il se cherche encore. Toute sa nature est en ébullition, toutes ses idées fermentent pêle-mêle. Son philosophe préféré, son guide intellectuel est à cette époque Feuerbach, un disciple de Hegel, devenu matérialiste intransigeant. Feuerbach est l’ennemi juré de toute métaphysique et de toute religion. Comme les socialistes d’aujourd’hui, il ne voit dans l’idée religieuse « qu’un reste de la barbarie et de la superstition du genre humain. » Il est optimiste jusqu’à la naïveté. La perfection morale, le bonheur parfait, la société idéale se réaliseront sur-le-champ selon lui, pourvu qu’on supprime le christianisme et l’idée de Dieu. Ce qui séduisit Wagner dans Feuerbach, c’est qu’il y trouvait des armes contre l’ascétisme du moyen âge et l’hypocrisie sociale, qu’il considérait comme les obstacles principaux à son art. Lui aussi ne voyait en ce moment que le côté oppresseur et négatif du christianisme de l’Eglise, qui avait supprimé la joie de vivre, qui méprisait la beauté corporelle et empêchait l’homme d’être un artiste complet à la façon des Grecs. Tout le désir, toute la nostalgie de Wagner se détournait alors des cathédrales gothiques pour se fixer sur la Grèce. Dans son premier écrit théorique, l’Art et la Révolution, il s’écrie : « Plutôt être Grec pendant une demi-journée devant le chef-d’œuvre tragique, qu’être un Dieu non grec pendant l’éternité. » Ailleurs, il appelle la poésie chevaleresque « une honnête hypocrisie du fanatisme, une superstition de l’héroïsme qui met la convention à la place de la nature. »
Etrange anomalie, en ces mêmes années, l’artiste créateur puisait dans la tradition chevaleresque les deux sujets, où devait se révéler la plénitude de son génie dramatique et musical : Tannhauser et Lohengrin, deux œuvres d’un christianisme certainement hérétique, mais d’un spiritualisme profond et d’un mysticisme transcendant. Un mot d’abord, à ce point de vue, sur Tannhauser.
Deux courans se heurtent dans ce drame avec une extrême violence et cependant aspirent à se fondre. L’un part du monde païen et l’autre du christianisme. Le courant sensuel et le courant mystique s’étaient disputé la jeunesse de l’artiste jusqu’à faire de son cerveau un tourbillon, où les idées des deux mondes s’engouffraient pour rejaillir en un prodigieux bouillonnement. Ces deux courans contraires, il faut le dire, sont ceux-là mêmes qui se disputent l’âme du XIXe siècle, dans la science comme dans la philosophie, dans la littérature comme dans l’art et la société. Pour l’occultiste comme pour le théosophe, ce moment de l’histoire représente le point extrême d’involution cérébrale de l’Esprit dans la matière, le point inférieur, où devait parvenir le moi humain dans son besoin d’identification avec la nature. L’homme devait atteindre ce point pour pénétrer entièrement la nature physique et pour se connaître lui-même. Car sans pénétration, sans identification, il n’y a pas de connaissance. Mais, de ce point aussi, l’homme doit remonter et s’élancer comme d’un tremplin vers les sphères incommensurables de l’âme et de l’esprit universels. C’est le bas d’un arc immense, d’où la grande montée doit reprendre son essor. Sommes-nous arrivés au plus bas de la pente, ou faudra-t-il descendre encore ? Si nous nous débattons dans un chaos tumultueux, tout fait espérer que la réascension est déjà commencée.
Quoi qu’il en soit, Tannhauser marque fortement ce point de l’évolution humaine. Nous assistons, comme en son antre le plus profond, à ce formidable combat de l’Esprit et de la matière, qui bouleversa le XIXe siècle et se prolonge au XXe. Le problème y est hardiment posé et sa solution s’esquisse symphoniquement dans le finale magnifique de l’ouverture, où toutes les puissances de la nature domptée rebondissent et s’exaltent pour chanter la gloire de l’esprit triomphant. Cette pensée mère du drame se reflète dans la lutte qui divise l’âme de son héros. Vénus, la déesse de la beauté et de la volupté, d’une part ; Elisabeth, la vierge chrétienne de l’autre, sont les deux pôles du désir de Tannhauser. Il les aime d’un amour également fort ; car le paganisme et le christianisme possèdent tour à tour et quelquefois simultanément tout son être. Dans l’antre de Vénus, où la magie des sens l’étourdit avec le cortège des Bacchantes antiques, il soupire après la lumière du ciel, après le son des cloches, après l’ivresse de l’action et le glaive de la douleur. A la Wartbourg, devant la cour du margrave, entraîné par la lutte avec ses émules, c’est Vénus, c’est l’amour païen déchaîné qu’il chantera avec une audace voisine du délire.
Pour avoir pactisé avec la déesse païenne et partagé les plaisirs, qui, aux yeux de l’Eglise, sont les joies de l’enfer, les chevaliers le tueraient, mais la vierge héroïque s’interpose. L’amante renonciatrice, changée en sainte, lui vaudra le pardon que lui refuse le Pape. Le chevalier-poète, qui fut l’amant de Vénus, meurt repenti, extasié devant le cercueil d’Elisabeth. Son double amour l’a consumé, mais il est sauvé pour l’autre vie. Wagner, qui écarte l’idée de l’au-delà dans ses écrits théoriques, l’affirme comme le postulat suprême et le couronnement de son drame. Sachons-lui gré de cette contradiction féconde. La théorie est la feuille desséchée qui tombe de l’arbre ; l’œuvre d’art est la fleur immortelle qui pousse sur sa tige.
Au point de vue ésotérique, où nous nous plaçons dans cette étude, Lohengrin a une importance capitale dans l’œuvre de Richard Wagner. Car c’est avec ce drame qu’apparaît, pour la première fois, dans la poésie et dans l’art moderne le type de l’initié. Ce type se présente ici sous le voile de la légende, mais ce voile est assez transparent pour laisser deviner ses traits et percer le rayon qui émane de sa face.
