L’Immobile beauté

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Mercure de France (p. 125-126).

XXVIII


L’immobile beauté

Des soirs d’été,
Sur les gazons où ils s’éploient,
Nous offre le symbole
Sans geste vain, ni sans parole,
Du repos dans la joie.

Le matin jeune et ses surprises
S’en sont allés, avec les brises ;
Midi lui-même et les pans de velours
De ses vents chauds, de ses vents lourds
Ne tombe plus sur la plaine torride ;
Et voici l’heure où, lentement, le soir,
Sans que bouge la branche ou que l’étang se ride,
S’en vient, du haut des monts, dans le jardin, s’asseoir.


Ô la planité d’or à l’infini des eaux,

Et les arbres et leurs ombres sur les roseaux,
Et le tranquille et somptueux silence,
Dont nous goûtons alors
Si fort
L’immuable présence,
Que notre vœu serait d’en vivre ou d’en mourir
Et d’en revivre,
Comme deux cœurs, inlassablement ivres

De lumières, qui ne peuvent périr !