L’Idylle éternelle/Retour

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Paul Ollendorff, éditeur (p. 147-150).


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Quel doux rève c’est !
(Qui donc y pensait ?
        Personne.)
Mars émerveille
        Frissonne
Tout ensoleillé.


Ô réveil des choses !
Les arbustes roses
        Et verts
Font faire aux poètes
        Des vers
Avant les fauvettes.

Et j’ai dit : Je veux
Que de blonds cheveux
        D’aurore
Rendent plus subtil
        Encore
Ce doux mois d’avril.


Avril est revenu comme un voyageur sombre,
Les lèvres sans baisers et les yeux sans regard,
Très las, qui ne sait plus, cœur envahi par l’ombre,
Retrouver au retour les chansons du départ.
 
Les choses qu’il revoit, qui pourtant furent siennes,
L’attristent ; au bonheur qui s’offre il dit : « Va-t’en !
Je garde la rancœur des douleurs anciennes
Et le ressouvenir des idylles d’antan. »

Ô rires désappris ! sans rapporter les roses,
Les rêves et la grâce aimable des lilas,
Morne et pâle, les yeux en pleurs, les lèvres closes,
Avril est revenu comme un voyageur las.