Ce type n’est pas une invention de Wagner. Il sort d’une tradition immémoriale, dont le Graal est la forme chrétienne. La légende du Saint-Graal se forma à l’époque des croisades, où des ordres moitié laïques, moitié religieux, se fondèrent pour conquérir le Saint-Sépulcre et défendre la chrétienté contre l’Islam. Mélange d’élémens celtiques, germaniques et chrétiens, on peut y voir la plus fine fleur de la chevalerie. Par le fond comme par la forme, elle est hautement mystique, avec un caractère si libre et si hardi, qu’elle se distingue nettement des œuvres inspirées et protégées par l’Eglise officielle. On peut croire que l’idée mère de la légende du Graal fut suggérée au peuple par les chevaliers du Temple ou par les frères de Saint-Jean, qui eurent une doctrine secrète, suspecte à l’Eglise. On sait que l’ordre du Temple fut exterminé dans toute l’Europe, en l’année 1314, sous prétexte d’hérésie, en réalité à cause de ses immenses richesses, sur l’initiative du roi de France Philippe le Bel et avec la complicité du pape Clément V. Si ces moines guerriers ne créèrent pas la légende, il est visible que les trouvères s’inspirèrent de leur ordre pour la construire et que le symbole central leur fut communiqué par un initié.
On racontait donc qu’au fond de l’Orient se dressait, sur une montagne inaccessible au vulgaire, le Temple splendide de Montsalvat. Là de purs chevaliers gardent le Saint-Graal, le vase sacré, dans lequel jadis Joseph d’Arimathie reçut le sang du Christ et dans lequel Jésus consacra le pain et le vin avant sa mort. Ce vase, pareil au vase symbolique de la sagesse dans la tradition druidique et galloise, renferme une liqueur qui confère une science divine et des pouvoirs surhumains à ceux qui en boivent. Toutefois, pour que le Saint-Graal conserve ses vertus, il faut que la colombe du Saint-Esprit descende sur lui tous les ans et lui infuse à nouveau la force de l’irradiation céleste en planant sur la coupe. Ce symbole est une évidente transformation du sacrement de l’eucharistie qui forme le cœur du culte chrétien. Mais remarquons ce qui distingue le sacrement du Graal du sacrement romain et canonique, car cette distinction constitue la différence radicale entre la vérité selon la doctrine ésotérique et la vérité selon l’Église, entre la religion des initiés et la religion populaire. Les chevaliers de Montsalvat ne trouvent la montagne et n’entrent dans le sanctuaire qu’après mainte épreuve et de prodigieux efforts. De plus, les vertus merveilleuses du Graal (lisez : de la science secrète) ne durent que si la colombe céleste (symbole de l’inspiration) descend tous les ans sur la coupe pour la féconder à nouveau. Dans le sacrement conféré par l’Église, le salut est une chose extérieure et résulte d’un fait matériel. Pour l’obtenir, la foi aveugle au dogme et la soumission absolue à l’Église suffisent. Pour les chevaliers de Montsalvat, au contraire, le salut est le fruit d’une conquête. La grâce ne répond qu’à l’effort. La foi devient la connaissance, une vue directe de la vérité. Et cette vérité n’est pas un dogme imposé du dehors, c’est une initiation, c’est-à-dire une révélation intérieure et individuelle. Mais si éclatante et si forte est cette vérité de l’âme, qu’elle unit ceux qui l’ont une fois perçue d’un lien indissoluble et les consacre frères et combattans pour la même cause.
Les historiens littéraires n’ont aperçu jusqu’à ce jour dans le Saint-Graal qu’un jeu d’imagination ou une glorification de la doctrine catholique. On voit à quel point son sens profond éclaire sa signification historique et grandit son importance. La légende du Saint-Graal ne signifie rien moins qu’un retour à l’idée grandiose et féconde de l’initiation, qui implique la révélation continue dans l’humanité par une élite. Cette idée, qui formait la base des mystères antiques, subsista dans les premières communautés chrétiennes jusqu’à la fin du IIIe siècle. Elle disparut totalement de l’Église, elle fut même honnie, comprimée et persécutée sous toutes ses formes à partir de saint Augustin. Pourquoi ? Parce qu’à l’initiation et à la révélation personnelle saint Augustin substitua la foi aveugle et l’autorité absolue de l’Église. La rentrée de l’idée ésotérique dans le monde occidental, voilà ce que signifie la légende du Saint-Graal. Les créateurs du symbole en connurent certainement le sens et le lancèrent dans le monde pour propager l’idée. Ceux qui le reçurent et le développèrent, les trouvères français et les Minnesinger allemands, les Chrestien de Troye et les Wolfram d’Eschenbach n’en eurent peut-être qu’une conscience vague. Mais c’est la vertu en quelque sorte magique des symboles bien faits d’agir sur les âmes par la puissance génératrice de l’image, sans que l’idée qu’elle revêt soit énoncée.
La légende de Lohengrin, qui se rattache à celle du Saint-Graal, remonte au XIVe siècle. Elle naît à l’époque où l’esprit individualiste s’éveille en Occident par le mouvement des villes libres. On y trouve une nouvelle traduction de l’idée ésotérique par la poésie, traduction déjà plus humaine et plus voisine de la compréhension générale par son côté sentimental et pathétique. On racontait que, dans un pays limitrophe des mers du Nord, une fille de roi avait été injustement accusée d’un crime et devait, pour cette raison, être dépossédée de son royaume. Un chevalier inconnu arrive sur une barque traînée par un cygne. Il se porte comme défenseur de l’accusée et prouve son innocence en terrassant l’accusateur en un combat singulier, puis il épouse la princesse qu’il a délivrée et gouverne son royaume. Toutefois l’étranger a mis une condition à ce mariage, c’est que jamais sa femme ne lui demandera son origine et son nom. Elle le promet ; mais bientôt, poussée par une invincible curiosité, elle enfreint sa promesse et le commandement de son époux. Alors le sauveur inconnu dit adieu à sa femme et part comme il était venu. Il remonte sur sa nacelle traînée d’un cygne et disparaît pour toujours sur les flots de la mer. Les chroniqueurs du XIVe siècle affirment que ce chevalier était un envoyé du Saint-Graal.
La mise en œuvre de cette légende par Wagner dans son Lohengrin est d’une intuition merveilleuse, car elle peut être considérée comme une représentation fidèle de la mission de l’initié dans le monde. Le sanctuaire n’apparaît que de loin, mais il est présent dans la personne du chevalier au cygne. La vérité sublime, dont le temple a la garde, se révèle ici par la grandeur de son envoyé, par le mystère qui l’enveloppe et par son action sur les âmes.
