L’Idylle éternelle/Prosodie

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Paul Ollendorff, éditeur (p. 135-138).


PROSODIE


À François Coppee


1


Dans la rosée et les roseaux.
Dans les plaines, au bord des eaux,
Traçant de délicats réseaux,
          Les hirondelles,

Petits oiseaux capricieux,
Rasent le sol, puis dans les cieux
Prennent un vol audacieux
          À tire d’ailes.


2


Elles trempent parfois leur aile au ruisseau clair.
          L’œil les suit ; mais, déjà, dans l’air,
Elles ont disparu comme un rapide éclair.

          Dédaignant le repos des branches,
On voit dans l’infini, parmi des avalanches
          De lumière, leurs ailes blanches.

Elles planent, et puis redescendent encor,
          Et reprennent leur grand essor
Dans la profondeur vague au milieu du ciel d’or.


3


 
Et cette hirondelle exquise, la Muse,
          Aux mêmes détours s’amuse.

Il lui faut l’azur de lueurs strié.
          Infiniment varié.

Il lui faut aussi la fraîcheur des îles
          Et la grâce des Idylles.


4


Une minute avant l’ondée
Les hirondelles sont là-haut ;
Elles descendent aussitôt
De la profondeur insondée.

La rivière est déjà ridée
Par un frisson fait d’un sanglot ;
Elles viennent raser le flot
Avec leur aile intimidée.

Ô chère Muse, c’est ainsi
Que tu viens, déhcate aussi,
Nous consoler par tes caresses,

Dans l’attente ou le souvenir
Des plus douloureuses tendresses.
Lorsque les larmes vont venir.