L’Idylle vénitienne/L’Épitaphe
L’ÉPITAPHE
Dénouez le bouquet de violettes que j’ai glissé à votre ceinture… Effeuillez-le… Jonchez-en ce tombeau ! Jetez des fleurs à cette fleur !
Elle s’appelait Zerlina, sans doute, ou Cattina, ou Zulietta… Elle avait, pour sûr, le visage fin, la taille souple, la gorge ronde ; et, cependant, Pietro Longhi n’a pas fait son portrait… Bernis, en un tendre acrostiche, n’a pas célébré ses fossettes… Seingalt n’a pas baisé sa bouche !
C’était un petit lis blanc…
Chaque soir, tandis que, dans sa chambre, elle récitait sa prière, le bruit lointain du carnaval ou le chant des sérénades lui arrivaient à travers la vitre, mêlés au clair de lune. Un instant, elle se taisait, penchait la tête, tendait l’oreille, frissonnait un peu, puis reprenait son oraison.
Elle a dû mourir doucement, bien sage, bien calme et avec, aux lèvres, un gentil sourire… De quoi aurait-elle eu peur ? Le ciel l’attendait, si proche ! Ne s’était-elle pas, la veille, confessée de toutes ses fautes… d’avoir, une fois, respiré trop longtemps une rose… de s’être trouvée jolie, en se regardant à la glace… d’avoir laissé la brise, — un jour d’été, sur le balcon, — soulever le bas de sa jupe, frôler ses genoux et, comme une main fraîche et furtive, caresser sa chair secrète… ?