La nature supérieure de Lohengrin se marque dès son arrivée au milieu de l’assemblée guerrière présidée par le Roi, où va se livrer le combat qui décidera du sort d’Elsa. Elle se trahit dans son « adieu au cygne aimé » qui l’a amené. Dans cette mélodie passe, comme un soupir, la félicité céleste déjà voilée de mélancolie terrestre, l’atmosphère des régions sublimes d’où il descend pour remplir son message. La hauteur de l’initié se dessine mieux encore dans la fière défense qu’il adresse à sa protégée : « Jamais ne m’interroge, ni ne cherche à savoir le pays d’où je viens, ni mon nom, ni ma race ! » Mais lorsque Elsa se jette à ses pieds, dans un élan de foi et d’amour, quel éclair de joie, quelle tendresse passionnée dans le cri de Lohengrin : « Elsa, je t’aime ! » Puis, quand Lohengrin reparaît en ce même endroit pour répondre à la question fatale de sa femme, quand il révèle son origine, quand il parle de son père et des mystères du Graal, le héros initié se dévoile tout entier. Une lumière surnaturelle sort de sa parole et la splendeur fulgurante du temple de Monsalvat éclate autour de lui par la puissance de l’orchestre. Nous avons la sensation d’une révélation foudroyante. Cette lumière, qui s’étend autour du chevalier du Graal en cercles grandissans et qui sort de son verbe, le met à part du peuple en armes qui l’environne, du Roi, d’Elsa, de tous. Elle l’isole en l’élevant. Forcé par la question de sa femme, il en a trop dit. On sent que désormais il ne peut plus rester dans ce monde-là. Le charme est rompu ; la puissance qui devait agir sous le voile du mystère est brisée. Il faut qu’il rentre dans la solitude de Montsalvat auprès de ses égaux.
Si la fermeté de Lohengrin représente, dans ce drame, l’action de l’initié dans le monde, l’aimante et flottante Elsa représente admirablement l’âme humaine dans son aspiration à la vérité. Vraie fille d’Eve, sœur charmante de Psyché, curieuse et songeuse, elle a eu la force de pressentir son sauveur et de l’attirer. D’avance, elle a vu son chevalier dans son rêve, mais, quand il vient, elle n’a pas la force de le retenir. Sa foi est intermittente. Elle oscille entre l’extase et la crainte. Sous les insinuations perfides d’Ortrude, génie de la haine et de l’envie, elle a laissé le soupçon s’insinuer dans son cœur. En peu de traits, mais d’une main sûre, le poète nous montre comment le poison du doute et de la curiosité s’infiltre dans ses plus purs sentimens. Elle voudrait connaître le nom du héros pour avoir un privilège sur les autres. Faible qu’elle est, elle s’imagine que le passé de son héros pourrait lui porter malheur. Superbement Lohengrin lui répond : « Du premier regard j’ai cru à ton innocence et ton regard m’a reconnu du premier coup d’œil… Je t’ai prouvé ma noblesse par mon action ; tu dois croire à moi, sans autre preuve ! » Mais la terreur l’aveugle maintenant ; elle veut tout savoir, elle pose la question fatale. Le doute a été plus fort que l’amour. C’en est fait de la foi divine qui unissait la femme aimée à son sauveur. L’abîme est creusé entre eux… il faudra qu’il parte… et Elsa en mourra de douleur. Toutefois le chevalier du Saint-Graal n’aura pas inutilement traversé le monde des apparences. Il y laisse un sillon de lumière avec son souvenir.
Et qu’est-ce que le cygne représente dans ce drame ? Car, ésotériquement, tout y a un sens précis. Selon la légende, si intelligemment mise en œuvre par le poète, Ortrude, la mauvaise magicienne, a changé le frère d’Eisa en cygne pour pouvoir accuser la princesse du meurtre de son frère. Or ce cygne est celui-là même qui amène Lohengrin de Montsalvat pour sauver Elsa. A la fin du drame, Lohengrin lui rend sa forme première. Il sera Prince de Brabant. Cela ressemble à une bizarre imagination de conte de fées. Mais, comme beaucoup d’histoires merveilleuses, ce symbole recouvre une idée profonde. Le cygne, qui, par sa blancheur comme par sa forme ondulée, semble une mélodie visible, était, dans le culte d’Apollon, le symbole de l’inspiration. Il chante, disait-on, au moment de mourir, parce qu’alors, sa nature supérieure se dégage. Dans la tradition des Rose-croix du moyen âge, comme dans certains mystères antiques, le cygne représentait un degré de l’initiation, le passage de l’âme inférieure à l’âme supérieure. Le cygne, qui amène Lohengrin par les bouches de l’Escaut aux rives du Brabant, représente donc le disciple fidèle et reconnaissant qui amène le maître auprès de ceux qui ont besoin de lui. Ainsi tout s’accorde pour faire de Lohengrin un drame ésotérique aussi profond que lumineux.
En 1853, Wagner lut un livre de philosophie récemment paru, qu’un de ses amis, le poète allemand Herwegh, lui avait passé. Le livre portait un titre abstrait et rébarbatif : Le monde comme volonté et comme représentation. Le philosophe s’appelait Schopenhauer. Wagner en demeura ébloui. Du premier coup, le philosophe de Francfort l’avait conquis et subjugué. L’emprise dura jusqu’à la fin de sa vie.
La nouveauté de la philosophie de Schopenhauer pour son temps, son succès légitime provient de ce qu’elle fut une transition entre les philosophies qui fondent la connaissance sur le pur raisonnement (telles que Hegel, Kant et les matérialistes Büchner et Moleschott) et une philosophie fondée sur l’intuition directe des choses. « En réalité, toute vérité et toute sagesse réside dans la contemplation, » dit Schopenhauer. Cette contemplation de l’univers, aidée de l’intuition, fait deviner à l’esprit humain les archétypes de tous les êtres qui se cachent derrière leurs imparfaites copies matérielles. De là la supériorité du grand art, qui voit l’âme des choses et leur ensemble, sur les sciences particulières, qui ne voient que leur apparence et leur détail. Telle la partie profonde et féconde de Schopenhauer. Sa partie superficielle et stérile réside dans sa définition de « la chose en soi » ou de « la volonté de vivre » conçue comme principe de l’univers. Son erreur consiste à voir dans l’instinct aveugle l’origine du grand Tout, alors qu’il n’est qu’une des manifestations inférieures de la nature de l’homme. Son étroitesse est de refuser à l’univers le principe de sagesse inhérent à l’Ame et à l’Esprit, qui sont les modeleurs de tous les mondes petits et grands. De là le pessimisme primordial et final de ce philosophe. Le monde, pour Schopenhauer, est mauvais en principe et ne peut aboutir qu’au mal et à la souffrance. Il ne devient supportable que par la pitié et par l’art. Le seul moyen de le rendre parfait serait de le supprimer pour arriver à l’inconscience finale. Sombre conclusion de belles prémisses ; un portique de marbre donnant sur un abîme noir et sans fond, voilà cette philosophie. En somme, Schopenhauer est platonicien en esthétique, bouddhiste en morale et presque matérialiste en métaphysique.
