L’Impôt Progressif en France/54

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Librairie Guillaumin & Cie (p. 235-236).


D’une Parisienne





La révolution française a déplacé les privilèges, mais elle n’a pas supprimé les abus. La bourgeoisie, en se substituant à la noblesse et au clergé en 1789, a constitué, par les prérogatives qu’elle s’est arrogées et par l’accumulation des richesses dans un petit nombre de mains, le danger du capitalisme qui prend les proportions d’une féodalité financière.

L’équilibre pourrait être pacifiquement rétabli par cet impôt progressif qui surchargerait les grosses fortunes et dégrèverait les petites ; mais il est certain que les privilégiés d’aujourd’hui ne se laisseront pas tondre sans crier et qu’ils essaieront par tous les moyens possibles de se soustraire aux exigences de la loi.

N’importe, je crois qu’avec de l’énergie et des volontés intelligentes, le projet triomphera, et quel que soit du reste le résultat de leurs efforts, ceux qui auront combattu pour cette cause de haute moralité auront bien mérité de l’humanité laborieuse !

Un économiste savant, habitué à classer les hommes comme on range dans un cabinet d’histoire naturelle des animaux empaillés, pourra très bien ne pas approuver cette appréciation de la question.

On est heureux de rencontrer un esprit féminin qui ne dédaigne pas d’introduire l’élément moral et sentimental dans une législation qui intéresse, après tout l’immense portion de la société humaine où cet élément joue peut-être le plus grand rôle. Après les discussions de l’École sur les phénomènes abstraits de la production des richesses, il n’est pas mauvais d’appeler l’attention sur leur emploi et sur leur distribution. Dans cette seconde partie du problème, il est bien permis d’envisager autre chose que le côté matériel de la production des richesses et de tenir compte des nécessités et des besoins de l’individu pour faciliter une plus équitable répartition de ces richesses. Chose singulière : elles ne sont produites que par le travail, et c’est précisément ce même travail qui aujourd’hui en profite si peu.

L’honorable inconnue qui traduit sa pensée en si bons termes a parfaitement compris la question.