L’Image du monde/Méthode de l'éditeur

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Texte établi par O. H. Prior, Librairie Payot & Cie (p. 23-25).

Méthode de l’éditeur. — Le texte, tel que nous le présentons, est celui du manuscrit A. Toutefois la comparaison des différentes copies de l’Image du Monde a permis de corriger beaucoup de noms propres et certains chiffres.

Dans les cas où le sens d’une phrase était altéré soit par erreur, soit par ignorance de copiste, la leçon la plus correcte et la plus claire a toujours été préférée.

Tous les manuscrits en prose et plusieurs en vers ont été consultés et sont souvent cités ; mais toutes les variantes de B, sans exception, sont reproduites, et toutes celles de N et C lorsqu’il y a une lacune dans B.

A fo 23 B. s. R B N C
Et li clers doivent ensaingnier ces .ii. manieres de genz et les doivent adrecier de leurs euvres, si que nus ne face chose dont il perde Dieu ne Sa grace. Ainsi poserent trois manieres de genz ça en arrieres li sage philosophe au monde, comme cil qui bien sorent que nul ne pourroit metre son courage a ce qu’il peüst estre bien sages a droit en .ii. aferes ne en trois. Car il n’avint onques jour du monde que clergie et chevalerie et laboureeurs de terre peüsent estre bien senés a nul jour de leur vies par .i. seul home ne aprises, ne retenues. Et les clers doivent enseignier ces deux manieres de gens et les doivent adrechier de leurs œuvres, si que nul ne face chose dont il perde Dieu ne Sa grace. Ainsi poserent jadiz les sages philozophes trois manieres de gens au monde, comme ceulx qui bien sceurent que nul ne porroit mettre son coraige ad ce qu’il peüst estre bien sage a droit en deux manieres ne en trois. Car il n’ advint oncques jour du monde que clergie.... chevalerie et laboureurs de terre peüssent estre bien senez a nul jour de leurs vies par ung seul homme, ne aprises, ne retenues. Et li clerc si doivent ensaignier ces .ii. manieres de genz et les doivent adrecier de leur œvres, si que nus ne face chose dont il perdent Dieu ne Sa grace. Ainsi poserent trois manieres de genz ça en arrieres li sages philosophes au monde, comme cil qui bien sorent que nus n’i porroit meitre son courage a ce qu’il peüst estre bien.... a droit en .ii. afaires ne en trois. Car il n’avint onques jour du monde que clergie et chevalerie et laboureeurs de terres peüssent estre bien seües a nul jour de leur vies par .i. seul homme, ne aprises, ne retenues. Et les clers si doivent ensaingnier ces .ii. manieres de genz et les doivent adrecier de leur ouevres, si que nus ne face chose dont il perde Dieu ne Sa grace. Ainsi poserent trois manieres de genz ça en arrieres les sages philosophes au monde, comme cil qui bien sorent que nul ne pourroit metre son courage a ce qu’il peüst estre bien.... a droit en .ii. aferes ne en trois. Car il n’avint onques jour du monde que clergie et chevalerie et laboureus de terre peüsent estre bien senés a nul jour de leur vies par .i. seul home, ne aprises, ne retenues. Et lez clers doivent enseingnier ces .ii. manieres de genz et les doivent adrecier a leurs euvres, si que nus ne face chose dont ilz perdent Dieu ne Sa grace. Ainsi pouserent trois manieres de genz ça en arriere li sages philozophes au monde, comme cilz qui bien sceurent que nulz ne pourroit metre.... couraige... ... ne estre bien sages a droit en .ii. affaires ne en trois. Car il n’avint onques jour du monde que clergie et chevalerie et laboureeurs de terre peüssent estre bien senés a nul jour de leur vie, par un seul home bien sceües, ne bien aprinses, ne retenues.

En regard du texte en prose sont indiqués les vers auxquels chaque chapitre correspond. Dans ce but nous nous sommes servi d’une excellente copie de la première rédaction[1].

L’orthographe du copiste de A, même dans ce qu’elle a de plus exceptionnel, est maintenue partout, mais à deux conditions : 1° que le mot où l’orthographe exceptionnelle se présente ne soit pas isolé dans le manuscrit, mais soit répété sous cette forme dans quelque autre partie[2].

Nous faisons une exception à cette règle dans le cas de mots isolés tels que vount[3], avouns[4], qui reproduisent une forme dialectale prononcée, et dont l’orthographe est si typique de l’anglo-normand qu’on ne saurait y voir une faute de copiste ;

2° Que cette orthographe soit confirmée par des exemples analogues tirés d’autres ouvrages ou cités par des savants qui fassent autorité.

Les formes grammaticales et la syntaxe du manuscrit A restent intactes. Les nombreuses irrégularités de déclinaison et d’accord sont une preuve additionnelle que A est l’ouvrage d’un copiste anglo-normand : c’est un lieu commun que, dès le XIIe siècle, ce dialecte précède tous les autres en négligeant la distinction des cas, et qu’au XIIIe siècle le système de déclinaison est en pleine décadence.

Nous corrigeons donc 1° les formes orthographiques isolées et que nous ne pouvons confirmer, 2° les omissions, 3° les répétitions et autres erreurs évidentes, 4° les phrases, les noms et les nombres quand la bonne leçon se trouve dans les autres manuscrits.

  1. British Museum, Arundel 52. Il manque 79 vers à ce manuscrit ; mais, à part deux passages assez longs qui sont notés, le copiste a seulement omis quelques lignes de peu d’importance pour le sens des phrases.
  2. Cf. sont (= suum) fo 36 d ; cette forme se retrouve fos 74 a et 82 b, elle est, de plus, confirmée par des exemples et des parallèles dans d’autres auteurs ; par conséquent nous l’admettons.
  3. V. fo 5 b.
  4. V. fo 22 a.