Il est facile de voir ce qui séduisit Wagner dans ce système. Il y trouvait des argumens pour son esthétique et une confirmation de ses expériences intimes. La souveraineté de l’intuition par rapport aux autres facultés répondait à ses propres perceptions. La supériorité de l’art sur la science et la religion flattait son orgueil. Enfin la définition géniale de la musique comme une métaphysique inconsciente, comme une expression concentrée de l’âme du monde, acheva de le charmer. Il adopta aussi le pessimisme du philosophe, et sa grande œuvre de cette période en porte la trace, mais nous verrons combien elle dépasse la philosophie de Schopenhauer par les idées qu’elle renferme et par l’esprit qui s’en dégage.
J’arrive donc à l’Anneau du Nibelung, construction centrale et colossale de l’œuvre wagnérienne, pour tâcher d’en tirer la quintessence ésotérique. Les quatre drames de la tétralogie, l’Or du Rhin, la Walkyrie, Siegfried, le Crépuscule des Dieux, qui forment un tout indissoluble, nous offrent en réalité le spectacle d’une cosmogonie. Car nous passons du monde des dieux et des demi-dieux à celui des héros et des hommes. Chemin faisant, nous entrons dans le laboratoire du Cosmos, car nous voyons la naissance de l’homme dans la pensée divine, nous suivons sa destinée tragique, et avec sa fin nous entrevoyons aussi la fin des Dieux. Nous assistons donc à la création et à la fin d’un monde. De l’œuvre gigantesque je ne veux détacher ici que les idées maîtresses, qui se personnifient dans Erda, dans Wotan et dans Brunhilde.
Dans l’Or du Rhin, où s’échafaude la hiérarchie des forces en action dans l’univers, esprits de l’onde et du feu, de la terre et du ciel, nous voyons le mal entrer dans le monde avec l’or forgé par le pouvoir de la haine. Les dieux eux-mêmes en sont complices, car ils ont eu besoin de l’or pour payer le travail des géans, constructeurs du Walhalla. À ce moment, une déesse inconnue, d’une beauté grave, apparaît dans une caverne et dit au maître des dieux, Wotan, ces paroles solennelles :
Je sais comment tout était, — comment tout devient, — et je sais aussi comment tout sera. — Je suis la Mère primordiale — du monde éternel.
Tout ce qui est — finit. — Un sombre crépuscule menace les dieux. — Laisse, laisse l’anneau !
Idée transcendantalement ésotérique : Erda représente l’Ame du monde, manifestée par l’Ame de la terre. Elle se dit « la Femme éternelle, la Sagesse originaire, la Dormeuse voyante. » En elle résident les Archétypes, les modèles de tous les êtres, d’après lesquels travaillent les dieux dans l’éternelle élaboration des mondes. Cette idée d’une âme universelle, contenant les principes de tout, antérieure à tous les dieux particuliers, qui travaillent dans une sphère déterminée, est certainement une des plus profondes conceptions de la doctrine ésotérique. Wagner l’a merveilleusement pressentie et formulée. C’est avec Erda que Wotan engendrera Brunhilde, la femme héroïque et sachante, comme si le poète avait voulu nous dire que l’âme humaine est la filtration quintessenciée de l’âme universelle et son résumé conscient.
La lutte entre Wotan et sa fille, entre le Dieu créateur et l’âme consciente, fait le fond de la Walkure. Ici Wagner a creusé d’une façon singulière l’un des grands arcanes des mythologies aryennes. Dans toutes ces mythologies, nous rencontrons la lutte du Dieu créateur avec les esprits inférieurs, qui sont généralement les esprits du feu ou les esprits lucifériens, au sujet de l’homme qu’ils se disputent. Dans la mythologie hindoue, c’est la lutte d’Indra et des Asouras. Chez les Persans, c’est la lutte d’Ormuz et d’Arimane. Chez les Grecs, c’est la lutte de Jupiter avec les Titans. Dans la tradition judéo-chrétienne, elle est à peine indiquée, mais se trahit néanmoins dans la lutte de Jéhova et de Lucifer. Toujours le Dieu créateur veut maintenir la créature sous son joug, tandis que son ministre, l’ange rebelle, le démon veut l’affranchir, lui donner les pouvoirs divins avec la connaissance et la liberté, et par eux le pouvoir de créer à son tour, de devenir dieu lui-même à sa façon, c’est-à-dire une âme immortelle participant à la divinité.
L’originalité de Wagner, en reprenant ce thème avec les moyens agrandis de son art synthétique, consiste dans le fait d’avoir transporté le conflit initial dans la conscience même du Dieu créateur et de nous avoir montré les conséquences de cette lutte intérieure dans la destinée de sa progéniture qui se révolte contre lui. — Wotan, qui rêve le héros libre, s’est uni à une simple mortelle. De cette union clandestine est né un couple de jumeaux. Séparés dès leur enfance par des hordes barbares, ils se retrouvent plus tard et s’aiment d’amour. L’homme errant et désespéré trouve l’épée victorieuse que le Dieu a cachée pour lui dans un trône d’arbre et enlève sa fiancée au joug d’un maître détesté. Wotan veut soutenir son fils jusqu’au bout, mais sa femme Fricka (la Junon Scandinave) lui démontre sans peine que ce prétendu héros n’est pas libre, qu’il n’agit qu’en instrument docile sous l’instigation de son père. Wotan suivra-t-il l’élan de sa sympathie et son désir ardent du nouveau, de l’inconnu, ou bien se conformera-t-il à la loi qu’il a établie lui-même ? Il prend ce dernier parti. Mais Brunhilde, la compagne intrépide de ses combats, la confidente de ses desseins les plus secrets, Brunhilde, l’âme consciente du grand amour, ne peut s’y décider. Après avoir vainement essayé de donner la victoire à Siegmund, dont Wotan brise l’épée avec sa lance, elle enlève la femme du héros mort sur son cheval et la cache dans une forêt impénétrable. Elle sait que la malheureuse est enceinte et que là elle mettra au monde le plus fier des héros, — Siegfried, — l’homme libre.
Alors s’engage le combat entre le dieu irrité et sa fille, qui s’est réfugiée au milieu de ses sœurs affolées, dans un bois de sapins, au sommet d’une montagne. Wotan furieux, qui chevauche la tempête, fond sur Brunhilde au rocher des Walkures, l’accable de son mépris et la fait tomber demi-morte à ses pieds en lui annonçant qu’il l’endormira sur place et qu’elle sera la proie du premier venu.
Tu n’es plus la vierge de mon désir ; car tu as désiré contre moi. Tu n’es plus la vierge au bouclier ; car tu as brandi ton bouclier contre moi. Tu n’es plus la Walkure qui choisit les destinées ; contre moi tu as choisi le destin. Tu n’es plus l’excitatrice des héros ; car tu as excité les héros contre moi… Dis-toi toi-même ce que tu es encore !
La réponse de Brunhilde dévoile toute la grandeur de son âme :
BRUNHILDE. — J’ai exécuté ton ordre tel que tu me l’as donné lorsque tu étais le maître du combat, lorsque Fricka ne t’avait pas encore rendu étranger à toi-même. Je ne suis pas savante, mais je savais une chose : que tu aimais Siegmund. J’entendis la détresse sacrée du héros, la plainte de ce vaillant résonna dans mon cœur, la douleur éternelle du plus libre amour, le défi tout-puissant du désespoir. Et mon cœur palpita au plus profond de moi-même. Étonnée et craintive, je rougis de honte. Je ne pouvais plus penser qu’une chose : servir le héros, partager la victoire ou la mort avec Siegmund. Quel autre destin pouvais-je choisir ? Je suis restée fidèle à Celui qui m’a inspiré l’amour pour le héros.
Voilà pourquoi j’ai bravé ton commandement.
WOTAN. — Si ton humeur est si légère, sois donc la proie du premier venu qui trouvera la dormeuse au bord de la route.
BRUNHILDE. — Ne déshonore pas ainsi l’éternelle moitié de toi-même !… Si le sommeil vainqueur doit m’enchaîner, ne m’abandonne pas, comme une proie facile, au lâche. Que la dormeuse soit protégée par un puissant épouvantail. Que seul un héros libre et sans crainte puisse me trouver sur ce rocher !… Qu’à ton commandement jaillisse un feu. Qu’il roule comme une mer ses flammes vivantes autour du rocher. Que sa langue lèche, que sa flamme dévore le lâche audacieux qui tenterait d’escalader la roche flamboyante !
À ce cri de la Walkure, Wotan a reconnu sa fille. Il est vaincu. La vierge aimante l’emporte sur le Dieu inflexible, la puissance de l’Amour sur la loi rigide. Résolu à l’inévitable séparation, mais ébranlé jusqu’au fond de son être, le dieu du Walhalla ouvre ses bras à Brunhilde. Elle s’y laisse tomber ; il l’y presse pour la dernière fois. Après un long et douloureux regard dans ces yeux aimés qu’il ne reverra plus, il les scelle de ses lèvres et plonge sa fille dans un sommeil magnétique, profond comme la mort. Endormie par le baiser d’un Dieu, elle ne se réveillera que sous le baiser d’un héros. Alors elle ne sera plus déesse, mais femme. Ceci est peut-être le moment le plus sublime de ce drame grandiose de la Tétralogie, celui où le divin et l’humain se fondent d’une puissante et chaste étreinte. La symphonie qui l’accompagne en exprime l’ivresse de sa magie enveloppante. Le motif enchanteur du sommeil se répand en larges ondes sur le feu vivace et crépitant. Il le dompte sous la caresse de son rythme impérieux et doux. A la fin, éclate une fanfare héroïque, et comme un géant se dresse, sur la mer de flammèches éthérées, le motif triomphal du héros futur, de l’éveilleur de la Walkure.
Un tel tableau, accompagné d’une telle musique, n’a pas besoin de commentaire. Mais il importe ici de préciser le sens ésotérique de l’antique légende Scandinave si puissamment élargie par la vision vibrante de Wagner. Qu’est-ce que ce feu dont Wotan entoure la vierge guerrière comme d’un rempart pour la défendre ? Il a plusieurs sens. Le feu, personnifié dans le drame par le dieu Loge, représente le feu principe, qui est un des élémens essentiels de la création, feu éthéré et subtil, dont le feu physique n’est que la résultante sur le plan matériel. Ce feu qui entoure la vierge Brunhilde, la déesse devenue femme, ou, pour parler plus clairement, l’âme qui s’incarne dans le corps physique, devient ici l’aura humaine, le rayonnement du corps astral qu’aperçoivent les voyans, avec ses colorations multiples et changeantes qui correspondent au jeu des passions et des sentimens. Cette aura agit magnétiquement même sur ceux qui ne la voient pas. Elle est le principe des antipathies et des sympathies involontaires. On imagine donc aisément que, chez une nature aussi forte que Brunhilde, l’aura donnera la sensation d’un feu dévorant et qu’un homme sans peur osera seul la braver par la puissance de son désir. Telles sont, pour l’occultiste, les concordances psychiques et cosmogoniques du mythe et de la grande poésie avec la science.
Cette scène finale de la Walkure fait penser à l’incarnation d’une âme, aperçue d’une sphère supraterrestre et dirigée par un puissant esprit. Elle produit un effet d’ordre magique, une émotion surhumaine que le spectateur impressionnable traduit souvent par ces mots : « Je me suis senti transporté dans un autre monde. » J’ai tâché de montrer le pourquoi de cette impression unique dans le théâtre moderne. De ce tableau si profondément ésotérique passons à la dernière scène du Crépuscule des Dieux, qui forme la conclusion de la Tétralogie et nous présente la mort de l’héroïne. Ici Schopenhauer a imprimé son sceau. C’est peut-être le seul endroit de l’œuvre de Wagner, où le poète ait vraiment subi le philosophe. Brunhilde, trahie par Siegfried, l’a fait tuer par Hagen et jette une torche allumée dans le bûcher du héros, où elle va se précipiter elle-même. Alors d’une voix solennelle elle annonce l’incendie du palais des Dieux. Ils vont finir avec elle. Mais la femme consciente, qui maintenant a vu le fond des choses à travers sa douleur, proclame devant tous son testament.
Brunhilde. — La race des Dieux a passé comme un souffle. Je laisse le monde sans guide. Mais je lègue aux hommes le pur arcane de ma science sacrée. Ni la terre, ni l’or, ni maison, ni cour, ni pompe seigneuriale, ni les liens trompeurs des pactes humains, ni la dure loi des mœurs hypocrites — ne donnent le bonheur. — Dans la peine et la joie, il n’est de félicité — que dans l’Amour[4] !
Cette fin est saisissante et dramatique, mais elle n’offre à l’humanité future d’autre perspective que l’anarchie. Quoi ? Dans le raccourci grandiose de ses quatre drames, le poète nous a fait pressentir toute révolution planétaire. De sa main de Titan, il a fait sortir l’homme et l’âme humaine d’un monde de splendeur et de vérité. Il les a cueillis dans la pensée même du Dieu créateur et dans le rêve de l’âme universelle, il les a pétris et moulés dans le fleuve des élémens pour les conduire à leur sommet de conscience et de fierté, — et tout cela n’aurait servi qu’à les engloutir dans le néant ? On nous dit que tous les dieux sont morts, que tous les cadres s’écroulent, que vaines sont toutes les lois et vains les pactes et les sermens, et on ne laisse surnager, — sur ce chaos de destruction, — que l’amour sans guide, sans soleil et sans Dieu ? Le mythe Scandinave parlait lui aussi d’un Crépuscule des Dieux, mais il les fait renaître et les transfigure dans un nouveau Walhalla, avec une autre terre et d’autres cieux. Il suffit de formuler la conclusion de la cosmogonie wagnérienne, pour se dire que Wagner ne l’a pas écrite avec sa conscience supérieure de poète-voyant, mais avec sa conscience inférieure de penseur désespéré, influencé par Schopenhauer. Car c’est bien là le dernier mot de cette philosophie pessimiste. A ses yeux le monde et l’humanité ne sont qu’un perpétuel et fatal avortement, et la seule espérance est de mourir en beauté pour ne plus être après…
L’auteur de Lohengrin, le créateur de cette magnanime Brunhilde, pouvait-il en rester là ? Nous allons le voir rebondir de ce gouffre et gravir sa dernière cime avec Parsifal.
Après son établissement à Bayreuth et l’inauguration de son théâtre jusqu’à sa mort (de 1876 à 1883), Wagner est repris, plus que jamais, par l’inquiétude philosophique. Du paganisme pessimiste il revient au christianisme et à ses espérances consolantes. La question religieuse, l’avenir de l’humanité, ces problèmes l’assaillent et le tourmentent[5]. Mais le philosophe hirsute, à l’œil aigu, à la bouche amère, Schopenhauer est toujours là. Il lui chuchote à l’oreille ses terribles maximes : « L’homme est une bête sauvage. — L’espérance est la folie du cœur. — Au lieu d’identifier la nature avec Dieu, comme les panthéistes, on ferait bien mieux de l’identifier avec le diable. » Contre ces dogmes affligeans la nature intime de Wagner proteste. Il s’ingénie à les réfuter, il se chagrine l’esprit pour trouver des argumens. Finalement, il s’arrête à celui-ci : « La négation de la volonté de vivre suppose le plus haut degré d’énergie, » et « celui qui connaît son mal est maître de son salut. » Faible consolation, car, pour guérir d’un mal, il ne suffit pas de le connaître, il faut encore trouver le remède. Or Wagner avoue maintenant que l’art à lui seul ne peut suffire à la régénération de l’humanité. Elle ne pourrait s’opérer, dit-il, que sur la base d’une vraie religion. Et cette religion, non seulement il ne la voit pas dans notre religion corrompue, mais il ose à peine l’espérer pour l’avenir. C’est que, pour croire à la régénération de l’humanité, il faudrait réédifier ce monde divin qu’il avait fait crouler d’une poigne si formidable dans le Crépuscule des Dieux. Mais, ce dont le penseur est incapable, le poète-musicien le tentera dans Parsifal, et ce sera la dernière, mais éclatante victoire du voyant intuitif sur le raisonneur impuissant.
Qu’est-ce donc que Parsifal ? Un retour à la légende du Graal et, par elle, à l’idée de l’initiation. Seulement, au lieu de nous montrer le temple de loin, en perspective, il va pénétrer au cœur du sanctuaire. Car Parsifal nous présente le drame même de l’initiation en trois actes : Ier acte : la Préparation ; IIe acte ; l’Épreuve ; IIIe acte : l’Illumination et la Maîtrise.
L’enfant a été élevé dans un désert, au fond d’une forêt. Sa mère Herzeleide (traduction allemande du nom significatif de Douloureuse qu’elle porte dans les romans français) l’idolâtre et le garde jalousement. Son fils grandit dans la solitude, au milieu des oiseaux et des bêtes du bois ; il ne sait rien du monde et des hommes. Elle espère qu’ainsi il n’ira pas, comme son père Gamuret, se faire tuer dans les combats d’aventure. Mais nul n’échappe à sa destinée, et tout ce qu’on fait pour la fuir vous y rejette plus violemment. Rien ne peut empêcher l’adolescent d’obéir à son besoin d’action. Ayant rencontré un jour des chevaliers aux armures étincelantes, il veut les suivre et devenir comme l’un d’eux. Pris du désir de la gloire, il quitte sa mère éplorée sans autre arme que son arc et ses flèches. Parsifal est « le simple et le pur, » mais cette appellation, que l’oracle du temple donne à son roi futur, ne dit pas toute la nature de Parsifal. Avec l’innocence et le courage, il a le don de la pitié ou de la sympathie. Elle va chez lui jusqu’au pouvoir de revivre en lui-même la souffrance des autres et d’en percevoir la cause. Cette faculté renferme donc en germe la compréhension. Bien au-delà des sensations physiques et bien au-dessus de la raison, elle remonte aux sources spirituelles de l’âme. Elle devient ainsi le germe de l’intuition et de la clairvoyance, par suite le moyen essentiel de l’initiation aux vérités suprasensibles. Voilà ce que Wagner montre admirablement dans la manière dont il nous présenté son héros. Lorsque Parsifal, ignorant encore de tout, arrive dans le domaine du Graal, il tue innocemment un cygne d’un coup de flèche. Gurnemanz, le gardien du temple, lui montre l’oiseau mourant, son plumage de neige taché de sang et son regard brisé. Parsifal ému détourne la tête, brise son arc et le jette avec horreur. C’est sa première révélation, car c’est, dans son âme juvénile, le premier frémissement de l’âme universelle qui relie tous les êtres. Gurnemanz l’emmène dans le temple et le fait assister à la cérémonie du Saint-Graal. Le novice étonné entend le son des cloches profondes, il voit les chevaliers vêtus de blanc arriver sous la coupole, il voit le sang du Christ reluire dans la coupe de cristal et inonder de ses rayons l’assemblée des preux. Parsifal, comme emporté dans un rêve, ne comprend pas. Mais lorsque le roi Amfortas, le roi indigne de sa fonction parce qu’il est impur, pousse sa plainte désespérée, le nouveau venu porte subitement la main à son cœur qui se contracte sous l’étreinte d’une souffrance inconnue. La cérémonie terminée, le bon gardien demande à l’intrus s’il a compris ce qu’il a vu. Parsifal hoche la tête et Gurnemanz déçu le chasse avec humeur du temple. Mais le spectacle merveilleux qui s’est imprimé dans l’âme du jeune homme et la secousse de tout son être qu’il a ressentie devant la douleur d’Amfortas seront le principe de son initiation.
Le second acte, celui de l’Épreuve, se passe dans le château de Klingsor, qui s’oppose à la forteresse du Saint-Graal comme un repaire de magie noire, de volupté et de perdition. Il nous met en face du magicien pervers et de la séductrice Kundry. Cette Kundry est une des plus vivantes et des plus originales créations de Wagner, une de celles qui révèlent le mieux la profondeur de sa divination ésotérique. Elle a deux personnalités, deux âmes opposées qui alternent l’une avec l’autre, et lui font mener tour à tour deux existences absolument contraires. Tantôt, sous l’empire du mauvais magicien, qui sait la capter et la faire servir à ses desseins, elle se livre éperdument à ses instincts de volupté et de séduction. Alors superbe, caressante, irrésistible, elle fait tomber les jeunes chevaliers du Graal dans ses filets. C’est elle qui a séduit Amfortas et qui a permis ainsi à Klingsor de lui ravir la lance sacrée. C’est elle qui est chargée de séduire Parsifal, le plus redoutable ennemi de Klingsor, parce qu’il est innocent et pur. Toutefois Kundry n’est ni une courtisane vénale, ni une passionnée vulgaire. A travers ses amours successifs elle aspire à la délivrance. Elle sent instinctivement qu’elle ne trouverait son salut que par celui qui saurait lui résister. Elle le cherche sans le trouver. Devant elle, devant ses charmes, tous les hommes sont faibles et lâches. Le plaisir d’en triompher s’accompagne chez elle de mépris. Quand elle les voit sans force, épuisés à ses pieds, elle est prise d’un fou rire. Puis viennent, aigus comme des flèches, le remords et le repentir. Alors, changeant de costume, d’humeur et de vie, elle va servir les chevaliers du Graal en un sauvage vêtement de bohémienne, leur apportant des herbes et des baumes. Elle obéit ainsi à un besoin secret de réparer le mal qu’elle a fait. Cela dure un temps, puis son autre nature la reprend, le sauvage désir, le besoin de tout oublier dans la sensation. Elle a beau lutter ; un sommeil léthargique la terrasse. Le mauvais magicien en profite pour la ressaisir. Quand elle se réveille, elle est en son pouvoir et prête à recommencer son ancienne vie par une aventure nouvelle.
Cette conception serait remarquable à elle seule comme une mise en œuvre de la personnalité double et de la subconscience, récemment étudiées par la psychologie expérimentale, mais insuffisamment élucidées par elle parce qu’elle en ignore les causes. Or, ce sont précisément ces causes que Wagner met en lumière. Il suppose que cette double nature vient des existences antérieures de Kundry et le dit clairement. Dès le premier acte, Gurnemanz suggère aux jeunes chevaliers qui raillent la bohémienne et lui trouvent des airs démoniaques : « Elle expie peut-être ses vices d’autrefois. » Pour la réveiller, au second acte, Klingsor l’évêque avec les noms qu’elle portait dans d’autres existences. « Hérodiade, Stryge et Rose d’enfer. » Enfin, Kundry se souvient elle-même d’un moment capital d’une de ses vies antérieures, et ce moment incisif est l’axe de toute son évolution. Quand elle veut poursuivre Parsifal, dans le jardin des Filles-Fleurs, après avoir essayé vainement de tous ses sortilèges, elle finit par lui ouvrir son cœur dévasté.
KUNDRY. —… Oh ! si tu connaissais la malédiction qui me chasse à travers la veille et le sommeil, à travers la mort et la vie, la peine et le rire, qui me jette sans cesse à de nouvelles douleurs et me torture sans fin à travers l’existence. Je l’ai vu — Lui — Lui — et j’ai ri… Alors son regard m’atteignit. — Et maintenant je cherche de monde en monde à le retrouver… Au plus fort de la détresse, je crois sentir l’approche de son œil, — et ce regard se poser sur moi !…
Or Lui, c’est le Christ. La musique le dit avec une force poignante en ramenant le thème douloureux et tendre, qui signifie, dans toute l’œuvre, la souffrance de l’homme-dieu. Peut-on être plus transparent ? C’est à travers les dernières profondeurs de la sensibilité et de la conscience que Wagner revient ici à l’idée de la réincarnation, qui, depuis deux mille ans, avait disparu de la religion et de la philosophie occidentale et qui reparaît aujourd’hui, de tous côtés, avec tant de force parmi nous. Oui, l’explication du caractère de Kundry est dans ses vies antérieures, dans son double Karma pour me servir de l’expression sanscrite, dans les flux et les reflux violens du mal et du bien qui luttent en elle.
Pourquoi Parsifal trouve-t-il la force de résister à la tentatrice, quoique le charme de la volupté et de la femme l’ait fait tressaillir ? Est-ce par une règle de morale abstraite ? Est-ce pour obéir à un dogme ? Non, c’est parce qu’en recevant le baiser de Kundry, il a eu, avec la révélation de la volupté, la révélation de la douleur d’Amfortas qu’un tel baiser a rendu infidèle à sa mission et livré sans défense au coup de Klingsor qui le blesse avec sa propre lance. Parsifal maintenant sent brûler dans son propre cœur la blessure du roi malade et n’aura ni cesse ni repos avant de l’avoir guéri. Il a surmonté la tentation parce que la sympathie pour la souffrance humaine a été plus forte que le désir de la chair. Par cette domination sur soi, par cette force conquise, « le simple et le pur » aura le pouvoir de sauver en même temps Arafortas, le roi déchu et Kundry, la femme passionnée, qui assouvira enfin son éternel désir dans un amour infini, lorsqu’elle rendra l’âme aux pieds de son vainqueur couronné, dans le temple du Graal.
Dans le dernier acte de Parsifal, celui de la révélation proprement dite, je ne relèverai que les deux scènes les plus caractéristiques, parce qu’elles expriment deux pensées essentielles du christianisme ésotérique : celle connue sous le nom de charme du Vendredi saint et la scène finale de l’illumination du temple par la colombe mystique.
Quand Parsifal, devenu conscient de lui-même et transformé par de longues épreuves, a trouvé Kundry repentante près de la source sacrée, après qu’il l’a baptisée d’eau pure et que Gurnemanz l’a sacré lui-même roi du Graal, avec l’huile parfumée de cette nouvelle Madeleine, prosternée aux pieds de son sauveur, une mélodie d’une extrême suavité s’épanche de l’orchestre. Les fleurs de la prairie embaument sous la rosée, et, toutes rayonnantes d’une grâce nouvelle, ont l’air de regarder le groupe merveilleux. Le vieux gardien du Graal s’écrie : « Ce sont les larmes du repentir qui couvrent la pelouse, et sous cette rosée l’herbe et la fleur relèvent la tête. Toute créature aspire au Rédempteur et tressaille de joie devant l’homme purifié. » Il y a dans cette scène et dans cette mélodie un sentiment ineffable de la résurrection de l’âme par l’amour divin et de l’influence régénératrice que l’homme en possession de toutes ses puissances exerce non seulement sur ses semblables, mais encore sur tous les êtres. Il est remarquable que cette scène fut la première écrite de tout le drame, paroles et mélodie, comme une inspiration spontanée et non préméditée par le poète-musicien, pendant une radieuse matinée de Vendredi saint à Zurich. Car cette idée d’une résurrection de l’âme, dès cette vie, et d’une transformation de toute la nature par l’Amour universel, est la grande nouveauté apportée par le christianisme dans le monde et ajoutée aux révélations précédentes.
La colombe blanche qui descend de la coupole du temple et vient planer, à la fin du mystère, sur la coupe du nouveau roi du Graal, où fulgure le sang du Christ, est le symbole connu du Saint-Esprit, de l’antique Sophia, ou de l’inspiration d’en haut. En éclairant le sanctuaire de sa lumière merveilleuse, il reprend ici le vrai sens que lui ont donné les instigateurs primitifs de la légende du Saint-Graal. Il veut dire que cette inspiration et cette sagesse ne peuvent agir d’une manière féconde sur l’humanité que par un groupe organique d’initiés consciens et constituant le temple spirituel. Au moment où la lumière blanche qui émane de la colombe atteint son plus haut degré d’intensité, illuminant le sanctuaire et l’assemblée, un chœur invisible chante ces paroles : « Rédemption au Rédempteur ! » Cela veut dire que l’esprit du Christ n’est pas toujours où sont ses représentans officiels. Lorsque la tradition languit et se dessèche en leurs mains, l’inspiration passe ailleurs. Le vrai temple est là où règnent la lumière, la liberté, l’amour et l’espérance. Il est là où la nature humaine s’épanouit dans sa pleine harmonie et pousse ses rameaux divins sous la garde de la sagesse et de la charité. C’est donc au temple intellectuel et spirituel de l’initiation qu’ont pensé ceux qui ont lancé dans le monde la légende du Saint-Graal. C’est aussi ce temple que Wagner a glorifié dans Parsifal avec son génie divinateur. Nous pouvons ajouter que c’est celui qu’il s’agit aujourd’hui plus que jamais de reconstruire sur des bases nouvelles.
Résumant les aperçus rapides de cette étude je dirai : Wagner offre l’exemple rare d’un artiste dont l’inspiration éruptive et souveraine l’emporte toujours sur les idées préconçues de son temps et sur ses propres doutes. Par là, il a ouvert des brèches lumineuses à travers le rempart épais du matérialisme contemporain sur le vaste royaume de l’âme et de l’esprit. Par là, il a pressenti l’ésotérisme chrétien, qui, en se reliant à l’idée prométhéenne de la Grèce et à la sagesse antique de l’Inde, annonce une ère nouvelle à l’humanité.
EDOUARD SCHURE.
- ↑ Voyez la fin du livre VIII dans son autobiographie Wahrkeit und Dichtung et ses rapports avec Mlle de Klettenberg. Voyez surtout la poésie intitulée Die Geheimnisse dans son recueil lyrique Vermischte Gedichte. Cette poésie renferme le symbole de la Rose-croix et développe l’idée de l’unité des religions, sous l’égide de la doctrine ésotérique.
- ↑ Richard Wagner, von Euston Steward Chamberlain, mit Porträts, facsimile und Beilagen (Bruckmann, Munich, 1896).
- ↑ Voyez les principales œuvres théoriques de Wagner qui correspondent à ces trois périodes : — Pour la période révolutionnaire : L’Art et la Révolution (1849) ; L’Œuvre d’Art de l’avenir (1849) ; L’Art et le Climat (1850) ; Opéra et Drame (1851). — Pour la période pessimiste et schopenhauerienne : L’État et la Religion (1864) ; L’Art allemand et la politique allemande (1865) ; Beethoven (1870). — Pour la période chrétienne de Parsifal : Religion et Art (1880) ; Héroïsme et Christianisme (1881). Tous ces écrits se trouvent dans les œuvres complètes de Richard Wagner en 10 volumes (Fritsch, à Leipzig).
- ↑ L’influence de Schopenhauer est d’autant plus évidente dans ce morceau, que, dans la première version de l’œuvre, la Mort de Siegfried, publiée au tome II des Œuvres complètes, Brunhilde tient un tout autre langage. Là elle annonce qu’après avoir été consumée par le feu avec Siegfried elle le présentera à Wotan et qu’ainsi le héros, l’héroïne purifiés délivreront le Dieu de la malédiction qui a pesé sur lui et sur eux. Or cette conclusion date d’une époque où Wagner ne connaissait pas encore Schopenhauer.
- ↑ Voyez Art et Religion, Héroïsme et Christianisme, etc., dans le tome X des Œuvres complètes.